Archive d’étiquettes pour : aquaculture

Patrick Le Chevalier, Maître de conférences en biochimie au LBCM-UBO Quimper

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Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

J’ai obtenu mon DEA de chimie marine en 1988. S’ensuit une pause sous les drapeaux, puis j’ai continué en thèse pour devenir docteur en 1994. J’ai travaillé sur l’étude d’enzymes digestives chez des invertébrés marins d’intérêt aquacole (crevettes et coquilles St Jacques). Ma thèse a été conduite au laboratoire de Biologie Marine du collège de France à Concarneau sous la houlette d’Alain Van Wormhoudt et Daniel Sellos. Durant ma thèse, j’ai fait un séjour  de 6 mois au Japon dans une école entièrement dédiée à l’aquaculture et aux biotechnologies aquacoles, école située à 200 km au nord de Sendai , School of Marine Biosciences, Kitasato University, Sanriku, Iwate 022-0101, Japan. C’est en septembre 1995 que j’ai été nommé MCF à l’IUT de Quimper après y avoir été ATER de 1994 à 1995 où j’ai enseigné la biochimie et ai mis en place des TP de biologie moléculaire. Les années 90 signaient le début du déclin de la pêche et donc la nécessité de développer l’aquaculture (cf FAO). La maîtrise du cycle de vie des animaux susceptibles d’être en élevage s’avérait une priorité dans de futurs enjeux économiques : la nutrition constitue un point clé en aquaculture. J’ai participé à un vaste projet diligenté par l’Ifremer ayant pour objet l’amélioration des performances de croissance d’animaux marins d’intérêt aquacole. Ainsi, afin de mieux comprendre les processus de digestion, j’ai isolé et caractérisé des enzymes et ai déterminé certains paramètres biochimiques et cinétiques. Puis j’ai déterminé la séquences de ces enzymes à partir de leurs ADNc respectifs. J’ai ainsi pu montrer que 50 % des messagers de l’hépatopancréas de crevette codait la chymotrypsine.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

J’ai fréquenté  4 laboratoires sur le site de Quimper : le Laboratoire Universitaire de Recherche en Agro-alimentaire de Quimper (LURAQ), le Laboratoire Universitaire de Microbiologie en Agro-alimentaire de Quimper (LUMAQ), le Laboratoire Universitaire de Biodiversité et Écologie Microbiennes ( LUBEM) et enfin le  Laboratoire de Biotechnologie et Chimie marines ( LBCM). Ce n’est que depuis 2015 que je suis officiellement à l’IUEM. Toutefois, de 1998 à 2010, j’ai travaillé avec une chercheuse de l’IUEM, Christine Paillard, sur la maladie de l’anneau brun (MAB). Les objectifs de nos recherches ciblaient d’une part l’identification de facteurs de virulence et d’autre part l’isolement de vibrions sur des espèces de palourdes pêchées dans l’archipel des Glénan, et notamment « la rose des Glénan ». Ainsi nous avons montré que la pathogénicité de la bactérie, Vibrio tapetis, responsable de la MAB impliquait un système complexe de sécrétion « type VI », et par ailleurs, nous avons isolé deux nouvelles souches de vibrion, l’une à partir de la « rose des Glénan », alias Tapes rhomboides et l’autre à la partir de la palourde « d’ivrogne »( appellation par les pêcheurs dragueurs), la dosine, Dosinia exoleta. Par ailleurs, cette dernière souche de vibrion fait l’objet d’un dépôt de brevet avec les collègues de l’IUEM.

Certes depuis 2015, je suis officiellement membre de l’IUEM, et outre ma collaboration avec Christine, j’ai également fait partie du staff encadrant plongée, action coordonnée par Gérard Thouzeau pour assurer la formation de plongeur scientifique du CNRS de 1996 à 2012.

Fort de tout cela, force est de constater que mon intégration à l’IUEM était une destinée inéluctable !!!

Que fais-tu à l’IUEM ?

J’assure l’enseignement de biochimie et de biologie moléculaire en BUT à l’IUT de Quimper pour les parcours BMB (biochimie médicale et biotechs) et SAB (sciences des aliments et biotechnologies). Par ailleurs, je suis directeur des études en BUT 1ère année. De 2012 à 2017, j’ai créé et géré le fonctionnement d’une licence professionnelle « Aquaculture et valorisation de produits aquacoles alias Aquaval » et bon nombre d’intervenants était des collègues de l’IUEM.

Mes activités de recherches actuelles visent à comprendre les relations « bénéfiques » hôte-microbiote (bactériote), dans le cadre de l’holobionte. Je travaille sur un groupe animalier fort singulier que sont les échinodermes. Mais le modèle d’étude phare reste l’holothurie, concombre de mer. Dernièrement, en décembre 2021, a été soutenue une thèse par Hélène Laguerre au LBCM-UBO : Microbiote des échinodermes : Spécificité et Plasticité des microbiotes chez l’holothurie. Ainsi, ses travaux de thèse ont mis en exergue la spécificité et la plasticité des microbiotes chez l’hôte H. forskali, mais également l’existence d’un core microbiote résidentiel composé de genres bactériens marins ubiquistes, jouant très probablement un rôle essentiel dans l’homéostasie. En parallèle de ses travaux réalisés en métagénomique, le microbiote cultivable a été « suivi » et des souches ont été isolées afin de constituer une souchothèque d’intérêt pour l’aquaculture. Parmi ces souches, 142 souches à activités antibactériennes ont été identifiées sur la base de leur ADNr 16S. Hélène a bénéficié d’un soutien de l’ED-SML via un contrat doctoral.

