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Mercure hydrothermal : l’histoire naturelle d’un contaminant

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Notre collègue Hélène Planquette a participé à une étude internationale coordonnée par le CNRS visant à estimer la contribution des sources hydrothermales au stock de mercure présent dans les océans.

Cette étude vient d’être publiée dans la revue Nature Geoscience et fait l’objet d’un communiqué du CNRS :

Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le CNRS (voir encadré), a établi la première estimation mondiale des émissions hydrothermales de mercure (Hg) provenant des dorsales médio-océaniques. La Convention de Minamata sur le mercure de l’ONU vise à réduire l’exposition humaine au mercure toxique à travers la réduction des émissions anthropiques. Nous sommes principalement exposés via la consommation de poissons qui bioaccumulent le Hg de l’océan. Le paradigme actuel est que les émissions anthropiques de mercure (actuellement 3 100 t an-1) sont à l’origine de l’augmentation du réservoir océanique mondial de mercure de 21 %. Cette estimation est erronée car nous ne savons pas quelle quantité de mercure naturel résidait dans l’océan avant le début des émissions anthropiques.

Nous ne sommes également pas en mesure de quantifier l’impact des émissions anthropiques sur les niveaux de Hg chez des poissons. L’hydrothermalisme est la seule source directe de Hg naturel vers l’océan. Des études antérieures, basées uniquement sur les mesures des fluides hydrothermaux, suggéraient que les apports du Hg hydrothermal pourraient se situer entre 20 et 2 000 t an-1. Cette nouvelle étude a utilisé, en plus des mesures de fluides, des mesures de panaches hydrothermaux, d’eaux de mer et de carottes de roches provenant de la source hydrothermale Trans-Atlantic Geotraverse (TAG) sur la dorsale médio-atlantique.

La combinaison des observations suggère que la majorité du Hg enrichi dans les fluides, serait diluée dans l’eau de mer et qu’une petite fraction précipiterait localement. Une extrapolation des résultats indique que le flux hydrothermal global de Hg provenant des dorsales médio-océaniques est faible (1,5 à 65 t an-1) par rapport aux missions anthropiques de Hg. Bien que cela suggère que la majeure partie du Hg, présent dans l’océan, est d’origine anthropique, cela laisse également espérer que la mise en œuvre stricte des réductions d’émissions, dans le cadre de la Convention de Minamata, réduira les niveaux de mercure des poissons et l’exposition des humains.

 

Référence de l’article :

Torres-Rodriguez, N., Yuan, J., Petersen, S. et al. Mercury fluxes from hydrothermal venting at mid-ocean ridges constrained by measurementsNat. Geosci. (2023).

Preuve que les niveaux de mercure du thon dans le Pacifique sont déterminés par la production de méthylmercure marin et les apports anthropiques

Résumé

Le thon de l’océan Pacifique fait partie des produits de la mer les plus consommés, mais il contient des niveaux relativement élevés de méthylmercure, une neurotoxine. Des observations limitées suggèrent que les niveaux de mercure dans le thon varient dans l’espace et le temps, mais les facteurs déterminants ne sont pas bien compris. Nous avons cartographié les concentrations de mercure dans le thon listao dans l’océan Pacifique et construit des modèles additifs généralisés pour quantifier les facteurs anthropiques, écologiques et biogéochimiques. Les niveaux de mercure du thon listao présentent un gradient spatial, avec des concentrations maximales dans le nord-ouest près de l’Asie, des valeurs intermédiaires dans l’est et les niveaux les plus bas dans l’ouest, le sud-ouest et le centre du Pacifique. Les grandes différences spatiales peuvent s’expliquer par la profondeur du pic de méthylmercure dans l’eau de mer près des zones à faible teneur en oxygène, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans les régions où l’oxygène est peu abondant. Malgré ce contrôle biogéochimique naturel, le point chaud du mercure dans le thon pêché près de l’Asie s’explique par des concentrations atmosphériques élevées de mercure et/ou des apports fluviaux de mercure sur le plateau côtier. Bien que nous ne puissions ignorer l’apport de mercure hérité d’autres régions de l’océan Pacifique (par exemple, l’Amérique du Nord et l’Europe), nos résultats suggèrent que les rejets récents de mercure d’origine anthropique, qui sont actuellement les plus importants en Asie, contribuent directement à l’exposition actuelle de l’homme au mercure.

 

Résumé graphique

FIG.2 : Variabilité spatiale des concentrations de mercure dans le thon listao. Cartes de contours spatiaux lissés des (A) concentrations de Hg observées et (B) normalisées (microgrammes ⋅ grammes-1, dw) dans les échantillons de muscle blanc de listao de l’océan Pacifique. Les points noirs représentent l’emplacement des échantillons de listao. Les zones océaniques correspondent à l’origine des échantillons : NWPO, CNPO, NEPO, EPO, SWPO, et WCPO. Les points transparents représentent l’emplacement des échantillons d’eau de mer avec des données MeHg disponibles et publiées.

 

Points forts

Les humains sont exposés au méthylmercure toxique principalement en consommant des poissons marins. Les nouvelles politiques environnementales de la Convention de Minamata reposent sur une compréhension encore mal connue de la manière dont les émissions de mercure se traduisent par des niveaux de méthylmercure dans les poissons. Nous fournissons ici la première carte détaillée des concentrations de mercure du thon listao dans le Pacifique. Notre étude montre que le fonctionnement naturel de l’océan mondial a une influence importante sur les concentrations de mercure du thon, notamment en ce qui concerne la profondeur à laquelle les concentrations de méthylmercure atteignent leur maximum dans la colonne d’eau. Cependant, les apports de mercure provenant de sources anthropiques sont également détectables, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans le nord-ouest de l’océan Pacifique qui ne peut être expliquée uniquement par les processus océaniques.

 

Référence

Anaïs Médieu, David Point, Takaaki Itai, Hélène Angot, Pearse J. Buchanan, Valérie Allain, Leanne Fuller, Shane Griffiths, David P. Gillikin, Jeroen E. Sonke, Lars-Eric Heimbürger-Boavida, Marie-Maëlle Desgranges, Christophe E. Menkes, Daniel J. Madigan, Pablo Brosset, Olivier Gauthier, Alessandro Tagliabue, Laurent Bopp, Anouk Verheyden, Anne Lorrain. Evidence that Pacific tuna mercury levels are driven by marine methylmercury production and anthropogenic inputs. Proceedings of the National Academy of Sciences Jan 2022, 119 (2) e2113032119; DOI: 10.1073/pnas.2113032119

Lire l’article sur le site de PNAS

 

Cette étude a fait l’objet d’un article dans le Mag de l’IRD.

