Revue critique de l’évaluation de la toxicité et du risque écologique des plastiques dans l’environnement marin

Résumé

L’augmentation de la production de plastique et la gestion insuffisante des déchets ont entraîné une pollution massive par les débris de plastique dans l’environnement marin. Contrairement à d’autres polluants connus, le plastique peut induire trois types d’effets toxiques : physiques (par exemple, lésions intestinales), chimiques (par exemple, lixiviation d’additifs toxiques) et biologiques (par exemple, transfert de micro-organismes pathogènes). Cet examen critique remet en question notre capacité à fournir une évaluation efficace du risque écologique, sur la base d’un nombre toujours croissant d’articles scientifiques au cours des deux dernières décennies reconnaissant des effets toxiques à tous les niveaux d’intégration biologique, du niveau moléculaire au niveau de la population. De nombreux biais en termes de concentration, de taille, de forme, de composition et de colonisation microbienne ont révélé que les tests de toxicité et d’écotoxicité ne sont toujours pas adaptés à ce polluant particulier. Des suggestions pour améliorer la pertinence des études et des normes de toxicité des plastiques sont présentées en vue de soutenir une future législation appropriée.

 

Résumé graphique

Points forts

  • Les effets toxiques récurrents des débris plastiques sont observés au niveau moléculaire et au niveau de la population.
  • Les conditions testées (concentration, type, taille, forme) manquent de pertinence environnementale.
  • Les études environnementales sur les débris plastiques sont rares.
  • Les normes de toxicité actuelles ne sont pas adaptées au plastique.

Référence

David Leistenschneider, Adèle Wolinski, Jingguang Cheng, Alexandra ter Halle, Guillaume Duflos, Arnaud Huvet, Ika Paul-Pont, Franck Lartaud, François Galgani, Édouard Lavergne, Anne-Leila Meistertzheim, Jean-François Ghiglione, A critical review on the evaluation of toxicity and ecological risk assessment of plastics in the marine environment, Science of The Total Environment, Vol 896, 2023

Accédez à l’article, publié en Open Access

https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2023.164955

Surveillance environnementale HIPPO

Surveillance environnementale HIPPO :

Impact de la dynamique du phytoplancton sur la chimie de la colonne d’eau et sclérochronologie de la coquille Saint-Jacques (Pecten maximus) en tant qu’archive biogénique pour les reconstructions de la production primaire passée

 

Résumé

Dans le cadre du projet HIPPO (HIgh-resolution Primary Production multi-prOxy archives), un suivi environnemental a été réalisé entre mars et octobre 2021 en rade de Brest. L’objectif de cette étude était de mieux comprendre les processus à l’origine de l’incorporation d’éléments chimiques dans les coquilles Saint-Jacques et leurs liens avec la dynamique du phytoplancton. Pour ce faire, des échantillons biologiques (coquilles Saint-Jacques et phytoplancton) ainsi que des échantillons d’eau ont été collectés afin d’analyser différents paramètres environnementaux (propriétés chimiques des éléments, nutriments, chlorophylle a, etc.) Compte tenu du grand nombre de paramètres mesurés, seuls les principaux résultats sont présentés et discutés ici. Cependant, l’ensemble des données, qui a été mis à disposition, est beaucoup plus important et peut potentiellement être très utile pour d’autres scientifiques effectuant des recherches sclérochronologiques, étudiant les cycles biogéochimiques ou menant divers projets de recherche écologique. L’ensemble des données est disponible en ligne.

 

Figure 10 : Signaux moyens Ba/Ca mesurés dans les coquilles de P. maximus prélevées à la surface du sédiment (courbe bleue, n=3) et à 1 m au-dessus du substrat (courbe rouge, n=3). Les abondances de Chaetoceros spp. (zones vertes foncées) et de L. danicus (zones vertes claires) sont également représentées.

 

Conclusion

Dans cet article, nous ne présentons qu’un aperçu des résultats obtenus lors du suivi HIPPO effectué à Lanvéoc au cours de l’année 2021. Le jeu de données permet de mieux comprendre les liens entre la dynamique du phytoplancton, la chimie de la colonne d’eau et l’incorporation d’éléments traces dans les coquilles de P. maximus. Cependant, le jeu de données contient également des informations utiles pour d’autres sujets d’intérêt. Les tableaux 1 et 2 compilent toutes les variables qui ont été mises à la disposition d’autres scientifiques sur la plateforme SEANOE. En outre, les hypothèses et les suppositions présentées dans ce document, ainsi que d’autres sujets qui n’ont pas été mentionnés, feront l’objet de plusieurs articles qui sont actuellement en préparation.

 

Référence

Siebert, V., Moriceau, B., Fröhlich, L., Schöne, B. R., Amice, E., Beker, B., Bihannic, K., Bihannic, I., Delebecq, G., Devesa, J., Gallinari, M., Germain, Y., Grossteffan, É., Jochum, K. P., Le Bec, T., Le Goff, M., Liorzou, C., Leynaert, A., Marec, C., Picheral, M., Rimmelin-Maury, P., Rouget, M.-L., Waeles, M., and Thébault, J.: HIPPO environmental monitoring: impact of phytoplankton dynamics on water column chemistry and the sclerochronology of the king scallop (Pecten maximus) as a biogenic archive for past primary production reconstructions, Earth Syst. Sci. Data, 15, 3263–3281, https://doi.org/10.5194/essd-15-3263-2023, 2023.

