Un puits de CO₂ dans le désert marin du Pacifique Sud

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Quatre collègues du LEMAR (Jérémie Habasque, Frédéric Le Moigne, Anne Lebourges-Dhaussy et Géraldine Sarthou) ont participé à une vaste étude internationale basée sur les résultats de la campagne TONGA. Cette étude, dirigée par Sophie Bonnet (MIO) et Cécile Guieu (LOV) porte sur le mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l’océan par les sources hydrothermales et vient d’être publiée dans le prestigieux journal Science.

Communiqué de presse

Un processus nouvellement identifié de fertilisation naturelle en fer dans l’océan alimente des puits régionaux de CO₂. C’est ce que démontre une étude publiée le 25 mai dans Science et co-écrite par 25 chercheurs et chercheuses issus du projet Tonga piloté par deux chercheuses de l’IRD et du CNRS, regroupant plus de 90 scientifiques de 14 laboratoires français basés en métropole et en Nouvelle-Calédonie, et de 6 universités internationales. Dans cet article, l’équipe de recherche a étudié les volcans sous-marins peu profonds de l’arc volcanique de Tonga (Pacifique Sud), qui relarguent des fluides hydrothermaux riches en fer, un micronutriment essentiel à la vie. Une partie du fer émis dans ces fluides atteint la couche éclairée de l’océan, celle où se fait la photosynthèse c’est-à-dire la fixation du CO₂ par les microalgues du plancton. Cela stimule fortement l’activité biologique dans cette zone, notamment celle des diazotrophes1, créant ainsi une vaste efflorescence d’environ 400 000 km2, véritable oasis de vie au milieu du désert marin du Pacifique Sud, et une séquestration accrue de CO2 vers l’océan profond.

Pour documenter le lien mécaniste entre l’apport de fer par le volcanisme sous-marin et la réponse de la communauté planctonique de surface, les chercheurs et chercheuses ont combiné des observations acoustiques, chimiques, physiques et biologiques acquises au cours de l’expédition océanographique Tonga, réalisée en 2019 à bord du navire L’Atalante de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer.

Dans cette étude, les scientifiques démontrent que les fluides émis le long de l’arc volcanique de Tonga ont un impact considérable sur les concentrations en fer dans la couche éclairée. Cet enrichissement stimule l’activité biologique, ce qui entraîne la formation d’une vaste oasis de vie riche en chlorophylle, dominée par le diazotrophe Trichodesmium. En comparaison avec les eaux adjacentes non fertilisées en fer, l’activité des diazotrophes y est 2 à 8 fois plus élevée et les flux de séquestration de carbone dans l’océan profond 2 à 3 fois. Ces résultats révèlent un mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l’océan par les sources hydrothermales, qui alimente des puits régionaux de CO2 atmosphérique.

Les diazotrophes planctoniques sont des organismes microscopiques omniprésents dans l’océan. Ils jouent un rôle crucial puisqu’ils agissent comme des engrais naturels en fournissant de l’azote nouvellement disponible à la biosphère de l’océan de surface, un nutriment essentiel mais rare dans la plupart de nos océans. Le Pacifique Sud subtropical occidental est un haut lieu de l’activité des diazotrophes, avec une contribution estimée à 21% de l’azote mondial apporté par ce processus.

On sait que l’apport de fer par le biais des dépôts atmosphériques contrôle la biogéographie des diazotrophes à grande échelle, mais ces apports éoliens sont extrêmement faibles dans cette région éloignée. Cela suggère la présence d’autres processus de fertilisation en fer, tel que celui mis en évidence ici pour la première fois. L’identification de ces processus est de la plus haute importance car les diazotrophes ont récemment été identifiés comme des moteurs clés de la future fixation de CO2 par l’océan en réponse au changement climatique.