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MERTOX

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Equipe Chibido

Equipe

Chibido

Chimie marine, cycles biogéochimiques et dynamique océanique

Comme le soulignent les rapports du GIEC, les changements globaux s’intensifient et s’accélèrent avec des conséquences multiples pour les océans et la cryosphère (désoxygénation, eutrophisation, contamination, fonte précoce de la banquise…). Les puits, les sources et la dynamique interne des éléments chimiques biogènes et métalliques qui sont à la base de la vie dans les océans, en sont profondément impactés. La disponibilité de ces éléments conditionne l’intensité de la production primaire et l’assimilation du carbone par le phytoplancton, et le phytoplancton contrôle la structure des écosystèmes marins et des réseaux trophiques et régule l’efficacité de la pompe biologique de carbone. Notre équipe s’est donné pour objectifs d’améliorer notre compréhension des cycles biogéochimiques marins et de leurs impacts sur les écosystèmes, en accord avec les défis 7 (rôle du vivant dans les cycles biogéochimiques), 8 (milieux polaires), et 10 (continuum Terre-Mer) identifiés comme prioritaires dans les prospectives de l’INSU. L’équipe se structure en 4 axes de recherche, chacun se focalisant sur des objectifs scientifiques spécifiques, mais tous tournés vers nos objets d’étude principaux : les cycles biogéochimiques océaniques. Ainsi dans l’AR1 l’objectif principal est d’observer et de caractériser la variabilité spatio-temporelle des cycles biogéochimiques des éléments biogènes et métalliques et de leurs puits et sources aux interfaces. L’AR2 se focalise sur les facteurs contrôlant la structure des communautés marines et leur impact sur les cycles biogéochimiques, depuis l’hydrodynamisme de petite échelle jusqu’aux facteurs limitants tels que les éléments nutritifs, et les modes de nutrition (mixotrophie). L’AR3 qui était dans le précédent contrat focalisé uniquement sur la pompe biologique de carbone s’élargit dans le prochain pour s’intéresser au devenir de la matière biogène dissoute et particulaire. L’AR4 étudie les transferts de matière dans le continuum Terre-Mer et les cascades d’impacts du changement climatique et de l’anthropisation au sein de ce continuum.

Axes de recherche de l’équipe Chibido.


Animation : Hélène Planquette (CNRS) et Jill Sutton (UBO)

Dans cet Axe de Recherche (AR) nous nous impliquons dans de grandes campagnes océanographiques multidisciplinaires et internationales afin de remédier au manque de données, spatiales et temporelles, des micro- et macro-nutriments, leur spéciation et les isotopes stables pertinents. En lien avec les axes transverses du LEMAR “ATRAP” et « LEMAR au Sud« , cet objectif sera en partie abordé en Arctique et en Antarctique, des milieux particulièrement sensibles aux changements globaux. Cet AR nourrira également les thématiques de l’axe transverse “COUPLAGE”.

Evaluation des stocks et dynamique interne

L’équipe s’attachera à étudier simultanément les spéciations physiques (particulaire, colloïdal et soluble) et chimiques (notamment organique, lié à des substances humiques) du fer. Cet objectif sera abordé dans l’océan austral lors de grandes campagnes océanographiques, coordonnées notamment par le LEMAR avec l’ANR SWINGS dans le cadre du programme international GEOTRACES, ou encore SeaTraM et « Seasonal Fe Speciation in the Southern Ocean » dans le cadre de la continuité du Laboratoire Mixte International ICEMASA (International Centre for Education, Marine and Atmospheric Sciences over Africa).

Par ailleurs, l’équipe s’attèle à établir un bilan exhaustif du cycle du Si aux pôles en évaluant les contributions respectives des différents compartiments et organismes impliqués et en tenant compte de leur évolution dans ces écosystèmes fortement soumis aux changements climatiques. Ces bilans s’appuient sur des collaborations avec le canada (Takuvik), la NIWA (Nouvelle-Zélande), l’International Ocean Discovery Program (IODP; USA, Australie), et l’Australian National University (Australie) dans le cadre de campagnes internationales en mer de Baffin (Arctique) et en mer de Ross en Océan Austral. Une partie de ces recherches seront réalisées dans le cadre du projet CLIMArcTIC. La caractérisation géochimique des organismes silicifiées permettra d’utiliser la composition isotopique stable du Si (δ30Si) des radiolaires comme nouveau paléo-proxy de la teneur en Si de la zone mésopélagique de l’océan passé, paramètre encore inaccessible aux paléocéanographes.

Flux aux interfaces : couplage pelagos-benthos, glace-colonne d’eau, sources hydrothermales

 Les récentes campagnes GEOTRACES ont révélé l’existence de panaches hydrothermaux de métaux pouvant atteindre plusieurs milliers de km. Cependant, les processus responsables du maintien des métaux traces essentiels tels que le fer demeurent méconnus et nécessitent d’être explorés. De plus, l’impact de tels apports sur les budgets régionaux de Fe dissous et sur les cycles biogéochimiques des éléments biogènes (C, N, P, Si) n’a jamais été étudié. Ces problématiques sont au coeur des études menées au niveau de deux dorsales radicalement différentes : l’arc volcanique Tonga peu profond (ANR TONGA) et les sites hydrothermaux le long de la dorsale SWIR dans le secteur indien de l’océan austral (ANR SWINGS).

Les flux de Si entre les sédiments et la colonne d’eau, ceux entre la glace et la colonne d’eau ou entre le particulaire et le dissous sont en constante évolution avec des processus ou mécanismes liés entre autres aux différents organismes présents à ces interfaces. Ces flux seront étudiés grâce aux campagnes en mer et collaborations internationales associées pour revisiter le budget du Si marin et dans le cadre de l’ANR RADICAL.

Animation : Pascal Rivière & Eva Bucciarelli 

Dans cette AR, nous chercherons à mieux comprendre les facteurs impactant les organismes marins jouant un rôle clé sur les cycles biogéochimiques majeurs, en ciblant en particulier l’impact des structures hydrodynamiques de petites échelles sur les communautés (phytoplancton-micronecton), et la rétroaction de ces communautés sur les cycles biogéochimiques majeurs. Nous nous focaliserons sur deux facteurs essentiels : la limitation en éléments nutritifs (micro- et macro-) et le mode de nutrition (mixotrophie).