Et donc, l’un des objectifs de recherche du LBCM-UBO concerne l’utilisation de certaines bactéries autochtones en tant que futures probiotiques en aquaculture. Ainsi, nous avons au laboratoire plusieurs bactéries qui sont en phase de « preuve de concept » pour être utilisées en tant que futurs probiotiques en aquaculture.

Le dispositif SEA-EU va me permettre non seulement d’accueillir un master II européen en début de semestre 2024 sur le thème mentionné ci-dessus mais également de réaliser un projet exploratoire de recherche avec la Nord University de Bodø. En fait, j’ai renoué contact avec un collègue avec qui nous avions travaillé Christine paillard et moi dans le passé : Kjetil Kornes. Mon projet financé par Projects 2024 – SEA-EU-search@9 s’inscrit dans une logique d’utilisation de probiotiques en aquaculture et s’intitule “Probiotic treatment to enhance growth and gut health in Atlantic salmon ». Les expérimentations zootechniques seront conduites dans «  Aquaculture Division » à Nord University en 2024.

Par ailleurs, je suis membre du collège B au Conseil de l’IUEM depuis cette année.

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

Les dessous du Marion Dufresne

Marc Le Romancer, un collègue responsable du programme HOTVIR m’a sollicité en tant que plongeur scientifique pour effectuer des échantillonnages de sédiments, de gaz sur des sources hydrothermales à faible profondeur en terres et mers australes (TAAF) lors de deux campagnes de prélèvement (2009 et 2011). La rotation des iles sub-australes pour déposer matériels et personnels se fait avec le navire Marion Dufresne. Le périmètre d’action de chacun est défini par la mission pour laquelle il est recruté et uniquement pour cela. Décembre 2011 au large de l’Ile Amsterdam, panique à bord, le pacha du « Marduf » souhaite en urgence une inspection des arbres d’hélice du bateau avec une caméra. Et me voilà sur un fond de 4000m mais en immersion à 6 mètres à scruter les dessous du navire.

ADP !

Lors d’un colloque international, c’est le moment idoine pour demander aux congressistes étrangers d’apporter leur spécialité du pays : et donc pour la Norvège, du saumon ! Mais cela était sans compter un mouvement social de ADP alias Aéroport de Paris. Ainsi, nos camarades norvégiens se sont retrouvés démunis de leurs bagages et donc sans habit mais leurs valises pleines de saumon, valises encalminées dans un quelconque aéroport. Ce fut donc une opération shopping in Brest qui fut organisée en début de colloque. Les bagages odorants de nos camarades nordiques ne sont jamais arrivés à bon port (Brest) et ils les ont récupérés seulement quelques jours après leur retour en Norvège. Mais pas de souci, les assurances voyagistes nordiques sont très généreuses…

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

Janvier 2018, en compagnie de mon collègue et binôme plongeur Camille Jégou, nous effectuons une collecte d’holothuries à la pointe de Brézellec : temps gris maussade, beaucoup de particules en suspension, très légère houle, bref du purin mais qu’à cela ne tienne une visibilité de 50 cm est suffisante pour collecter nos animaux benthiques. Durant l’immersion, je sens la présence massive et protectrice de mon camarade, parfois même nos palmes s’entrechoquent. Bref après 30 minutes de ballotage à 15 m, je refais surface, récolte de concombre mer assurée, et vois mon camarade déséquipé sur les rochers de la falaise les yeux ébahis. A mes côtés, un Tursiops truncatus (dauphin), « a real big one » m’avait accompagné durant toute la plongée à mon insu…

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La plongée loisir, la profonde (deep diver).

As-tu une devise ?

Keep it super simple (KISS).

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Fanch Le Doze

Dominique Paul

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Patrick Le Chevalier / UBO

Frontier Forum Chine-Europe sur les progrès des sciences et technologies océaniques

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L’Académie chinoise des sciences (CAS) et l’Académie européenne des sciences (EurASc) ont organisé le Frontier Forum Chine-Europe sur les progrès des sciences et technologies océaniques les 28 et 29 septembre 2022 en association avec l’IUEM.