Le mercure comme horloge isotopique du temps de résidence côtier et de la migration des requins-marteaux

Résumé et points forts

  1.     La gestion des taxons migrateurs repose sur la connaissance de leurs mouvements. Parmi eux, le changement ontogénique d’habitat, c’est-à-dire le déplacement des juvéniles depuis leurs nurseries vers les habitats occupés par les individus matures, est un trait comportemental partagé par un grand nombre d’organismes migrateurs marins, qui permet la répartition des ressources alimentaires entre les différents stades de vie et la réduction globale du risque de prédation. Caractériser la chronologie d’une telle migration est de ce fait essentiel pour mettre en œuvre des plans de gestion efficaces, notamment dans les zones côtières pour atténuer l’impact des pêcheries sur les stocks de juvéniles.
  2.     Le long des côtes Pacifique du Mexique, l’utilisation de l’habitat du requin-marteau commun (Sphyrna zygaena) est mal décrite alors que l’espèce est fortement exploitée. Étant donné les incertitudes autours de la taille et de l’âge à laquelle cette espèce migre depuis ses zones de nurseries côtières vers le large où elle se reproduit, une évaluation plus précise de ses mouvements est nécessaire.
  3.     La dégradation photochimique du mercure entraîne un fractionnement isotopique indépendant de la masse (Δ199Hg) qui peut être utilisé pour distinguer entre les habitats côtiers peu profonds des nouveau-nés et la recherche de nourriture au large des juvéniles proches de la maturité sexuelle. Dans cette étude, nous présentons l’application des valeurs en Δ199Hg au concept d’horloge moléculaire pour prédire l’âge et la taille à laquelle le changement ontogénique d’habitat à lieu chez le requin-marteau commun, en se basant sur leurs compositions isotopiques dans leurs habitats de départ et d’arrivée et sur le taux de renouvellement isotopique du tissus étudié (ici le muscle).
  4.     Chez les juvéniles, les valeurs de Δ199Hg observées dans le muscle diminuent en fonction de la taille, reflétant une dépendance croissante à l’égard des proies mésopélagiques au large avec l’âge. Les estimations des temps de résidence ont, elles, indiqué que le requin-marteau commun utilise les ressources côtières pendant 2 ans avant d’initier sa migration vers le large, suggérant une résidence prolongée dans ces écosystèmes.
  5.     Cette étude démontre comment les isotopes stables du mercure et les horloges isotopiques peuvent être utilisés comme un outil complémentaire pour la gestion des stocks en prédisant le moment de la migration des animaux marins : un aspect clé de la conservation de ces espèces. Le long des côtes Pacifique du Mexique, la pression de pêche sur les requins s’exerce dans les habitats côtiers, épuisant les stocks de juvéniles. Par conséquent, il est impératif de disposer d’outils d’aide à la décision en matière de gestion pour maintenir les niveaux de population des premiers stades de la vie à des niveaux stables au fil du temps. La découverte que le requin-marteau commun dépend largement d’habitats soumis à de fortes pressions de pêche pendant les deux premières années de leur vie confirme la pertinence de l’établissement d’une taille minimale de capture pour les pêcheries côtières. De plus, ce résultat démontre comment l’actuelle fermeture saisonnière de la pêche aux requins mise en place par le gouvernement mexicain pourrait être insuffisante pour protéger efficacement l’espèce.

Figure de synthèse : Migration du requin-marteau commun le long des côtes Pacifique du Mexique. L’horloge isotopique du mercure estime que le changement d’habitat depuis les milieux côtiers vers l’océan ouvert a lieu chez les juvéniles âgés de deux ans, suggérant une pression de pêche accrue sur les premiers stades de vie..

 

Reference

Besnard, L., Lucca, B. M., Shipley, O. N., Le Croizier, G., Martínez-Rincón, R. O., Sonke, J. E., Point, D., Galván-Magaña, F., Kraffe, E., Kwon, S. Y., & Schaal, G. (2023). Mercury isotope clocks predict coastal residency and migration timing of hammerhead sharks. Journal of Applied Ecology, 60, 803–813. https://doi.org/10.1111/1365-2664.1438

Invertébrés marins et bruit

Résumé

Parmi les facteurs de risque qui compromettent la conservation de la biodiversité marine, l’un des problèmes les moins bien compris est le bruit produit par les activités humaines en mer et sur terre. De nombreux aspects de la manière dont le bruit et d’autres formes d’énergie peuvent avoir un impact sur l’équilibre naturel des océans n’ont pas encore été étudiés. Au cours des dernières décennies, une attention considérable a été accordée à la détermination de la sensibilité au bruit des mammifères marins, en particulier des cétacés et des pinnipèdes, ainsi que des poissons, dont on sait qu’ils possèdent des organes auditifs. Des études récentes ont révélé qu’une grande diversité d’invertébrés sont également sensibles aux sons, notamment par l’intermédiaire d’organes sensoriels dont la fonction originelle est de permettre le maintien de l’équilibre dans la colonne d’eau et de percevoir la gravité. Les invertébrés marins représentent non seulement la plus grande partie de la biomasse marine et sont des indicateurs de la santé des océans, mais de nombreuses espèces ont également une valeur socio-économique importante. Cette étude présente les connaissances scientifiques actuelles sur la bioacoustique des invertébrés (production, réception et sensibilité des sons), ainsi que sur la manière dont les invertébrés marins sont affectés par les bruits anthropogéniques. Elle réexamine également de manière critique la littérature afin d’identifier les lacunes qui encadreront les futures recherches sur la tolérance au bruit des écosystèmes marins.


