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Décodage des facteurs d’atténuation du flux de carbone dans la pompe biologique océanique

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Résumé

La pompe biologique fournit du carbone à l’intérieur des océans, ce qui favorise le piégeage du carbone à long terme et fournit de l’énergie aux écosystèmes des grands fonds. Son efficacité est déterminée par les transformations des particules nouvellement formées dans la zone euphotique, suivies d’une atténuation du flux vertical par des processus mésopélagiques. L’atténuation en profondeur du flux de carbone organique particulaire (POC) est modulée par de multiples processus impliquant le zooplancton et/ou les microbes. Néanmoins, elle continue d’être principalement paramétrée à l’aide d’une relation empirique, la « courbe de Martin ». L’exposant de loi de puissance dérivé est la métrique standard utilisée pour comparer les schémas d’atténuation du flux entre les provinces océaniques. Nous présentons ici les résultats expérimentaux in situ de C-RESPIRE, un double intercepteur de particules et incubateur déployé à plusieurs profondeurs mésopélagiques, mesurant l’atténuation du flux de POC à médiation microbienne. Nous avons constaté que dans six régimes océaniques contrastés, représentant une gamme de 30 fois le flux de POC, la dégradation par les microbes attachés aux particules comprenait 7-29 pour cent de l’atténuation du flux, ce qui implique un rôle plus influent pour le zooplancton dans l’atténuation du flux. La reminéralisation microbienne, normalisée par rapport au flux de POC, varie d’un facteur 20 entre les sites et les profondeurs, les taux les plus faibles étant observés lorsque les flux de POC sont élevés. Les tendances verticales, allant jusqu’à des changements d’un facteur trois, étaient liées à de forts gradients de température dans les sites des basses latitudes. En revanche, la température a joué un rôle moindre dans les sites des latitudes moyennes et élevées, où les tendances verticales peuvent être déterminées conjointement par la biochimie des particules, la fragmentation et l’écophysiologie microbienne. Cette déconstruction de la courbe de Martin révèle les mécanismes sous-jacents qui conduisent à l’atténuation du flux de POC à médiation microbienne à travers les provinces océaniques.

Figure

a, Schéma des transformations cumulées des particules décantées (indiquées par des barres verticales pleines) dues au flux de zooplancton (FF), DVM et MR avant l’interception des particules par C-RESPIRE pendant la phase de collecte initiale à chacune des trois profondeurs. MR (en bleu) représente la phase d’incubation ultérieure de C-RESPIRE au cours de laquelle seule MR agit sur les particules interceptées pour diminuer le POC .

b, Déconstruction des principaux facteurs d’atténuation du flux de POC. La RM (zones bleues) est telle que décrite en a et est déduite de la consommation d’O2 mesurée et d’un QR fixe. Les taux d’accumulation de C organique dissous pendant l’incubation étaient faibles (représentant en moyenne 21 ± 16% de la MR), ce qui confirme un couplage étroit entre la solubilisation et la MR. Le flux résiduel de POC (cercles ouverts) correspond au POC (intercepté) mesuré à la fin de l’incubation in situ de plusieurs jours. Le flux cumulé de POC (cercles remplis) est reconstruit en utilisant la somme du POC résiduel et de la RM (c’est-à-dire le flux de POC résiduel + la RM) et devrait refléter une courbe de Martin, représentée par la ligne noire continue.

c, Emplacements des déploiements de C-RESPIRE superposés à une carte de la climatologie de la productivité primaire nette (PPN) dérivée des satellites (2003-2018) (obtenue à partir du site Web Ocean Color de la NASA et de l’algorithme CAFE). Vert, SG ; brun, BEN ; rouge, SAZ ; orange, PAPA ; bleu, MED ; violet, SPSG.

Référence

Bressac, M., Laurenceau-Cornec, E.C., Kennedy, F. et al. Decoding drivers of carbon flux attenuation in the oceanic biological pump. Nature 633, 587–593 (2024). https://doi.org/10.1038/s41586-024-07850-x

 

Pour aller plus loin

Un article vulgarisé a été écrit par le CNRS et publié sur leur site web.