Dynamique sub-mésoéchelle et structure des communautés océaniques

Les objectifs spécifiques, en lien avec l’AT COUPLAGE, sont ici d’améliorer les mesures des mouvements océaniques à submésoéchelle et de la production primaire afin de mieux comprendre l’impact des structures dynamiques de petites échelles sur la production primaire et d’identifier les mécanismes physiques, biogéochimiques et écologiques contrôlant la distribution spatiale des niveaux trophiques intermédiaires (ITL). Afin d’observer à la fois les processus physiques et biologiques impliqués aux mêmes échelles de temps et d’espace nous combinerons des données issues de systèmes d’observation haute résolution, et la modélisation dans le cadre de projets tel que DIEGO (NASA/CNES SWOT SDT 2020-2023). Les données de la mission spatiale SWOT (2022) seront combinées à celles des flotteurs dérivants de surface et à l’altimétrie conventionnelle dans des régions fortement turbulentes et des simulations numériques à haute résolution, pour comprendre la relation entre la frontogenèse et la production primaire de surface. Dans l’ANR COGNAC (coll LOPS) notre équipe s’attaquera à un autre défi majeur : l’observation in situ des mouvements océaniques à petite échelle (<10 km) et leur impact sur le fonctionnement de l’océan au sens large. Nous pourrons ainsi faire le lien entre ces structures de petites échelles et la distribution spatiale et temporelle des niveaux trophiques intermédiaires (ITL: zooplancton, micronecton) à mésoéchelle et submésoéchelle entre autre dans le projet MECODIHR et dans le cadre du programme SO-MEMO.

 

Influence des organismes “oubliés” sur les cycles biogéochimiques majeurs (Si, C, N, S)

Il s’agira de mieux comprendre la variabilité des flux d’éléments majeurs (N, C, Si, S) entre le milieu et les organismes marins en fonction des éléments limitants et des modes de nutrition des différents groupes d’organismes, avec un focus sur ceux encore négligés à ce jour.

Même si les diatomées pélagiques restent l’acteur majeur du cycle du Si, de récentes recherches soulignent la contribution non négligeable d’autres organismes silicifiés pélagiques et benthiques. Les contributions respectives du microphytobenthos et des éponges siliceuses au cycle du Si seront réévaluées dans les zones côtières dans les projets EC2CO ROSBYF, ARISE et DARKSI, tandis que nous chercherons à déterminer si les perturbations induites par l’homme affectent le déséquilibre en Si qui impacte aquaculture et pêche. En ce qui concerne les silicifiés pélagiques, des projets tels que LEFE_ROSI et les ANR RADICAL et RHICYCLE étudierons le rôle fonctionnel des différents taxons de rhizarias siliceux dans les cycles biogéochimiques du silicium, de l’azote et du carbone tandis que nous chercherons à mieux comprendre l’assimilation de silicium par les cyanobactéries, et sa régulation par les conditions environnementales comme la disponibilité des métaux et le rôle des diatomées et des cyanobactéries dans le cycle du soufre, via le diméthylsulfure (DMS) qui participe à la formation des nuages, à l’albedo planétaire et donc au bilan radiatif global (collab. AD2M, SB Roscoff, projet FEDRE).

Influence des modes de nutrition adaptables sur les cycles biogéochimiques majeurs (Si, C, N, S) En plus de son métabolisme photosynthétique, le phytoplancton peut présenter d’autres modes de nutrition, notamment l’osmotrophie et la phagotrophie. Longtemps considérée comme marginale la mixotrophie n’est encore que très rarement prise en compte pour estimer le fonctionnement des écosystèmes. Notre équipe cherchera à mieux quantifier la mixotrophie sur des espèces cibles de phytoplancton mixotrophe mais aussi sur des communautés phytoplanctoniques naturelles côtières et océaniques, en tenant compte des facteurs environnementaux (température, lumière, disponibilité en nutriments, …) qui contrôlent ces stratégies de nutrition. Le lien entre la structure et la fonction des communautés microbiennes et le cycle biogéochimique des métaux traces sera étudié dans le cadre du programme international BIOGEOSCAPES et de notre implication dans l’Ocean Frontier Institute (OFI, coll. J. La Roche), via des campagnes océanographiques conjointes et des études biogéochimiques et d’observatoires microbiens des deux côtés de l’Atlantique Nord, dans nos institutions respectives (sites SOMLIT et Bedford Basin/AZMP). Cela sera réalisé notamment grâce à la combinaison de jeux de données incluant des approches multi-proxies (GEOTRACES) et de métagénomique.

Animation : Gabriel Dulaquais (UBO), Frédéric Le Moigne (CNRS)

La PBC regroupe l’export par sédimentation, le piégeage par convection de matière organique dissoute et particulaire, le flux actif par migration nycthémérale du zooplancton, ainsi que la formation d’un matériel dissous réfractaire à la minéralisation biologique. Pour quantifier son efficacité et sa variabilité spatio-temporelle, il est nécessaire d’identifier l’ensemble des acteurs clés (autotrophes, mixotrophes et hétérotrophes, eucaryotes et procaryotes) et des processus abiotiques et biotiques à l’origine de la production, du temps de résidence et de la dégradation de la matière organique le long de la colonne d’eau. L’objectif de cet AR est donc d’obtenir une représentation synoptique des processus biogéochimiques qui génèrent en surface de la matière organique à fort potentiel d’export, affectent l’efficacité de l’export, du piégeage et de l’enfouissement de cette matière et altèrent cette matière en zones mésopélagique et bathypélagique. Notre équipe se focalisera plus précisément sur le devenir de la matière organique dissoute, sur la dynamique des particules, sur les processus de reminéralisation et sur la modélisation intégrée, via des études in situ et en laboratoire ainsi que des modèles régionaux et globaux qui seront combinés dans le cadre de projets nationaux à l’initiative des membres de CHIBIDO en cours ou à venir (ANR APERO, ANR BIOPSIS, LEFE-PARTY, LEFE-BioDOMPO, Politique de site FeLINE) et internationaux avec des projets tels que CUSTARD (NERC), FRODO (DFG), TONGA, GEOTRACES-USGP15. L’utilisation des outils de la biologie moléculaire est par ailleurs considérée grâce à des collaborations avec le consortium TARA et l’université de Nantes en modélisation.

Processus de production et nature de la matière organique en zone euphotique

Les processus de production de particules, tels que l’agrégation de cellules phytoplanctonique et de divers détritus, la défécation du zooplancton et la production de composés organiques dissous (exsudation directe, production par lyse cellulaire) et leur entraînement vertical (via la subduction des eaux de surface) constituent des voies d’export qui garantissent le transport du C hors de la couche de surface. Notre objectif est d’établir la contribution relative des différentes voies d’export et les facteurs la contrôlant afin de comprendre la variabilité spatio temporelle de l’export (coll. équipe 1 et SB Roscoff). Cette répartition est étroitement liée à la composition de la communauté de surface (virus, structure de la communauté planctonique, complexité de la chaîne trophique) et à la dynamique de petites échelles (tourbillon, filament). Atteindre cet objectif nécessite d’utiliser une approche résolument pluridisciplinaire et une combinaison d’outils (capteurs, acoustique, expérimentation, observation, modélisation, etc.).

