Les micro-nanoplastiques issues de la perliculture affectent la physiologie des huîtres et la qualité des perles

Résumé

La perliculture est cruciale pour l’économie de la Polynésie française. Les structures d’élevage majoritairement en plastique contribuent à la génération de déchets plastiques dans les lagons où la perliculture est pratiquée. La contamination en microplastiques y suscite donc des inquiétudes quant aux risques pour l’industrie perlicole. Cette étude visait à évaluer les effets des micro- et nanoplastiques (MNP, d’une taille comprise entre 0,4 et 200 μm) sur l’huître perlière Pinctada margaritifera au cours d’un cycle de production de perles de 5 mois. Les MNP ont été produits à partir de matériels plastiques de perliculture usagés. Les huitres ont été exposées en laboratoire à deux concentrations dont une concentration environnementale pertinente (0,025 et 1 μg / litre d’eau de mer). Les réponses des huîtres à la contamination micro et nanoplastique ont mis en évidence des effets même à la faible concentration. Des changements dans le métabolisme énergétique principalement dus à une diminution des capacités digestives des animaux exposés (notamment en termes d’assimilation des microalgues) ont été observés en lien avec une modification de l’expression de gènes. L’activité d’un groupe de gènes est apparue liée aux paramètres écophysiologiques affectés par l’exposition aux MNP. Ces gènes sont des indicateurs du stress lié aux plastiques à tester dans la nature d’autant plus que des effets plus importants pourraient survenir dans des conditions naturelles considérant la nature oligotrophe des écosystèmes lagunaires bien plus faibles en approvisionnement alimentaire qu’expérimentalement dans cette étude. Enfin, la biominéralisation des perles est apparue perturbée chez les huîtres exposées, avec une diminution de l’épaisseur des cristaux d’aragonite et la présence de concrétions biominérales anormales, connues sous le nom de perles keshi, soulevant des inquiétudes quant à l’impact potentiel à long terme sur l’industrie perlière polynésienne.

 

Résumé graphique


Mots-clés

huître perlière ; exposition aux micro-nanoplastes ; scénarios environnementaux ; écophysiologie ; métabolisme énergétique ; génomique fonctionnelle ; cycle de la perle

 

Référence

Gardon, Tony, Jeremy Le Luyer, Gilles Le Moullac, Claude Soyez, Fabienne Lagarde, Alexandre Dehaut, Ika Paul-Pont, et Arnaud Huvet. « Pearl Farming Micro-Nanoplastics Affect Oyster Physiology and Pearl Quality ». ENVIRONMENTAL SCIENCE & TECHNOLOGY 58, no 1 (9 janvier 2024): 207‑18. https://doi.org/10.1021/acs.est.3c06684.

Mercure hydrothermal : l’histoire naturelle d’un contaminant

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Notre collègue Hélène Planquette a participé à une étude internationale coordonnée par le CNRS visant à estimer la contribution des sources hydrothermales au stock de mercure présent dans les océans.

Cette étude vient d’être publiée dans la revue Nature Geoscience et fait l’objet d’un communiqué du CNRS :

Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le CNRS (voir encadré), a établi la première estimation mondiale des émissions hydrothermales de mercure (Hg) provenant des dorsales médio-océaniques. La Convention de Minamata sur le mercure de l’ONU vise à réduire l’exposition humaine au mercure toxique à travers la réduction des émissions anthropiques. Nous sommes principalement exposés via la consommation de poissons qui bioaccumulent le Hg de l’océan. Le paradigme actuel est que les émissions anthropiques de mercure (actuellement 3 100 t an-1) sont à l’origine de l’augmentation du réservoir océanique mondial de mercure de 21 %. Cette estimation est erronée car nous ne savons pas quelle quantité de mercure naturel résidait dans l’océan avant le début des émissions anthropiques.

Nous ne sommes également pas en mesure de quantifier l’impact des émissions anthropiques sur les niveaux de Hg chez des poissons. L’hydrothermalisme est la seule source directe de Hg naturel vers l’océan. Des études antérieures, basées uniquement sur les mesures des fluides hydrothermaux, suggéraient que les apports du Hg hydrothermal pourraient se situer entre 20 et 2 000 t an-1. Cette nouvelle étude a utilisé, en plus des mesures de fluides, des mesures de panaches hydrothermaux, d’eaux de mer et de carottes de roches provenant de la source hydrothermale Trans-Atlantic Geotraverse (TAG) sur la dorsale médio-atlantique.