L’océan stockerait davantage de carbone qu’estimé dans les précédentes études

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Notre collègue Frédéric Le Moigne a participé à une étude internationale sur l’efficacité de la pompe océanique de carbone. Cette étude publiée cette semaine dans le journal Nature réévalue à la hausse la capacité de stockage de carbone dans l’océan, notamment par la « neige marine ». Cette publication a fait l’objet d’un communique de presse du CNRS :

L’océan a une capacité de stockage du dioxyde de carbone atmosphérique près de 20% supérieure aux estimations présentées dans le dernier rapport du GIEC. C’est ce que révèle l’étude, à paraître dans la revue Nature le 6 décembre 2023, menée par une équipe internationale comprenant un biologiste du CNRS. Les scientifiques se sont penchés sur le rôle que joue le plancton dans le transport naturel du carbone depuis la surface vers les fonds marins.

En effet, friand de ce gaz qu’il transforme grâce à la photosynthèse en tissus organiques au cours de son développement, une partie du plancton se transforme en particules marines en fin de vie. Plus dense que l’eau de mer, cette « neige marine » coule dans les fonds marins stockant du carbone, et constitue également une ressource de nutriments essentiels pour de nombreuses créatures des profondeurs, depuis les minuscules bactéries jusqu’aux poissons de grands fonds.

En se basant sur l’étude d’une banque de données collectées sur l’ensemble du globe depuis les années 1970 à l’aide de navires océanographiques, l’équipe de sept scientifiques a pu cartographier numériquement les flux de matière organique de l’ensemble des océans. La nouvelle estimation de capacité de stockage qui en résulte s’élève à 15 gigatonnes par an, soit une augmentation d’environ 20% par rapport aux précédentes études (11 gigatonnes par an) rapportées par le GIEC dans son rapport de 2021.

Cette réévaluation de la capacité de stockage des fonds marins représente une avancée significative dans la compréhension des échanges de carbone entre l’atmosphère et l’océan au niveau planétaire. Si l’équipe souligne que ce processus d’absorption s’opère sur des dizaines de milliers d’années, et qu’il n’est donc pas suffisant pour contrebalancer l’augmentation exponentielle d’émissions de CO2 engendrée par l’activité industrielle mondiale depuis 1750, cette étude renforce néanmoins l’importance de l’écosystème océanique en tant qu’acteur majeur dans la régulation du climat planétaire à long terme.

Distribution globale du flux de carbone organique depuis la couche de surface de l’océan ouvert.
© Wang et al., 2023, Nature.

 

Référence de l’article, accessible en ligne :

Biological carbon pump estimate based on multi-decadal hydrographic data. Wei-Lei Wang, Weiwei Fu, Frédéric A. C. Le Moigne, Robert T. Letscher, Yi Liu, Jin-Ming Tang, and François W. Primeau. Nature, le 6 décembre 2023.
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-023-06772-4

SWINGS à la TAC

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Partie le 11 janvier à bord du Marion Dufresne pour 52 jours de mer, la campagne SWINGS (South West Indian Geotraces Section) a pris fin le 8 mars en débarquant à la Réunion. Une moisson d’échantillons récoltés grâce aux 48 scientifiques et 28 tonnes de matériel embarqués. En tout, 170 000 litres d’eau ont été filtrés. Reste maintenant à traiter et analyser ces échantillons pour mieux comprendre les apports et le devenir des micronutriments essentiels à la vie dans cette région difficile d’accès.

Que nous apprendra cette campagne océanographique sur les grands cycles biogéochimique de l’Océan ? Pourquoi l’Austral joue-t-il un rôle clé dans la régulation de notre climat ?

Catherine Jeandel et Hélène Planquette, co-coordinatrices de la mission seront les invitées de l’émission « la Terre au Carré » de ce lundi 29 mars 2021, et répondront aux questions de Mathieu Vidard et des auditeurs.