Efficacité de l’export, du piégeage et de l’enfouissement de C

Une fois la matière organique exportée hors de la couche de surface, son devenir dépend de sa composition chimique en C et en minéraux (opale, calcite..) ainsi que de sa morphologie (structure et géométrie 3D).

Ces paramètres affectent la vitesse de chute des particules et par conséquent leur temps d’exposition aux transformations potentielles subies dans la zone mésopélagique, fortement couplées à l’activité hétérotrophe (bactéries, zooplancton, etc.) et donc à l’efficacité avec laquelle le carbone est piégé et/ou enfoui dans les sédiments. L’entraînement physique (downwelling), ainsi que le relargage de matière organique dissoute lors de l’altération des particules qui sédimentent, participent également à l’export de carbone. L’efficacité de cet export est étroitement liée à la nature de cette matière, en particulier de son caractère labile ou réfractaire vis-à-vis de la dégradation bactérienne. Les membres de CHIBIDO prévoient donc de faire le lien de manière innovante entre la composition, la structure des particules, les interactions trophiques et leur vitesse de chute et de reminéralisation.

Modification de la matière organique en zones mésopélagique et bathypélagique

Les particules et le carbone organique dissous sont altérés et transformés en zone mésopélagique (100-1000 m) par fragmentation ou par l’activité de la pompe microbienne de carbone (MCP) sur laquelle de larges incertitudes persistent. Notre objectif est d’identifier les processus conduisant à la fragmentation des particules (turbulence vs broutage) et le rôle des organismes attachés aux différentes particules sur la MCP.

Nous quantifierons la contribution de la matière organique facilement biodégradable (LDOM) et de la matière organique réfractaire (RDOM) résultant de la PBC qui contrôle l’efficacité du piégeage dans l’océan profond.

Enfin, nous identifierons le rôle des particules minérales (poussières atmosphériques, oxyhydroxydes de fer) dans le piégeage de carbone via l’adsorption de matière organique dissoute à leur surface.

Animation : Olivier Ragueneau (CNRS) et Matthieu Waeles (UBO)

Le CTM est un système riche et complexe subissant fortement les pressions anthropiques, dans lequel s’opèrent d’importants transferts de matière et d’énergie. Ce système est composé de différents éléments (bassins versants, rivières, estuaires et zones côtières…) évoluant sur des échelles spatiales et temporelles différentes qui nécessitent d’être étudiés de manière intégrée. Au coeur de ce CTM, les estuaires sont le siège de processus biogéochimiques intenses (floculation, précipitation, complexation, minéralisation, adsorption/desorption, uptake/excretion…) qui modifient les flux et la qualité de la matière qui transite vers la zone côtière.

C’est sur ce compartiment clé que les membres de l’équipe impliqués dans cet AR se focaliseront. Cela constitue en outre un préambule indispensable à une étude intégrée du CTM et à une meilleure compréhension de l’influence des forçages anthropiques sur ce continuum qui seront effectuées en collaboration avec l’équipe 2, et en s’appuyant sur l’AT NODEEM.

 

Transformation de la matière au sein des estuaires

Le milieu estuarien est complexe, siège d’une multiplicité de gradients (interface eau-sédiment, bouchon vaseux, stratifications halines…) et de multiples forçages dynamiques qui altèrent la position et l’intensité des gradients (e.g. marée, débits fluviaux). Nos objectifs sont de mieux caractériser les processus biogéochimiques affectant les cycles élémentaires dans les estuaires. Nos études porteront sur différents types de composés dont les nutriments, la matière organique et les éléments métalliques. Celles-ci passeront par (1) des stratégies de prélèvement prenant en compte la complexité spatio-temporelle, (2) la prise en compte de zones clefs du système estuarien (e.g. compartiment benthique, zone du bouchon vaseux) et (3) le développement d’outils analytiques permettant d’accéder à différentes formes physico-chimiques (spéciation). Ces questions seront abordées dans le cadre de projets nationaux et internationaux en collaboration avec Ocean University of China et Instituto de Investigaciones Marinas (Espagne).

Approche intégrée et cascades d’impact de l’anthropisation et du changement climatique.

Dans un objectif de soutenabilité de la zone littorale (Future Earth), une approche intégrée du continuum Terre-Mer est indispensable pour comprendre les cascades d’impacts se produisant dans ces systèmes et pouvant conduire par exemple à des contaminations, des eutrophisations ou à des modifications écologiques majeures. Cette approche est également nécessaire pour appréhender les rétroactions à plus long terme sur les activités humaines, en mer comme à terre (lien avec les expérimentations socio-écologiques et l’approche écosystémique développées dans l’AR4 de l’équipe DISCOVERY). Notre équipe abordera par des observations spatiales larges, intégrant les différents éléments du CTM mais aussi par le développement d’une approche de modélisation générique du CTM. Nos recherches bénéficieront d’un travail synergique mené au niveau local au sein de la zone-atelier Brest-Iroise (ZABrI), au niveau régional au sein de la plateforme AAA-LTSER intégrant les OSU de Brest (IUEM), Rennes (OSUR) et Nantes (OSUNA) et au niveau international (e.g. Canada, États-Unis, Malaisie…). Différents systèmes fluviaux estuariens seront considérés, tous soumis à des contraintes anthropiques fortes dont les activités agricoles et minières notamment (Projet ANR GreenSeas, collaboration Agrocampus Rennes et Ifremer Dyneco, Projet ISblue Anthro-erosion, Comenrade

– Agence de l’eau Loire-Bretagne, coll. Ifremer Nantes LBCM). Si les bassins versants constituent généralement le siège des principales perturbations du continuum, il est important également de considérer les perturbations liées aux apports de matière depuis l’océan dont les échouages massifs de sargasses sur les côtes caribéennes sont un exemple. Les modèles intégrés du CTM pourront ensuite être utilisés en mode prospectif pour des scénarios qui prennent en compte la composante climatique, qui devront la combiner avec des changements de pratiques, en particulier sur les bassins versants, pour étudier la cascade d’impacts du changement climatique et des activités humaines tout au long du continuum.