La combinaison des observations suggère que la majorité du Hg enrichi dans les fluides, serait diluée dans l’eau de mer et qu’une petite fraction précipiterait localement. Une extrapolation des résultats indique que le flux hydrothermal global de Hg provenant des dorsales médio-océaniques est faible (1,5 à 65 t an-1) par rapport aux missions anthropiques de Hg. Bien que cela suggère que la majeure partie du Hg, présent dans l’océan, est d’origine anthropique, cela laisse également espérer que la mise en œuvre stricte des réductions d’émissions, dans le cadre de la Convention de Minamata, réduira les niveaux de mercure des poissons et l’exposition des humains.

 

Référence de l’article :

Torres-Rodriguez, N., Yuan, J., Petersen, S. et al. Mercury fluxes from hydrothermal venting at mid-ocean ridges constrained by measurementsNat. Geosci. (2023).

L’océan stockerait davantage de carbone qu’estimé dans les précédentes études

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Notre collègue Frédéric Le Moigne a participé à une étude internationale sur l’efficacité de la pompe océanique de carbone. Cette étude publiée cette semaine dans le journal Nature réévalue à la hausse la capacité de stockage de carbone dans l’océan, notamment par la “neige marine”. Cette publication a fait l’objet d’un communique de presse du CNRS :

L’océan a une capacité de stockage du dioxyde de carbone atmosphérique près de 20% supérieure aux estimations présentées dans le dernier rapport du GIEC. C’est ce que révèle l’étude, à paraître dans la revue Nature le 6 décembre 2023, menée par une équipe internationale comprenant un biologiste du CNRS. Les scientifiques se sont penchés sur le rôle que joue le plancton dans le transport naturel du carbone depuis la surface vers les fonds marins.

En effet, friand de ce gaz qu’il transforme grâce à la photosynthèse en tissus organiques au cours de son développement, une partie du plancton se transforme en particules marines en fin de vie. Plus dense que l’eau de mer, cette « neige marine » coule dans les fonds marins stockant du carbone, et constitue également une ressource de nutriments essentiels pour de nombreuses créatures des profondeurs, depuis les minuscules bactéries jusqu’aux poissons de grands fonds.

En se basant sur l’étude d’une banque de données collectées sur l’ensemble du globe depuis les années 1970 à l’aide de navires océanographiques, l’équipe de sept scientifiques a pu cartographier numériquement les flux de matière organique de l’ensemble des océans. La nouvelle estimation de capacité de stockage qui en résulte s’élève à 15 gigatonnes par an, soit une augmentation d’environ 20% par rapport aux précédentes études (11 gigatonnes par an) rapportées par le GIEC dans son rapport de 2021.

Cette réévaluation de la capacité de stockage des fonds marins représente une avancée significative dans la compréhension des échanges de carbone entre l’atmosphère et l’océan au niveau planétaire. Si l’équipe souligne que ce processus d’absorption s’opère sur des dizaines de milliers d’années, et qu’il n’est donc pas suffisant pour contrebalancer l’augmentation exponentielle d’émissions de CO2 engendrée par l’activité industrielle mondiale depuis 1750, cette étude renforce néanmoins l’importance de l’écosystème océanique en tant qu’acteur majeur dans la régulation du climat planétaire à long terme.

Distribution globale du flux de carbone organique depuis la couche de surface de l’océan ouvert.
© Wang et al., 2023, Nature.

 

Référence de l’article, accessible en ligne :

Biological carbon pump estimate based on multi-decadal hydrographic data. Wei-Lei Wang, Weiwei Fu, Frédéric A. C. Le Moigne, Robert T. Letscher, Yi Liu, Jin-Ming Tang, and François W. Primeau. Nature, le 6 décembre 2023.
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-023-06772-4

Revue critique de l’évaluation de la toxicité et du risque écologique des plastiques dans l’environnement marin

Résumé

L’augmentation de la production de plastique et la gestion insuffisante des déchets ont entraîné une pollution massive par les débris de plastique dans l’environnement marin. Contrairement à d’autres polluants connus, le plastique peut induire trois types d’effets toxiques : physiques (par exemple, lésions intestinales), chimiques (par exemple, lixiviation d’additifs toxiques) et biologiques (par exemple, transfert de micro-organismes pathogènes). Cet examen critique remet en question notre capacité à fournir une évaluation efficace du risque écologique, sur la base d’un nombre toujours croissant d’articles scientifiques au cours des deux dernières décennies reconnaissant des effets toxiques à tous les niveaux d’intégration biologique, du niveau moléculaire au niveau de la population. De nombreux biais en termes de concentration, de taille, de forme, de composition et de colonisation microbienne ont révélé que les tests de toxicité et d’écotoxicité ne sont toujours pas adaptés à ce polluant particulier. Des suggestions pour améliorer la pertinence des études et des normes de toxicité des plastiques sont présentées en vue de soutenir une future législation appropriée.

