Preuve que les niveaux de mercure du thon dans le Pacifique sont déterminés par la production de méthylmercure marin et les apports anthropiques

Résumé

Le thon de l’océan Pacifique fait partie des produits de la mer les plus consommés, mais il contient des niveaux relativement élevés de méthylmercure, une neurotoxine. Des observations limitées suggèrent que les niveaux de mercure dans le thon varient dans l’espace et le temps, mais les facteurs déterminants ne sont pas bien compris. Nous avons cartographié les concentrations de mercure dans le thon listao dans l’océan Pacifique et construit des modèles additifs généralisés pour quantifier les facteurs anthropiques, écologiques et biogéochimiques. Les niveaux de mercure du thon listao présentent un gradient spatial, avec des concentrations maximales dans le nord-ouest près de l’Asie, des valeurs intermédiaires dans l’est et les niveaux les plus bas dans l’ouest, le sud-ouest et le centre du Pacifique. Les grandes différences spatiales peuvent s’expliquer par la profondeur du pic de méthylmercure dans l’eau de mer près des zones à faible teneur en oxygène, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans les régions où l’oxygène est peu abondant. Malgré ce contrôle biogéochimique naturel, le point chaud du mercure dans le thon pêché près de l’Asie s’explique par des concentrations atmosphériques élevées de mercure et/ou des apports fluviaux de mercure sur le plateau côtier. Bien que nous ne puissions ignorer l’apport de mercure hérité d’autres régions de l’océan Pacifique (par exemple, l’Amérique du Nord et l’Europe), nos résultats suggèrent que les rejets récents de mercure d’origine anthropique, qui sont actuellement les plus importants en Asie, contribuent directement à l’exposition actuelle de l’homme au mercure.

 

Résumé graphique

FIG.2 : Variabilité spatiale des concentrations de mercure dans le thon listao. Cartes de contours spatiaux lissés des (A) concentrations de Hg observées et (B) normalisées (microgrammes ⋅ grammes-1, dw) dans les échantillons de muscle blanc de listao de l’océan Pacifique. Les points noirs représentent l’emplacement des échantillons de listao. Les zones océaniques correspondent à l’origine des échantillons : NWPO, CNPO, NEPO, EPO, SWPO, et WCPO. Les points transparents représentent l’emplacement des échantillons d’eau de mer avec des données MeHg disponibles et publiées.

 

Points forts

Les humains sont exposés au méthylmercure toxique principalement en consommant des poissons marins. Les nouvelles politiques environnementales de la Convention de Minamata reposent sur une compréhension encore mal connue de la manière dont les émissions de mercure se traduisent par des niveaux de méthylmercure dans les poissons. Nous fournissons ici la première carte détaillée des concentrations de mercure du thon listao dans le Pacifique. Notre étude montre que le fonctionnement naturel de l’océan mondial a une influence importante sur les concentrations de mercure du thon, notamment en ce qui concerne la profondeur à laquelle les concentrations de méthylmercure atteignent leur maximum dans la colonne d’eau. Cependant, les apports de mercure provenant de sources anthropiques sont également détectables, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans le nord-ouest de l’océan Pacifique qui ne peut être expliquée uniquement par les processus océaniques.

 

Référence

Anaïs Médieu, David Point, Takaaki Itai, Hélène Angot, Pearse J. Buchanan, Valérie Allain, Leanne Fuller, Shane Griffiths, David P. Gillikin, Jeroen E. Sonke, Lars-Eric Heimbürger-Boavida, Marie-Maëlle Desgranges, Christophe E. Menkes, Daniel J. Madigan, Pablo Brosset, Olivier Gauthier, Alessandro Tagliabue, Laurent Bopp, Anouk Verheyden, Anne Lorrain. Evidence that Pacific tuna mercury levels are driven by marine methylmercury production and anthropogenic inputs. Proceedings of the National Academy of Sciences Jan 2022, 119 (2) e2113032119; DOI: 10.1073/pnas.2113032119

Lire l’article sur le site de PNAS

 

Cette étude a fait l’objet d’un article dans le Mag de l’IRD.

