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Philippe Nonnotte, Ingénieur de recherche en géochimie et spectrométrie de masse à Geo-Ocean

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Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

J’ai fait toutes mes études supérieures à l’UBO, dont mon DEA Géosciences marines à l’IUEM. J’ai démarré ma thèse en 2003 sur les structures volcano-tectoniques de la zone de divergence Nord-Tanzanienne. Le but de cette étude était de proposer une caractérisation de la pétrologie et de la géochimie du volcanisme de la zone depuis 10 millions d’années ; ainsi que de mieux comprendre les processus ayant lieu dans le manteau à l’origine du magmatisme. Ce lieu un peu particulier, atypique, du rift Est-Africain constitue la terminaison de la branche Est de ce rift, caractérisée par un volcanisme important, peu présent dans d’autres régions. Deux questions nous intéressaient particulièrement : pourquoi le magmatisme s’arrête dans cette zone-là et quelles sont les relations entre la croûte continentale et le manteau supérieur ? Après cette première étude géochimique, plusieurs thèses ont ensuite commencé en géophysique à Geo-Ocean (anciennement LDO puis LGO) sur cette même problématique. J’ai soutenu ma thèse en avril 2007 ; j’étais devenu ATER à l’UBO. Ensuite, j’ai enchaîné sur un deuxième contrat d’ATER à Clermont-Ferrand où je suis resté 3 mois. En effet, j’ai candidaté à l’été 2007 sur un poste d’IR que j’ai obtenu et je suis rentré à Geo-Ocean en décembre 2007.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

Un poste d’IR était ouvert au LDO dans ma spécialité pour prendre en charge les instruments et équipements que j’avais utilisés pendant ma thèse. Le Pôle Spectrométrie Océan (PSO) était aussi en train de voir le jour en 2007. Le contexte était donc hyper stimulant et dynamique par cette mutualisation entre plusieurs organismes partenaires : l’UBO et le CNRS grâce à l’IUEM, et l’Ifremer, rejoints ensuite par l’IRD en 2018. Un pôle instrumental unique en sciences de la mer était en train de se monter.

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je suis responsable des deux spectromètres de masse à thermo-ionisation (TI-MS) qui sont mis en œuvre au PSO et opérés par Geo-Ocean. Je suis aussi co-responsable des salles blanches (laboratoire ultra-propres) nécessaires à la préparation chimique des échantillons. Mon rôle consiste à réaliser les analyses géochimiques en y apportant mon expertise, et à assurer le bon fonctionnement, la maintenance et le pilotage administratif et financier de ces équipements. Les TI-MS sont utilisés pour déterminer les compositions isotopiques des éléments de masses atomiques intermédiaires à élevées (ex : Strontium, Néodyme en routine…). Les rapports isotopiques mesurés sur les échantillons naturels (ex : roches, sédiments, eaux de mers, coquilles…) sont utilisés en tant que traceurs de « sources » (origine des magmas ou des sédiments), en géochronologie ou en tant que proxys environnementaux (traçage des masses d’eau océaniques, processus redox et paléo-océanographiques). En préalable de ces mesures, les échantillons nécessitent un important traitement chimique en salle blanche afin de les mettre en solution et de purifier les éléments à analyser sur résines échangeuses d’ions, montées sur colonnes.

J’assure aussi la formation des utilisateurs (étudiants des Masters, principalement Chimie et Géosciences, des doctorants et personnels de recherche) afin qu’ils acquièrent une grande  autonomie avec ces protocoles et dans l’acquisition des données, nécessaires pour leurs projets de recherche. Je participe également à de nombreux travaux de recherche (ERC Earth Bloom porté par Stefan Lalonde, participation à l’exploitation des échantillons de campagnes océanographiques, récemment SMARTIES et le projet PAMELA), essentiellement sur les thématiques de la Terre primitive et touchant au magmatisme continental et océanique. C’est dans ce cadre-là que j’ai eu l’opportunité de réaliser une mission au Groenland en 2012 et en Islande en 2018.

Par ailleurs, depuis janvier 2022 et la constitution de Geo-Ocean par la fusion du LGO et de l’Unité de recherche Géosciences marines de l’Ifremer, je suis devenu co-responsable de l’équipe ANalyses, Télédétection, Instrumentation, Prélèvements, Observations et Données (Antipod) qui rassemble plus de 40 personnels scientifiques et techniques de l’UBO, du CNRS et de l’Ifremer, de spécialités très variées. J’assure l’animation et la coordination de cette équipe pluridisciplinaire dont les thématiques touchent à tout ce qui est méthodologie et instrumentation marine en soutien aux activités de recherche de Geo-Ocean.

Mon activité à l’IUEM et Geo-Ocean est ainsi très variée, avec de nombreux interlocuteurs, de centres d’intérêt et un cadre très stimulant.