 

Référence
Sophie Bonnet, Cécile Guieu, Vincent Taillandier, Cédric Boulart, Pascale Bouruet-Aubertot, Frédéric Gazeau, Carla Scalabrin, Matthieu Bressac, Angela N. Knapp, Yannis Cuypers, David González-Santana, Heather J. Forrer, Jean-Michel Grisoni, Olivier Grosso, Jérémie Habasque, Mercedes Jardin-Camps, Nathalie Leblond, Frédéric Le Moigne, Anne Lebourges-Dhaussy, Caroline Lory, Sandra Nunige, Elvira Pulido-Villena, Andrea L. Rizzo, Géraldine Sarthou, Chloé Tilliette.
Institut méditerranéen d’océanologie (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Université de Toulon), Laboratoire d’océanographie de Villefranche (CNRS/Sorbonne Université), Laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (CNRS/SU), Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (CNRS/IRD/MNHN/SU), Laboratoire Geo-ocean (CNRS/Ifremer/UBO), Laboratoire des sciences de l’environnement marin (CNRS/IRD/Ifremer/UBO), Institut de la Mer de Villefranche (CNRS/SU).
Natural iron fertilization by shallow hydrothermal sources fuels diazotroph blooms in the Ocean, Science, 25 mai 2023. DOI: 10.1126/science.abq4654.

Phycotox 2023 : Conférence annuelle GdR Phycotox – GIS Cyanobactéries 2023

Cette année, le GdR phycotox, co-porté par Hélène Hégaret (CNRS, LEMAR) et Philipp Hess (Ifremer-Nantes), organise sa réunion annuelle conjointement avec le GIS Cyanobactéries, autour d’une conférence scientifique qui se déroule en présentiel à l’Ifremer Nantes du 23 au 25 mai 2023.

https://phycotox2023.sciencesconf.org/

Le GdR PHYCOTOX a été créé en 2013 afin de rassembler les acteurs de la communauté scientifique spécialistes des micro-algues toxiques et nuisibles et de leurs impacts sur la santé humaine et environnementale. Il a été renouvelé en 2018 pour 5 ans afin de poursuivre le travail collaboratif dans le but de répondre à des enjeux sociétaux fondamentaux et aider les secteurs touchés par ces phénomènes (aquaculture, pêche, tourisme etc.) et les évaluateurs et les gestionnaires du risque

https://tinyurl.com/d7z98nu4

Conférence finale du projet PADDLE

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Débuté en 2017, le programme Européen Paddle, projet interdiciplinaire sur la planification marine spatiale et coordonné par Marie Bonnin (LEMAR), tient du 15 au 17 mars sa conférence finale à Brest (IUEM / PNBI).

Pendant ces trois jours, des participants de plusieurs nationalités abordent différents thèmes liés à la planification de l’espace marin dans les tropiques, allant de la pêche artisanale aux dimensions sociales et culturelles en passant par divers sujets tels que les outils d’aide à la décision ou les aires marines protégées.

La présence de chercheurs de différents pays et disciplines est l’occasion de passer en revue les projets de développement de l’aménagement de l’espace marin le long des côtes de l’Atlantique tropical. De plus, certains acteurs de la planification spatiale marine tels que le Partenariat Régional Côtier et Marin (PRCM) et la Convention d’Abidjan sont associés à cet événement et représentés lors de la conférence. Les différentes sessions permettent aux participants d’avoir un aperçu des différents secteurs d’activité et types de recherche concernés par ce thème en pleine expansion.

Cette conférence est également l’occasion pour tous les partenaires de faire le bilan de leurs échanges après un projet de 6 ans, riche en rencontres scientifiques et humaines. Une exposition des photographies et vidéos réalisées durant le projet est également proposée aux participants.

 

Maéva GESSON Lauréate d’une bourse de la Fondation de la Mer

La Fondation de la Mer a été créée en 2015 afin de soutenir différents acteurs dans la protection de l’Océan. Elle mène des programmes de protection de la biodiversité marine et de lutte contre les pollutions en mer, elle encourage la recherche et l’innovation, et vise à informer et sensibiliser le grand public. La bourse de la Fondation de la Mer soutient notamment chaque année des doctorants inscrits dans une école doctorale francophone en leur apportant une aide matérielle de 5000€, et cette année, elle a été décernée à Maéva GESSON, doctorante au LEMAR.