Dernières avancées dans les interactions bivalve-microbiote pour la prévention des maladies en aquaculture

Résumé :

Chez les bivalves, aucun rôle fonctionnel précis du microbiote n’a encore été identifié, bien que de nombreuses publications suggèrent qu’il pourrait être impliqué dans la nutrition ou l’immunité de son hôte. Dans le contexte du changement climatique, des approches intégratives au carrefour des disciplines ont été développées pour explorer le système environnement-hôte-pathogène-microbiote. Nous tentons ici de synthétiser les travaux sur (1) les méthodologies actuelles d’analyse du microbiote des bivalves, (2) la comparaison du microbiote entre les espèces, entre les compartiments de l’hôte et son habitat environnant, (3) la manière dont le microbiote des bivalves est régi par les facteurs environnementaux et la génétique de l’hôte et (4) la manière dont les micro-organismes associés à l’hôte agissent comme un tampon contre les pathogènes et/ou favorisent la guérison, et pourraient ainsi jouer un rôle dans la prévention des maladies ou des mortalités.

Résumé graphique :

Figure 2. Facteurs de l’hôte et de l’environnement agissant sur le microbiote bivalve.
Il a été démontré que certains de ces facteurs, seuls ou combinés, entraînent une dysbiose, des maladies et une guérison.

 

Points forts :

  • Les technologies de séquençage à haut débit ont permis de mener des recherches sur les interactions entre les bivalves et le microbiote.
  • Les interactions bivalve-microbiote dépendent de facteurs de l’hôte imbriqués les uns dans les autres.
  • L’interaction du microbiote avec le milieu environnant est importante pour la santé des bivalves.
  • Des études récentes soulignent l’implication du microbiote des huîtres dans la résistance aux maladies.
  • Les études sur le microbiome fourniront de nouvelles stratégies pour améliorer l’aquaculture des bivalves.

Référence :

Christine Paillard, Yannick Gueguen, K Mathias Wegner, David Bass, Alberto Pallavicini, Luigi Vezzulli, Isabelle Arzul. Recent advances in bivalve-microbiota interactions for disease prevention in aquaculture. Current Opinion in Biotechnology, Volume 73, 2022, Pages 225-232. ISSN 0958-1669. https://doi.org/10.1016/j.copbio.2021.07.026.

 

 

Les conditions de stockage post-mortem et les méthodes de cuisson affectent la teneur en acides gras oméga-3 à longue chaîne du maquereau de l’Atlantique.

Les oméga-3 sont essentiels à la santé humaine et surtout retrouvés dans les poissons marins. Ils se dégradent facilement dans le temps et à haute température, mais jusqu’à quel point ? C’est ce que nous avons testé sur le maquereau. La perte en oméga-3 n’est pas très importante dans les premières heures suivant la capture du poisson, mais il est tout de même préférable de stocker le poisson le plus frais possible. Pour la cuisson, il est préférable de griller le filet de maquereau avec sa peau que de le cuire à la vapeur. Bon appétit !

 

Résumé

Les acides gras oméga-3 à longue chaîne comme l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA) sont des lipides bénéfiques pour la santé que l’on trouve en forte concentration dans les poissons pélagiques, dont le maquereau de l’Atlantique. Alors que l’EPA et le DHA sont sensibles à l’oxydation pendant le stockage et le traitement du poisson, la dégradation post-mortem dans les premières heures suivant la mort du poisson est peu documentée. Ici, nous avons stocké le poisson à deux températures (2-4 ◦C et 18-20 ◦C) et surveillé la teneur en EPA + DHA dans le filet dorsal 6, 12 et 24 heures après la mort du poisson et après la cuisson (gril ou vapeur). La durée de stockage était le seul facteur d’influence, et la perte d’EPA + DHA était plus rapide à 18-20◦C. Six heures après la mort du poisson, la teneur en EPA + DHA a diminué de 1,3 ± 1,3 mg.g-1dw (9,6 ± 9,5% de la teneur initiale) mais elle était très variable selon les individus. La manipulation entre la pêche et le stockage doit être aussi courte et aussi fraîche que possible pour préserver l’EPA + DHA et la sécurité alimentaire. Concernant la cuisson, l’EPA + DHA et les acides gras mono-insaturés ont augmenté dans les filets grillés.