Figure 4 : Marine Invertebrate sound sensory systems.

Points forts

(1) Nous avons fait le point sur les connaissances scientifiques actuelles concernant la bioacoustique des invertébrés marins (détection et production de sons) et leurs réponses (effets physiques, physiologiques et comportementaux) au bruit anthropique à différents stades de la vie, au niveau de la population et de l’écosystème. Bien que l’impact de la pollution sonore sur les invertébrés marins soit peu étudié, une révision exhaustive et systématique de la littérature a démontré que le bruit anthropique est préjudiciable non seulement à ces espèces, mais aussi aux écosystèmes naturels qu’elles habitent.

(2) Étant donné que les effets du bruit peuvent être provoqués du niveau cellulaire au niveau des écosystèmes, la compréhension de l’impact du bruit nécessite une expertise interdisciplinaire afin d’adopter une vision holistique du problème.

(3) Les recherches futures doivent inclure un protocole détaillé qui, dans l’idéal, fournirait non seulement des mesures et des méthodes acoustiques précises, mais aussi des expériences à long terme, des effets cumulatifs, des gradients d’exposition au bruit, une récupération potentielle du bruit chronique dans une variété de groupes taxonomiques et de sources de bruit.

(4) Les effets de facteurs de stress multiples doivent être pris en compte lors de l’évaluation des impacts potentiels de l’exposition au bruit.

(5) Cette étude constitue une référence précieuse pour guider les gestionnaires des ressources naturelles dans l’évaluation des effets du bruit anthropique et le développement de futures opérations à des échelles temporelles et spatiales pertinentes pour les écosystèmes océaniques.

 

Références

Sole´ M, Kaifu K, Mooney TA, Nedelec SL, Olivier F, Radford AN, Vazzana M, Wale MA, Semmens JM, Simpson SD, Buscaino G, Hawkins A, Aguilar de Soto N, Akamatsu T, Chauvaud L, Day RD, Fitzgibbon Q, McCauley RD and Andre´ M. (2023) Marine invertebrates and noise. Front. Mar. Sci. 10:1129057. doi: 10.3389/fmars.2023.1129057

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Le puits de fer (II) dissous non comptabilisé : Aperçu des concentrations de dFe(II) dans les profondeurs de l’océan Atlantique

Résumé

Les sources hydrothermales situées le long des dorsales océaniques sont des sources reconnues de nombreux métaux, dont le fer, qui existe sous deux formes: le Fe(II), accessible au phytoplancton mais facilement oxydable et peu abondant, et le Fe(III), dominant mais peu accessible. Dans cet article, les concentrations de fer dissous dFe(II) ont été mesurées à proximité de 6 sites hydrothermaux localisés sur la dorsale médio-atlantique (entre 39,5°N et 26°N). Le fer (II) présent dans l’eau de mer est oxydé entre quelques minutes et quelques heures, ce qui est en moyenne deux fois plus rapide que le temps nécessaire à la collecte des échantillons dans les profondeurs de l’océan et à son analyse dans le laboratoire à bord des navires océanographiques. En utilisant une équation multiparamétrique (température in-situ, pH, salinité, délai entre la collecte et l’analyse) pour estimer la concentration initiale de dFe(II) dans l’océan profond, cette étude montre que le dFe(II) contribue à plus de 20% au réservoir dissous, contrairement à <10 % précédemment comptabilisé. Les concentrations de dFe(II) in situ sont donc nettement plus élevées que les valeurs rapportées dans les environnements sédimentaires et hydrothermaux où le Fe est ajouté à l’océan sous sa forme réduite.

Points forts

  • Compte tenu de l’oxydation, les concentrations de fer (II) en haute mer sont inférieures à 0,2 nmol L-1.
  • La plus forte concentration de fer (II) mesurée était de 69,6 nmol L-1 au site hydrothermal Rainbow.
  • En haute mer, le fer (II) représente 20 % du stock de fer dissous.
  • Les variations d’oxygène au sein de l’OMZ représentent 60 % de la variabilité de l’oxydation du fer (II).

Référence

Gonzalez-Santana, D.; Lough, A. J. M.; Planquette, H.; Sarthou, G.; Tagliabue, A.; Lohan, M. C. The Unaccounted Dissolved Iron (II) Sink: Insights from DFe(II) Concentrations in the Deep Atlantic Ocean. Sci. Total Environ. 2023, 862, 161179.

https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.161179.