Responsables d’équipe


Chercheurs et enseignants-chercheurs


Ingénieurs et techniciens


Doctorants


Post-doctorants


Mercure hydrothermal : l’histoire naturelle d’un contaminant

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Notre collègue Hélène Planquette a participé à une étude internationale coordonnée par le CNRS visant à estimer la contribution des sources hydrothermales au stock de mercure présent dans les océans.

Cette étude vient d’être publiée dans la revue Nature Geoscience et fait l’objet d’un communiqué du CNRS :

Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le CNRS (voir encadré), a établi la première estimation mondiale des émissions hydrothermales de mercure (Hg) provenant des dorsales médio-océaniques. La Convention de Minamata sur le mercure de l’ONU vise à réduire l’exposition humaine au mercure toxique à travers la réduction des émissions anthropiques. Nous sommes principalement exposés via la consommation de poissons qui bioaccumulent le Hg de l’océan. Le paradigme actuel est que les émissions anthropiques de mercure (actuellement 3 100 t an-1) sont à l’origine de l’augmentation du réservoir océanique mondial de mercure de 21 %. Cette estimation est erronée car nous ne savons pas quelle quantité de mercure naturel résidait dans l’océan avant le début des émissions anthropiques.

Nous ne sommes également pas en mesure de quantifier l’impact des émissions anthropiques sur les niveaux de Hg chez des poissons. L’hydrothermalisme est la seule source directe de Hg naturel vers l’océan. Des études antérieures, basées uniquement sur les mesures des fluides hydrothermaux, suggéraient que les apports du Hg hydrothermal pourraient se situer entre 20 et 2 000 t an-1. Cette nouvelle étude a utilisé, en plus des mesures de fluides, des mesures de panaches hydrothermaux, d’eaux de mer et de carottes de roches provenant de la source hydrothermale Trans-Atlantic Geotraverse (TAG) sur la dorsale médio-atlantique.

La combinaison des observations suggère que la majorité du Hg enrichi dans les fluides, serait diluée dans l’eau de mer et qu’une petite fraction précipiterait localement. Une extrapolation des résultats indique que le flux hydrothermal global de Hg provenant des dorsales médio-océaniques est faible (1,5 à 65 t an-1) par rapport aux missions anthropiques de Hg. Bien que cela suggère que la majeure partie du Hg, présent dans l’océan, est d’origine anthropique, cela laisse également espérer que la mise en œuvre stricte des réductions d’émissions, dans le cadre de la Convention de Minamata, réduira les niveaux de mercure des poissons et l’exposition des humains.

 

Référence de l’article :

Torres-Rodriguez, N., Yuan, J., Petersen, S. et al. Mercury fluxes from hydrothermal venting at mid-ocean ridges constrained by measurementsNat. Geosci. (2023).

Preuve que les niveaux de mercure du thon dans le Pacifique sont déterminés par la production de méthylmercure marin et les apports anthropiques

Résumé

Le thon de l’océan Pacifique fait partie des produits de la mer les plus consommés, mais il contient des niveaux relativement élevés de méthylmercure, une neurotoxine. Des observations limitées suggèrent que les niveaux de mercure dans le thon varient dans l’espace et le temps, mais les facteurs déterminants ne sont pas bien compris. Nous avons cartographié les concentrations de mercure dans le thon listao dans l’océan Pacifique et construit des modèles additifs généralisés pour quantifier les facteurs anthropiques, écologiques et biogéochimiques. Les niveaux de mercure du thon listao présentent un gradient spatial, avec des concentrations maximales dans le nord-ouest près de l’Asie, des valeurs intermédiaires dans l’est et les niveaux les plus bas dans l’ouest, le sud-ouest et le centre du Pacifique. Les grandes différences spatiales peuvent s’expliquer par la profondeur du pic de méthylmercure dans l’eau de mer près des zones à faible teneur en oxygène, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans les régions où l’oxygène est peu abondant. Malgré ce contrôle biogéochimique naturel, le point chaud du mercure dans le thon pêché près de l’Asie s’explique par des concentrations atmosphériques élevées de mercure et/ou des apports fluviaux de mercure sur le plateau côtier. Bien que nous ne puissions ignorer l’apport de mercure hérité d’autres régions de l’océan Pacifique (par exemple, l’Amérique du Nord et l’Europe), nos résultats suggèrent que les rejets récents de mercure d’origine anthropique, qui sont actuellement les plus importants en Asie, contribuent directement à l’exposition actuelle de l’homme au mercure.

 

Résumé graphique

FIG.2 : Variabilité spatiale des concentrations de mercure dans le thon listao. Cartes de contours spatiaux lissés des (A) concentrations de Hg observées et (B) normalisées (microgrammes ⋅ grammes-1, dw) dans les échantillons de muscle blanc de listao de l’océan Pacifique. Les points noirs représentent l’emplacement des échantillons de listao. Les zones océaniques correspondent à l’origine des échantillons : NWPO, CNPO, NEPO, EPO, SWPO, et WCPO. Les points transparents représentent l’emplacement des échantillons d’eau de mer avec des données MeHg disponibles et publiées.

 

Points forts

Les humains sont exposés au méthylmercure toxique principalement en consommant des poissons marins. Les nouvelles politiques environnementales de la Convention de Minamata reposent sur une compréhension encore mal connue de la manière dont les émissions de mercure se traduisent par des niveaux de méthylmercure dans les poissons. Nous fournissons ici la première carte détaillée des concentrations de mercure du thon listao dans le Pacifique. Notre étude montre que le fonctionnement naturel de l’océan mondial a une influence importante sur les concentrations de mercure du thon, notamment en ce qui concerne la profondeur à laquelle les concentrations de méthylmercure atteignent leur maximum dans la colonne d’eau. Cependant, les apports de mercure provenant de sources anthropiques sont également détectables, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans le nord-ouest de l’océan Pacifique qui ne peut être expliquée uniquement par les processus océaniques.

 

Référence

Anaïs Médieu, David Point, Takaaki Itai, Hélène Angot, Pearse J. Buchanan, Valérie Allain, Leanne Fuller, Shane Griffiths, David P. Gillikin, Jeroen E. Sonke, Lars-Eric Heimbürger-Boavida, Marie-Maëlle Desgranges, Christophe E. Menkes, Daniel J. Madigan, Pablo Brosset, Olivier Gauthier, Alessandro Tagliabue, Laurent Bopp, Anouk Verheyden, Anne Lorrain. Evidence that Pacific tuna mercury levels are driven by marine methylmercury production and anthropogenic inputs. Proceedings of the National Academy of Sciences Jan 2022, 119 (2) e2113032119; DOI: 10.1073/pnas.2113032119

Lire l’article sur le site de PNAS

 

Cette étude a fait l’objet d’un article dans le Mag de l’IRD.