 

Résumé graphique

Figure-1: Schéma du plan d’échantillonnage testant l’influence de la température de stockage (2-4 ◦C et 18-20 ◦C), de la durée de stockage (de T6 à T24 heures), et de la méthode de cuisson (gril et vapeur) sur la teneur en acides gras du maquereau de l’Atlantique Scomber scombrus. Les carrés foncés indiquent la position d’échantillonnage du muscle à chaque étape, et les gris les positions précédemment échantillonnées. Pour la cuisson, nous avons échantillonné le côté gauche du poisson.

 

Points forts

  • La durée de stockage (< 24h) a eu un impact plus important que la température de stockage sur la teneur en EPA + DHA du filet dorsal de maquereau.
  • La teneur en EPA + DHA et en acides gras mono-insaturés a augmenté dans les filets grillés.
  • Les pertes d’EPA + DHA dans le filet dorsal de maquereau étaient très variables selon les individus.

Référence

Fany Sardenne, Eleonora Puccinelli, Marie Vagner, Laure Pecquerie, Antoine Bideau, et al.. Post-mortem storage conditions and cooking methods affect long-chain omega-3 fatty acid content in Atlantic mackerel (Scomber scombrus). Food Chemistry, Elsevier, 2021, 359, pp.129828. ⟨10.1016/j.foodchem.2021.129828⟩.

L’article est également disponible en libre accès sur HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03215360

Profondeur de recherche de nourriture des requins pélagiques : Les isotopes stables du mercure nous éclairent

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Résumé

Le déclin des populations de requins dans l’océan mondial affecte la structure et la fonction des écosystèmes de manière imprévisible et de nouvelles informations écologiques sont aujourd’hui nécessaires pour mieux comprendre le rôle des requins dans leurs habitats. En particulier, la caractérisation des modèles de recherche de nourriture est cruciale pour comprendre et prévoir l’évolution de la dynamique entre les requins et leurs proies. De nombreuses espèces de requins utilisent la zone mésopélagique comme principale zone de recherche de nourriture, mais on ignore encore dans quelle mesure les différents requins pélagiques utilisent cet habitat. Afin d’illustrer la dimension verticale de leur écologie trophique, nous avons utilisé les isotopes stables du mercure dans le muscle de trois espèces de requins pélagiques (le requin bleu Prionace glauca, le requin-taupe bleu Isurus oxyrinchus et le requin-marteau lisse Sphyrna zygaena) de la région du Pacifique nord-est. Les valeurs Δ199Hg, allant de 1,40 à 2,13‰ chez les requins, suggéraient un régime alimentaire principalement basé sur des proies mésopélagiques dans des habitats océaniques. Nous avons en outre utilisé les isotopes stables du carbone et de l’azote (δ13C, δ15N) seuls ou en combinaison avec les valeurs Δ199Hg, pour évaluer le partage des ressources entre les trois espèces de requins. L’ajout de Δ199Hg a entraîné une diminution des estimations de chevauchement trophique par rapport à celles basées sur δ13C/δ15N seuls, ce qui démontre que la modélisation multi-isotope est nécessaire pour une description trophique précise des trois espèces. Principalement, cela révèle qu’ils s’alimentent à des profondeurs moyennes différentes et que le partage des ressources est principalement exprimé par la dimension verticale au sein des assemblages de requins pélagiques. Parallèlement, la concentration de mercure total (THg) dans les muscles diffère selon les espèces et augmente avec la profondeur d’alimentation. Dans l’ensemble, cette étude souligne le rôle clé de la zone mésopélagique pour les espèces de requins qui s’alimentent parmi d’importants gradients de profondeur et rapporte de nouvelles informations écologiques sur la compétition trophique en utilisant les isotopes du mercure. Elle suggère également que la profondeur de recherche de nourriture peut jouer un rôle central dans les différences entre les THg musculaires des espèces de requins cooccurrentes de niveau trophique élevé.