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

Je commence à avoir une bonne expérience du pelletage sous 4*4 après deux « plantages » lors de missions de terrain… Le premier a eu lieu sur une des pistes menant au lac Natron en Tanzanie, perdu en pleine savane à la tombée de la nuit. Le deuxième, plus récemment, en pleine toundra islandaise suite à « un très beau posé de ma part » sur un gros rocher au milieu de la piste. Dans les deux cas, beaucoup d’efforts et de patience nous ont permis de finalement sortir de l’ornière…

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

J’ai plusieurs très bons souvenirs de moments d’échanges (scientifiques mais pas que…) avec les chercheurs et doctorants devant les instruments, ou en salle blanche en attendant que les colonnes coulent. Les semaines de mesures réalisées de 2015 à 2018 avec Catherine Jeandel et Valérie Chavagnac (du LEGOS et du GET, Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse) constituent un moment marquant car nous avons vraiment poussé le spectromètre dans ses limites analytiques pour réussir à mesurer les échantillons d’eaux de mer et de fluides hydrothermaux.

J’en ai plusieurs aussi liées aux missions auxquelles j’ai eu la chance de participer  : Se réveiller après une chute de neige sur les pentes du Kilimandjaro, les « rencontres » avec les icebergs sous les lumières du soir dans les fjords du Groenland, un baptême de l’air lors d’un vol en hélicoptère en Islande…

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La course à pied (surtout le trail sur les sentiers côtiers), la randonnée, les balades en famille. Etre à l’extérieur et dans la nature, c’est un aspect que j’apprécie et qui se retrouve aussi lors des sorties géologiques sur le terrain.

As-tu une devise ?

« … Devant eux, tout ce qu’il pouvait voir, vaste comme le monde, immense, haut et incroyablement blanc dans le soleil, c’était le sommet carré du Kilimandjaro. Et alors il comprit que c’était là qu’il allait. » Ernest Hemingway.

Crédit photos

Bertrand Gobert / IRD

Gabrielle Nonnotte

Brigitte Van Vliet-Lanoë / CNRS

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Philippe Nonnotte / UBO

 

 

«Icelandia» – L’Islande est-elle le centre d’un vaste continent englouti ?

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Des universitaires pensent avoir découvert un remarquable secret géologique : un continent englouti caché sous l’Islande et l’océan environnant, qu’ils ont baptisé «Icelandia».
Une équipe internationale de géologues, animée par Gillian Foulger, professeur émérite de géophysique au département des Sciences de la Terre de l’Université de Durham (Royaume-Uni), pense que le continent englouti pourrait s’étendre du Groenland jusqu’à l’Europe. Laurent Geoffroy du LGO a participé à cette réflexion.

Une nouvelle théorie révolutionnaire

Les scientifiques pensent que le continent immergé couvre une superficie d’environ 600 000 km2, mais si l’on inclut les zones adjacentes à l’ouest de la Grande-Bretagne dans une «Grande Islande», la superficie totale pourrait atteindre environ 1 000 000 km2.

Si cette théorie est confirmée, cela signifie que le supercontinent géant de la Pangée, dont on pense qu’il s’est disloqué il y a plus de 50 millions d’années, ne s’est en fait pas complètement désagrégé.
Cette nouvelle théorie remet en question des idées scientifiques de longue date concernant l’étendue de la croûte océanique et continentale dans la région de l’Atlantique Nord, et la façon dont les îles volcaniques, comme l’Islande, se sont formées.

Une collaboration anglo-franco-norvégienne

La présence d’une croûte continentale, plutôt qu’océanique, pourrait également susciter des discussions sur une nouvelle source de minéraux et d’hydrocarbures, tous deux contenus dans la croûte continentale.
Cette nouvelle théorie révolutionnaire est née d’une série innovante de réunions d’experts tenues à Durham et fait l’objet d’un chapitre dédié dans l’ouvrage In the Footsteps of Warren B. Hamilton : New Ideas in Earth Science publié le 29 juin 2021 par la Geological Society of America, que le professeur Foulger a co-écrit avec le Dr Laurent Gernigon du Geological Survey of Norway et le professeur Laurent Geoffroy du Laboratoire Géosciences Océan (LGO).

À propos de cette nouvelle théorie, le professeur Foulger a déclaré :

«Il y a un travail fantastique à faire pour prouver l’existence de l’Icelandia, mais cela ouvre aussi une perspective complètement nouvelle sur notre compréhension géologique du monde. Un phénomène similaire pourrait se produire dans de nombreux autres endroits. […] Nous pourrions éventuellement voir les cartes de nos océans et de nos mers être redessinées au fur et à mesure que notre compréhension de ce qui se trouve en dessous évolue.»

Télécharger ici le chapitre dédié à Icelandia.

Crédits photos

Gillian Foulger / Durham University, Laurent Geoffroy / UBO & Laurent Gernigon / NGU

Contact

Laurent Geoffroy / UBO