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Equipe Chibido

Equipe

Chibido

Chimie marine, cycles biogéochimiques et dynamique océanique

Comme le soulignent les rapports du GIEC, les changements globaux s’intensifient et s’accélèrent avec des conséquences multiples pour les océans et la cryosphère (désoxygénation, eutrophisation, contamination, fonte précoce de la banquise…). Les puits, les sources et la dynamique interne des éléments chimiques biogènes et métalliques qui sont à la base de la vie dans les océans, en sont profondément impactés. La disponibilité de ces éléments conditionne l’intensité de la production primaire et l’assimilation du carbone par le phytoplancton, et le phytoplancton contrôle la structure des écosystèmes marins et des réseaux trophiques et régule l’efficacité de la pompe biologique de carbone. Notre équipe s’est donné pour objectifs d’améliorer notre compréhension des cycles biogéochimiques marins et de leurs impacts sur les écosystèmes, en accord avec les défis 7 (rôle du vivant dans les cycles biogéochimiques), 8 (milieux polaires), et 10 (continuum Terre-Mer) identifiés comme prioritaires dans les prospectives de l’INSU. L’équipe se structure en 4 axes de recherche, chacun se focalisant sur des objectifs scientifiques spécifiques, mais tous tournés vers nos objets d’étude principaux : les cycles biogéochimiques océaniques. Ainsi dans l’AR1 l’objectif principal est d’observer et de caractériser la variabilité spatio-temporelle des cycles biogéochimiques des éléments biogènes et métalliques et de leurs puits et sources aux interfaces. L’AR2 se focalise sur les facteurs contrôlant la structure des communautés marines et leur impact sur les cycles biogéochimiques, depuis l’hydrodynamisme de petite échelle jusqu’aux facteurs limitants tels que les éléments nutritifs, et les modes de nutrition (mixotrophie). L’AR3 qui était dans le précédent contrat focalisé uniquement sur la pompe biologique de carbone s’élargit dans le prochain pour s’intéresser au devenir de la matière biogène dissoute et particulaire. L’AR4 étudie les transferts de matière dans le continuum Terre-Mer et les cascades d’impacts du changement climatique et de l’anthropisation au sein de ce continuum.

Axes de recherche de l’équipe Chibido.


Animation : Hélène Planquette (CNRS) et Jill Sutton (UBO)

Dans cet Axe de Recherche (AR) nous nous impliquons dans de grandes campagnes océanographiques multidisciplinaires et internationales afin de remédier au manque de données, spatiales et temporelles, des micro- et macro-nutriments, leur spéciation et les isotopes stables pertinents. En lien avec les axes transverses du LEMAR “ATRAP” et « LEMAR au Sud« , cet objectif sera en partie abordé en Arctique et en Antarctique, des milieux particulièrement sensibles aux changements globaux. Cet AR nourrira également les thématiques de l’axe transverse “COUPLAGE”.

Evaluation des stocks et dynamique interne

L’équipe s’attachera à étudier simultanément les spéciations physiques (particulaire, colloïdal et soluble) et chimiques (notamment organique, lié à des substances humiques) du fer. Cet objectif sera abordé dans l’océan austral lors de grandes campagnes océanographiques, coordonnées notamment par le LEMAR avec l’ANR SWINGS dans le cadre du programme international GEOTRACES, ou encore SeaTraM et « Seasonal Fe Speciation in the Southern Ocean » dans le cadre de la continuité du Laboratoire Mixte International ICEMASA (International Centre for Education, Marine and Atmospheric Sciences over Africa).

Par ailleurs, l’équipe s’attèle à établir un bilan exhaustif du cycle du Si aux pôles en évaluant les contributions respectives des différents compartiments et organismes impliqués et en tenant compte de leur évolution dans ces écosystèmes fortement soumis aux changements climatiques. Ces bilans s’appuient sur des collaborations avec le canada (Takuvik), la NIWA (Nouvelle-Zélande), l’International Ocean Discovery Program (IODP; USA, Australie), et l’Australian National University (Australie) dans le cadre de campagnes internationales en mer de Baffin (Arctique) et en mer de Ross en Océan Austral. Une partie de ces recherches seront réalisées dans le cadre du projet CLIMArcTIC. La caractérisation géochimique des organismes silicifiées permettra d’utiliser la composition isotopique stable du Si (δ30Si) des radiolaires comme nouveau paléo-proxy de la teneur en Si de la zone mésopélagique de l’océan passé, paramètre encore inaccessible aux paléocéanographes.

Flux aux interfaces : couplage pelagos-benthos, glace-colonne d’eau, sources hydrothermales

 Les récentes campagnes GEOTRACES ont révélé l’existence de panaches hydrothermaux de métaux pouvant atteindre plusieurs milliers de km. Cependant, les processus responsables du maintien des métaux traces essentiels tels que le fer demeurent méconnus et nécessitent d’être explorés. De plus, l’impact de tels apports sur les budgets régionaux de Fe dissous et sur les cycles biogéochimiques des éléments biogènes (C, N, P, Si) n’a jamais été étudié. Ces problématiques sont au coeur des études menées au niveau de deux dorsales radicalement différentes : l’arc volcanique Tonga peu profond (ANR TONGA) et les sites hydrothermaux le long de la dorsale SWIR dans le secteur indien de l’océan austral (ANR SWINGS).

Les flux de Si entre les sédiments et la colonne d’eau, ceux entre la glace et la colonne d’eau ou entre le particulaire et le dissous sont en constante évolution avec des processus ou mécanismes liés entre autres aux différents organismes présents à ces interfaces. Ces flux seront étudiés grâce aux campagnes en mer et collaborations internationales associées pour revisiter le budget du Si marin et dans le cadre de l’ANR RADICAL.

Animation : Pascal Rivière & Eva Bucciarelli 

Dans cette AR, nous chercherons à mieux comprendre les facteurs impactant les organismes marins jouant un rôle clé sur les cycles biogéochimiques majeurs, en ciblant en particulier l’impact des structures hydrodynamiques de petites échelles sur les communautés (phytoplancton-micronecton), et la rétroaction de ces communautés sur les cycles biogéochimiques majeurs. Nous nous focaliserons sur deux facteurs essentiels : la limitation en éléments nutritifs (micro- et macro-) et le mode de nutrition (mixotrophie).