 

Résumé graphique

Points forts

  • Les effets toxiques récurrents des débris plastiques sont observés au niveau moléculaire et au niveau de la population.
  • Les conditions testées (concentration, type, taille, forme) manquent de pertinence environnementale.
  • Les études environnementales sur les débris plastiques sont rares.
  • Les normes de toxicité actuelles ne sont pas adaptées au plastique.

Référence

David Leistenschneider, Adèle Wolinski, Jingguang Cheng, Alexandra ter Halle, Guillaume Duflos, Arnaud Huvet, Ika Paul-Pont, Franck Lartaud, François Galgani, Édouard Lavergne, Anne-Leila Meistertzheim, Jean-François Ghiglione, A critical review on the evaluation of toxicity and ecological risk assessment of plastics in the marine environment, Science of The Total Environment, Vol 896, 2023

Accédez à l’article, publié en Open Access

https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2023.164955

Surveillance environnementale HIPPO

Surveillance environnementale HIPPO :

Impact de la dynamique du phytoplancton sur la chimie de la colonne d’eau et sclérochronologie de la coquille Saint-Jacques (Pecten maximus) en tant qu’archive biogénique pour les reconstructions de la production primaire passée

 

Résumé

Dans le cadre du projet HIPPO (HIgh-resolution Primary Production multi-prOxy archives), un suivi environnemental a été réalisé entre mars et octobre 2021 en rade de Brest. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre les processus à l’origine de l’incorporation d’éléments chimiques dans les coquilles Saint-Jacques et leurs liens avec la dynamique du phytoplancton. Pour ce faire, des échantillons biologiques (coquilles Saint-Jacques et phytoplancton) ainsi que des échantillons d’eau ont été collectés afin d’analyser différents paramètres environnementaux (propriétés chimiques des éléments, nutriments, chlorophylle a, etc.) Compte tenu du grand nombre de paramètres mesurés, seuls les principaux résultats sont présentés et discutés ici. Cependant, l’ensemble des données, qui a été mis à disposition, est beaucoup plus important et peut potentiellement être très utile pour d’autres scientifiques effectuant des recherches sclérochronologiques, étudiant les cycles biogéochimiques ou menant divers projets de recherche écologique. L’ensemble des données est disponible en ligne.

 

Figure 10 : Signaux moyens Ba/Ca mesurés dans les coquilles de P. maximus prélevées à la surface du sédiment (courbe bleue, n=3) et à 1 m au-dessus du substrat (courbe rouge, n=3). Les abondances de Chaetoceros spp. (zones vertes foncées) et de L. danicus (zones vertes claires) sont également représentées.

 

Conclusion

Dans cet article, nous ne présentons qu’un aperçu des résultats obtenus lors du suivi HIPPO effectué à Lanvéoc au cours de l’année 2021. Le jeu de données permet de mieux comprendre les liens entre la dynamique du phytoplancton, la chimie de la colonne d’eau et l’incorporation d’éléments traces dans les coquilles de P. maximus. Cependant, le jeu de données contient également des informations utiles pour d’autres sujets d’intérêt. Les tableaux 1 et 2 compilent toutes les variables qui ont été mises à la disposition d’autres scientifiques sur la plateforme SEANOE. En outre, les hypothèses et les suppositions présentées dans ce document, ainsi que d’autres sujets qui n’ont pas été mentionnés, feront l’objet de plusieurs articles qui sont actuellement en préparation.

 

Référence

Siebert, V., Moriceau, B., Fröhlich, L., Schöne, B. R., Amice, E., Beker, B., Bihannic, K., Bihannic, I., Delebecq, G., Devesa, J., Gallinari, M., Germain, Y., Grossteffan, É., Jochum, K. P., Le Bec, T., Le Goff, M., Liorzou, C., Leynaert, A., Marec, C., Picheral, M., Rimmelin-Maury, P., Rouget, M.-L., Waeles, M., and Thébault, J.: HIPPO environmental monitoring: impact of phytoplankton dynamics on water column chemistry and the sclerochronology of the king scallop (Pecten maximus) as a biogenic archive for past primary production reconstructions, Earth Syst. Sci. Data, 15, 3263–3281, https://doi.org/10.5194/essd-15-3263-2023, 2023.