Maéva fait partie de l’équipe Chibido au LEMAR, encadrée par Brivaëla Moriceau et Frédéric Le Moigne. Sa thèse a été financée par les Fonds France Canada pour la Recherche et s’intitule « Mécanismes de fragmentation de la neige marine dans la zone mésopélagique de l’océan : implication sur la séquestration de CO2 par la pompe biologique de carbone ».

En pratique, la neige marine se forme naturellement à la surface des océans par l’agrégation de particules riches en carbone organique issues principalement du phytoplancton. Ces agrégats coulent dans la colonne d’eau et créent alors un flux de carbone vers les profondeurs, apportant source de nourriture aux organismes profonds et piégeant le carbone pour des milliers voire millions d’années au niveau du plancher océanique. Cependant il n’y a que quelques pourcents de cette neige marine qui atteignent finalement les abysses, et ceci s’expliquerait pour moitié par la fragmentation des agrégats entre 100 et 1000m de profondeur. Le travail de thèse de Maéva vise à estimer si des phénomènes de fragmentation induits par des turbulences océaniques ou issues du mouvement du zooplancton pourrait être responsables de cette fragmentation, et si oui dans quelles proportions. Elle s’intéresse plus particulièrement à des molécules adhésives contenues dans les agrégats afin d’évaluer si celles-ci déterminent la fragilité de la neige marine.

L’argent de la bourse sera utilisé pour financer partiellement la conception de nouvelles tables roulantes, outils nécessaires à la formation et à l’étude de la neige marine en laboratoire. Conçues et produites par l’UBO Open Factory, celles-ci permettront de réaliser un suivi temporel du nombre, de la morphologie et de la vitesse de chute des agrégats par imagerie. Elles seront également adaptées aux missions en mer, comme la campagne APERO à laquelle Maéva participera cet été. Les plans et notice de montage seront distribués à l’ensemble de la communauté en open access à l’issue de la réalisation.

Campagne océanographique SCOPES

Sous l’influence des vents alizés, l’océan côtier ouest-africain est une des zones les plus productives en organismes marins au monde. La richesse de la faune marine y est l’objet d’une exploitation multi-millénaires par les sociétés humaines, qui assure ainsi la sécurité alimentaire de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest. La compréhension de son fonctionnement et de son évolution dans les années et décennies à venir est un enjeu de grande importance sociétale.

La campagne d’observation en mer SCOPES, coordonnée par Eric Machu (LOPS, IRD) et X. Capet (LOCEAN, CNRS) est dédiée à la compréhension de l’écosystème planctonique de l’océan côtier sud-sénégalais. Elle est l’aboutissement d’une collaboration longue de plus d’une décennie entre scientifiques français et sénégalais soutenue par l’IRD (laboratoire mixte international ÉCLAIRS). Cette campagne est inscrite dans le cadre du projet ANR SOLAB, mais également liée au projet OMEGA et a commencé mi-novembre 2023 pour durer jusqu’à fin janvier 2023.

Les opérations ont commencé au Sénégal par l’observation in situ de la frange littorale du plateau : collecte d’échantillons et installation de mouillages pour mesurer les courants sur la colonne d’eau, la température, la salinité et la concentration en oxygène dissous.

L’observation in situ de l’écosystème du plateau continental et ses liens avec le large sera assurée à bord du navire océanographique Thalassa, avec 23 scientifiques embarqués. Une large palette de capteurs et de méthodes d’analyse de pointe sera employée (imagerie, approche moléculaire, capteurs chimiques, analyses isotopiques …). Cette mission en mer, partie de Brest jeudi 8 décembre, durera jusqu’au 9 janvier. À son bord sont présents nos collègues Jérémie Habasque, Gildas Roudaut et Viviane David.

 

Pour en savoir plus sur la campagne, vous pouvez suivre le blog mis en ligne.