Dynamique sub-mésoéchelle et structure des communautés océaniques

Les objectifs spécifiques, en lien avec l’AT COUPLAGE, sont ici d’améliorer les mesures des mouvements océaniques à submésoéchelle et de la production primaire afin de mieux comprendre l’impact des structures dynamiques de petites échelles sur la production primaire et d’identifier les mécanismes physiques, biogéochimiques et écologiques contrôlant la distribution spatiale des niveaux trophiques intermédiaires (ITL). Afin d’observer à la fois les processus physiques et biologiques impliqués aux mêmes échelles de temps et d’espace nous combinerons des données issues de systèmes d’observation haute résolution, et la modélisation dans le cadre de projets tel que DIEGO (NASA/CNES SWOT SDT 2020-2023). Les données de la mission spatiale SWOT (2022) seront combinées à celles des flotteurs dérivants de surface et à l’altimétrie conventionnelle dans des régions fortement turbulentes et des simulations numériques à haute résolution, pour comprendre la relation entre la frontogenèse et la production primaire de surface. Dans l’ANR COGNAC (coll LOPS) notre équipe s’attaquera à un autre défi majeur : l’observation in situ des mouvements océaniques à petite échelle (<10 km) et leur impact sur le fonctionnement de l’océan au sens large. Nous pourrons ainsi faire le lien entre ces structures de petites échelles et la distribution spatiale et temporelle des niveaux trophiques intermédiaires (ITL: zooplancton, micronecton) à mésoéchelle et submésoéchelle entre autre dans le projet MECODIHR et dans le cadre du programme SO-MEMO.

 

Influence des organismes “oubliés” sur les cycles biogéochimiques majeurs (Si, C, N, S)

Il s’agira de mieux comprendre la variabilité des flux d’éléments majeurs (N, C, Si, S) entre le milieu et les organismes marins en fonction des éléments limitants et des modes de nutrition des différents groupes d’organismes, avec un focus sur ceux encore négligés à ce jour.

Même si les diatomées pélagiques restent l’acteur majeur du cycle du Si, de récentes recherches soulignent la contribution non négligeable d’autres organismes silicifiés pélagiques et benthiques. Les contributions respectives du microphytobenthos et des éponges siliceuses au cycle du Si seront réévaluées dans les zones côtières dans les projets EC2CO ROSBYF, ARISE et DARKSI, tandis que nous chercherons à déterminer si les perturbations induites par l’homme affectent le déséquilibre en Si qui impacte aquaculture et pêche. En ce qui concerne les silicifiés pélagiques, des projets tels que LEFE_ROSI et les ANR RADICAL et RHICYCLE étudierons le rôle fonctionnel des différents taxons de rhizarias siliceux dans les cycles biogéochimiques du silicium, de l’azote et du carbone tandis que nous chercherons à mieux comprendre l’assimilation de silicium par les cyanobactéries, et sa régulation par les conditions environnementales comme la disponibilité des métaux et le rôle des diatomées et des cyanobactéries dans le cycle du soufre, via le diméthylsulfure (DMS) qui participe à la formation des nuages, à l’albedo planétaire et donc au bilan radiatif global (collab. AD2M, SB Roscoff, projet FEDRE).

Influence des modes de nutrition adaptables sur les cycles biogéochimiques majeurs (Si, C, N, S) En plus de son métabolisme photosynthétique, le phytoplancton peut présenter d’autres modes de nutrition, notamment l’osmotrophie et la phagotrophie. Longtemps considérée comme marginale la mixotrophie n’est encore que très rarement prise en compte pour estimer le fonctionnement des écosystèmes. Notre équipe cherchera à mieux quantifier la mixotrophie sur des espèces cibles de phytoplancton mixotrophe mais aussi sur des communautés phytoplanctoniques naturelles côtières et océaniques, en tenant compte des facteurs environnementaux (température, lumière, disponibilité en nutriments, …) qui contrôlent ces stratégies de nutrition. Le lien entre la structure et la fonction des communautés microbiennes et le cycle biogéochimique des métaux traces sera étudié dans le cadre du programme international BIOGEOSCAPES et de notre implication dans l’Ocean Frontier Institute (OFI, coll. J. La Roche), via des campagnes océanographiques conjointes et des études biogéochimiques et d’observatoires microbiens des deux côtés de l’Atlantique Nord, dans nos institutions respectives (sites SOMLIT et Bedford Basin/AZMP). Cela sera réalisé notamment grâce à la combinaison de jeux de données incluant des approches multi-proxies (GEOTRACES) et de métagénomique.

Animation : Gabriel Dulaquais (UBO), Frédéric Le Moigne (CNRS)

La PBC regroupe l’export par sédimentation, le piégeage par convection de matière organique dissoute et particulaire, le flux actif par migration nycthémérale du zooplancton, ainsi que la formation d’un matériel dissous réfractaire à la minéralisation biologique. Pour quantifier son efficacité et sa variabilité spatio-temporelle, il est nécessaire d’identifier l’ensemble des acteurs clés (autotrophes, mixotrophes et hétérotrophes, eucaryotes et procaryotes) et des processus abiotiques et biotiques à l’origine de la production, du temps de résidence et de la dégradation de la matière organique le long de la colonne d’eau. L’objectif de cet AR est donc d’obtenir une représentation synoptique des processus biogéochimiques qui génèrent en surface de la matière organique à fort potentiel d’export, affectent l’efficacité de l’export, du piégeage et de l’enfouissement de cette matière et altèrent cette matière en zones mésopélagique et bathypélagique. Notre équipe se focalisera plus précisément sur le devenir de la matière organique dissoute, sur la dynamique des particules, sur les processus de reminéralisation et sur la modélisation intégrée, via des études in situ et en laboratoire ainsi que des modèles régionaux et globaux qui seront combinés dans le cadre de projets nationaux à l’initiative des membres de CHIBIDO en cours ou à venir (ANR APERO, ANR BIOPSIS, LEFE-PARTY, LEFE-BioDOMPO, Politique de site FeLINE) et internationaux avec des projets tels que CUSTARD (NERC), FRODO (DFG), TONGA, GEOTRACES-USGP15. L’utilisation des outils de la biologie moléculaire est par ailleurs considérée grâce à des collaborations avec le consortium TARA et l’université de Nantes en modélisation.

Processus de production et nature de la matière organique en zone euphotique

Les processus de production de particules, tels que l’agrégation de cellules phytoplanctonique et de divers détritus, la défécation du zooplancton et la production de composés organiques dissous (exsudation directe, production par lyse cellulaire) et leur entraînement vertical (via la subduction des eaux de surface) constituent des voies d’export qui garantissent le transport du C hors de la couche de surface. Notre objectif est d’établir la contribution relative des différentes voies d’export et les facteurs la contrôlant afin de comprendre la variabilité spatio temporelle de l’export (coll. équipe 1 et SB Roscoff). Cette répartition est étroitement liée à la composition de la communauté de surface (virus, structure de la communauté planctonique, complexité de la chaîne trophique) et à la dynamique de petites échelles (tourbillon, filament). Atteindre cet objectif nécessite d’utiliser une approche résolument pluridisciplinaire et une combinaison d’outils (capteurs, acoustique, expérimentation, observation, modélisation, etc.).