Vous pouvez réécouter l’émission en podcast sur le site de France Inter.

 

Et pour aller plus loin, retrouvez l’excellent dossier du magazine Exploreur (université de Toulouse).

 

Vol d’albatros devant l’Ile d’Heard.

Influence of diatom diversity on the ocean biological carbon pump

Abstract

Diatoms sustain the marine food web and contribute to the export of carbon from the surface ocean to depth. They account for about 40% of marine primary productivity and particulate carbon exported to depth as part of the biological pump. Diatoms have long been known to be abundant in turbulent, nutrient-rich waters, but observations and simulations indicate that they are dominant also in meso- and submesoscale structures such as fronts and filaments, and in the deep chlorophyll maximum. Diatoms vary widely in size, morphology and elemental composition, all of which control the quality, quantity and sinking speed of biogenic matter to depth. In particular, their silica shells provide ballast to marine snow and faecal pellets, and can help transport carbon to both the mesopelagic layer and deep ocean. Herein we show that the extent to which diatoms contribute to the export of carbon varies by diatom type, with carbon transfer modulated by the Si/C ratio of diatom cells, the thickness of the shells and their life strategies; for instance, the tendency to form aggregates or resting spores. Model simulations project a decline in the contribution of diatoms to primary production everywhere outside of the Southern Ocean. We argue that we need to understand changes in diatom diversity, life cycle and plankton interactions in a warmer and more acidic ocean in much more detail to fully assess any changes in their contribution to the biological pump.

 

Graphical abstract

Reference

Tréguer, P., Bowler, C., Moriceau, B., Dutkiewicz, S., Gehlen, M., Aumont, O., Bittner,L., Dugdale, R., Finkel, Z., Ludicone, D., Jahn,O., Guidi, L., Lasbleiz, M., Leblanc, K., Levy, M. & Pondaven, P. (2017). Influence of diatom diversity on the ocean biological carbon pump. Nature Geoscience 11, 27–37 (2017). doi:10.1038/s41561-017-0028-x

Le devenir du carbone dans l’océan profond

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La pompe biologique de carbone peut être décomposée en trois étapes : la formation du carbone biogène en surface (production), le transfert sous de la couche mélangée (export) et l’atténuation du flux dans la zone mésopélagique (200-2000 m), vers un stockage à long terme (> 1000 ans) dans l’océan profond et les sédiments. Pour des raisons opérationnelles, les années 1980-2000 se font fortement focalisées sur les deux premiers volets de la pompe biologique (programme international JGOFS). La profondeur de l’atténuation du flux de carbone avec la profondeur qui impose de fortes contraintes sur les échelles de temps de stockage de carbone dans l’océan profond, est contrainte par la dynamique océanique (turbulence, petites échelles, etc.), les processus de dissolution, l’activité biologique (activité hétérotrophe, respiration) et le comportement des particules (sédimentation, agrégation/désagrégation). L’évolution des moyens d’observations (plateformes autonomes, mesures à haute fréquence, acoustique, imagerie, biologie moléculaire, etc.), ainsi que les progrès en modélisation (puissance des ordinateurs, prise en compte de la complexité, Intelligence Artificielle), permettent d’aborder maintenant frontalement cette question. Le LEMAR s’inscrit pleinement dans cette nouvelle dynamique et s’appuie sur son expertise dans la description du devenir de la matière organique dissoute, les cycles du silicium, du fer et du carbone, le rôle du zooplancton, les processus de reminéralisation, la dynamique des particules, l’étude de la petite échelle en zone mésopélagique (voir AR2.1 CHIBIDO), la modélisation (en lien avec les équipes de l’IMT Atlantique développant des approches en Intelligence Artificielle), en microbiologie ou en écologie pour s’impliquer et porter des projets internationaux sur cette thématique. Par ailleurs, le laboratoire a activement participé à la création du consortium international JETZON (Joint Exploration of the Twilight Zone Ocean Network : https://jetzon.org/) coordonnant les programmes sur la zone mésopélagique.

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Frigo

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