 

Résumé graphique

 

Points forts

– δ13C, δ15N, Δ199Hg et δ202Hg ont été déterminés chez trois espèces de requins pélagiques.
– Les isotopes de Hg suggèrent que ces espèces de requins se nourrissent de proies mésopélagiques.
– δ13C et δ15N surestiment les chevauchements entre les niches trophiques.
– Les différences de profondeur de recherche de nourriture expliquent mieux le partage des ressources.
– La profondeur de recherche de nourriture influence le niveau de contamination au mercure.

 

Référence

Lucien Besnard, Gaël Le Croizier, Felipe Galván-Magaña,David Point,Edouard Kraffe, James Ketchum, Raul Octavio Martinez Rincon, Gauthier Schaal. Foraging depth depicts resource partitioning and contamination level in a pelagic shark assemblage: Insights from mercury stable isotopes. Environmental Pollution, Volume 283, 2021, 117066. ISSN 0269-7491. https://doi.org/10.1016/j.envpol.2021.117066.

Détection sonore par le Homard Américain (Homarus americanus)

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Résumé

Bien que de nombreux crustacés produisent des sons, leurs capacités et mécanismes d’audition sont mal compris. mécanismes sont mal compris, ce qui laisse des incertitudes d’incertitudes quant à savoir si ou comment ces animaux utilisent le son pour la communication communication acoustique. Les invertébrés marins manquent d’organes remplis de gaz nécessaires à la détection de la pression acoustique. pour la détection de la pression acoustique, mais certains d’entre eux sont connus pour être sensibles au mouvement des particules. sensibles au mouvement des particules. Ici, nous avons examiné si le homard américain (Homarus americanus) pouvait détecter le son et avons ensuite Nous avons ensuite cherché à discerner les mécanismes auditifs. Les réponses aux stimuli acoustiques réponses aux stimuli acoustiques ont été mesurées en utilisant des méthodes de potentiels évoqués auditifs (PEA). (PEA). Les réponses neurophysiologiques ont été obtenues à partir du cerveau en utilisant des tonalités entre 80 et 250 Hz, avec une meilleure sensibilité à 80-120 Hz. Aucune différence significative n’a été constatée entre les les seuils auditifs des hommes et des femmes. Des contrôles répétés (enregistrements de homards décédés, éloignement des électrodes du cerveau et du cerveau et réduction de la température de l’eau de mer) ont indiqué l’origine neuronale des potentiels évoqués. l’origine neuronale des potentiels évoqués. En outre, les réponses PEA étaient similaires avant et après l’ablation des antennes (y compris les statocystes), démontrant que les statocystes, une structure auditive proposée depuis longtemps chez les crustacés, ne sont pas les organes sensoriels responsables de la détection des détection des sons. Cependant, les PEA ont pu être éliminés (ou fortement réduit) après l’immobilisation des poils, qui couvrent une grande partie du corps des homards. homards. Ces résultats suggèrent que les poils cuticulaires externes sont probablement responsables de la détection des sons. Ces résultats suggèrent que ces poils cuticulaires externes sont probablement responsables de la détection des sons, et impliquent que l’audition est mécaniquement possible dans un plus grand nombre d’espèces. l’audition est mécaniquement possible dans un plus grand nombre d’invertébrés que d’invertébrés. Comme la gamme d’audition des homards englobe la fréquence fondamentale de leurs bourdonnements, il est probable qu’ils il est probable qu’ils utilisent le son pour la communication intraspécifique, élargissant ainsi compréhension de l’écologie sensorielle de cette espèce commercialement vitale. espèce commercialement vitale. La sensibilité acoustique à basse fréquence du homard souligne également souligne également des préoccupations claires concernant les impacts potentiels du bruit anthropique.

Fig. 5. Réponses AEP de H. americanus à des stimuli acoustiques similaires aux sons de bourdonnement qu’ils sont connus pour produire.
La figure montre les réponses AEP de trois homards (courbes bleue, violette et noire).

 

Référence

Youenn Jézéquel, Ian T. Jones, Julien Bonnel, Laurent Chauvaud, Jelle Atema, T. Aran Mooney.Sound detection by the American lobster (Homarus americanus). Journal of Experimental Biology 2021 224: jeb240747. doi: 10.1242/jeb.240747 Published 25 March 2021