Efficacité de l’export, du piégeage et de l’enfouissement de C

Une fois la matière organique exportée hors de la couche de surface, son devenir dépend de sa composition chimique en C et en minéraux (opale, calcite..) ainsi que de sa morphologie (structure et géométrie 3D).

Ces paramètres affectent la vitesse de chute des particules et par conséquent leur temps d’exposition aux transformations potentielles subies dans la zone mésopélagique, fortement couplées à l’activité hétérotrophe (bactéries, zooplancton, etc.) et donc à l’efficacité avec laquelle le carbone est piégé et/ou enfoui dans les sédiments. L’entraînement physique (downwelling), ainsi que le relargage de matière organique dissoute lors de l’altération des particules qui sédimentent, participent également à l’export de carbone. L’efficacité de cet export est étroitement liée à la nature de cette matière, en particulier de son caractère labile ou réfractaire vis-à-vis de la dégradation bactérienne. Les membres de CHIBIDO prévoient donc de faire le lien de manière innovante entre la composition, la structure des particules, les interactions trophiques et leur vitesse de chute et de reminéralisation.

Modification de la matière organique en zones mésopélagique et bathypélagique

Les particules et le carbone organique dissous sont altérés et transformés en zone mésopélagique (100-1000 m) par fragmentation ou par l’activité de la pompe microbienne de carbone (MCP) sur laquelle de larges incertitudes persistent. Notre objectif est d’identifier les processus conduisant à la fragmentation des particules (turbulence vs broutage) et le rôle des organismes attachés aux différentes particules sur la MCP.

Nous quantifierons la contribution de la matière organique facilement biodégradable (LDOM) et de la matière organique réfractaire (RDOM) résultant de la PBC qui contrôle l’efficacité du piégeage dans l’océan profond.

Enfin, nous identifierons le rôle des particules minérales (poussières atmosphériques, oxyhydroxydes de fer) dans le piégeage de carbone via l’adsorption de matière organique dissoute à leur surface.

Animation : Olivier Ragueneau (CNRS) et Matthieu Waeles (UBO)

Le CTM est un système riche et complexe subissant fortement les pressions anthropiques, dans lequel s’opèrent d’importants transferts de matière et d’énergie. Ce système est composé de différents éléments (bassins versants, rivières, estuaires et zones côtières…) évoluant sur des échelles spatiales et temporelles différentes qui nécessitent d’être étudiés de manière intégrée. Au coeur de ce CTM, les estuaires sont le siège de processus biogéochimiques intenses (floculation, précipitation, complexation, minéralisation, adsorption/desorption, uptake/excretion…) qui modifient les flux et la qualité de la matière qui transite vers la zone côtière.

C’est sur ce compartiment clé que les membres de l’équipe impliqués dans cet AR se focaliseront. Cela constitue en outre un préambule indispensable à une étude intégrée du CTM et à une meilleure compréhension de l’influence des forçages anthropiques sur ce continuum qui seront effectuées en collaboration avec l’équipe 2, et en s’appuyant sur l’AT NODEEM.

 

Transformation de la matière au sein des estuaires

Le milieu estuarien est complexe, siège d’une multiplicité de gradients (interface eau-sédiment, bouchon vaseux, stratifications halines…) et de multiples forçages dynamiques qui altèrent la position et l’intensité des gradients (e.g. marée, débits fluviaux). Nos objectifs sont de mieux caractériser les processus biogéochimiques affectant les cycles élémentaires dans les estuaires. Nos études porteront sur différents types de composés dont les nutriments, la matière organique et les éléments métalliques. Celles-ci passeront par (1) des stratégies de prélèvement prenant en compte la complexité spatio-temporelle, (2) la prise en compte de zones clefs du système estuarien (e.g. compartiment benthique, zone du bouchon vaseux) et (3) le développement d’outils analytiques permettant d’accéder à différentes formes physico-chimiques (spéciation). Ces questions seront abordées dans le cadre de projets nationaux et internationaux en collaboration avec Ocean University of China et Instituto de Investigaciones Marinas (Espagne).

Approche intégrée et cascades d’impact de l’anthropisation et du changement climatique.

Dans un objectif de soutenabilité de la zone littorale (Future Earth), une approche intégrée du continuum Terre-Mer est indispensable pour comprendre les cascades d’impacts se produisant dans ces systèmes et pouvant conduire par exemple à des contaminations, des eutrophisations ou à des modifications écologiques majeures. Cette approche est également nécessaire pour appréhender les rétroactions à plus long terme sur les activités humaines, en mer comme à terre (lien avec les expérimentations socio-écologiques et l’approche écosystémique développées dans l’AR4 de l’équipe DISCOVERY). Notre équipe abordera par des observations spatiales larges, intégrant les différents éléments du CTM mais aussi par le développement d’une approche de modélisation générique du CTM. Nos recherches bénéficieront d’un travail synergique mené au niveau local au sein de la zone-atelier Brest-Iroise (ZABrI), au niveau régional au sein de la plateforme AAA-LTSER intégrant les OSU de Brest (IUEM), Rennes (OSUR) et Nantes (OSUNA) et au niveau international (e.g. Canada, États-Unis, Malaisie…). Différents systèmes fluviaux estuariens seront considérés, tous soumis à des contraintes anthropiques fortes dont les activités agricoles et minières notamment (Projet ANR GreenSeas, collaboration Agrocampus Rennes et Ifremer Dyneco, Projet ISblue Anthro-erosion, Comenrade

– Agence de l’eau Loire-Bretagne, coll. Ifremer Nantes LBCM). Si les bassins versants constituent généralement le siège des principales perturbations du continuum, il est important également de considérer les perturbations liées aux apports de matière depuis l’océan dont les échouages massifs de sargasses sur les côtes caribéennes sont un exemple. Les modèles intégrés du CTM pourront ensuite être utilisés en mode prospectif pour des scénarios qui prennent en compte la composante climatique, qui devront la combiner avec des changements de pratiques, en particulier sur les bassins versants, pour étudier la cascade d’impacts du changement climatique et des activités humaines tout au long du continuum.

Responsables d’équipe


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Post-doctorants