Résumé

Le deuxième Frontier Forum Chine-Europe s’est tenu dans le cadre de la décennie des Nations Unies pour l’océan au service du développement durable (2021-2030). Environ 300 participants y ont assisté. Vingt intervenants invités ont présenté des communications sur les actions climatiques basées sur l’océan, la gestion des Big Data, les jumeaux numériques de l’océan et l’océan côtier global. Ce Forum montre d’abord que l’océan offre de nombreuses possibilités (notamment les énergies renouvelables, le captage et le stockage du dioxyde de carbone et les émissions négatives de gaz carbonique) pour réduire les causes et les conséquences du changement climatique, à l’échelle mondiale et locale. Il met également en lumière les développements récents et spectaculaires de la technologie et des instruments d’observation de l’océan qui ont modifié notre capacité à visualiser l’ensemble de l’océan avec des « Big-Data » en termes de quantité et de qualité, qui constituent la pierre angulaire d’applications telles que l’interpolation optimale (IO) et l’intelligence artificielle (IA). Il démontre ensuite l’intérêt considérable et le large éventail d’efforts et d’intérêts internationaux pour faire avancer les jumeaux numériques de l’océan. Enfin, il illustre la puissance du concept émergent d’océan côtier global avec le développement de nombreux outils numériques pour aider les décideurs.

Recommandations : 1- soutenir la création d’IPOS (International Panel for Ocean Sustainability) dont le rôle est de fournir des conseils scientifiques consensuels aux décideurs et aux gouvernements  sur la durabilité des océans 2- organiser un 3ème Forum Frontière CAS – EurASc en Chine en 2024.

Synthetic report

Executive summary. The second China–Europe Frontier Forum on “Progress in Ocean Science and Technology” (FFPOST2) held on line on 28-29 September 2022 in the framework of the UN decade of Ocean Science for Sustainable Development (2021-2030). About 300 participants attended. Twenty invited speakers presented communications on ocean-based climate actions, Big data management, Digital Twins of the Ocean, and the Global Costal Ocean. This Forum first shows that the ocean offers numerous opportunities (including renewable energy, carbon dioxide capture and storage, and negative emissions) to reduce the causes and consequences of climate change, globally and locally. It also highlights the recent and spectacular developments of ocean observing technology and instrumentation that have changed our ability to view the entire ocean with « Big-Data » in terms of quantity and quality, which forms the base-stone of applications such as Optimal Interpolation (OI) and Artificial Intelligence (AI). It then demonstrates the tremendous interest and the wide range of international efforts and interest to push forward Digital Twins of the Ocean. Finally, it illustrates how powerful is the emerging Global Coastal Ocean concept with the development of many numeric tools as a help for decision-makers.

Recommendations: 1- to support the creation of IPOS (International Panel for Ocean Sustainability) the role of which is to provide consensus-based scientific advice to decision-makers and political processes on ocean sustainability. 2- to organize a 3rd CAS – EurASc Frontier Forum in China in 2024.

Major conclusions of the Frontier Forum:

Ocean-based climate actions, session chaired by Paul Tréguer (IUEM-UBO, France) and Jing Zhang (ECNU, China). Speakers: Jean-Pierre Gattuso (CNRS, France) and Nianzhi Jiao (Xiamen University, China). The ocean offers numerous opportunities (including renewable energy and carbon dioxide capture and storage) to reduce the causes and consequences of climate change, globally and locally. Ocean-related measures should not be considered as a substitute for climate mitigation on land or non ocean-based adaptation measures. Developing ideas of ocean solutions and persuade activities to adapt the climate variability needs joint efforts of different countries and to keep in mind the International Laws of Sea (e.g. High Seas). Any action will impact the society and life of millions of people from different parts of this world. Ocean science, observation, environmental monitoring and prediction are vital for evidence-based action to protect and sustainably manage the ocean. But there are still too many gaps in our knowledge of the ocean. Actions and solutions to the ocean health crisis depend on our level of knowledge, understanding and capacity to innovate. This is the reason why we support the creation of IPOS.  In this regard, the Monaco Ocean Week and the Xiamen Ocean Week could be good examples in practice, and the two could be linked as sister IPOS outreach.

Big data management for ocean science and technology, session chaired by Lionel Guidi (CNRS, France) and Huadong Guo (IRC of Big Data for Sustainable Developments Goals and AIRI/CAS, China). Speakers: Damien Eveillard (U. Nantes, France), Huadong Guo, Ketil Malde (U. Bergen, Norway), Xiaofeng Li (IO/CAS, China), Pierre Tandeo (IMT Atlantique, France), Ge Chen (Qingdao NLMST, China). With an explosion of data, the 21st century corresponds to a new step of the development of ocean science and technology. « Big-Data » is supported by the technology in ocean sciences. The recent developments of ocean observing technology and instrumentation have changed our ability to view the entire ocean with « Big-Data » in terms of quantity and quality, which forms the base-stone of applications, such as OI and AI. Regarding biology, recent progress in metagenomics has promoted a paradigm change to investigate microbial ecosystems. Environmental and metagenomic data can improve our understanding of biological processes such as carbon export. Using a model of extensive omics knowledge via constraint programming allows a definition of the ecological concept, such as the niche of organisms. Progress has been made regarding the big Earth data’s value and potential for applications in monitoring and evaluating the marine pollution, ocean acidification, marine ecosystem health management related to SDG 14. Regarding fisheries management we are now training and deploying deep learning models to automatically analyze data and identify species of interest from acoustics and images. Progress has been made regarding the coastal zone information retrieval from satellite synthetic aperture radar (SAR). The Google Cloud Platform allows large oceanographic data sets, coming from in situ and satellite reanalysis, as well as climate simulations coming from CMIP (Coupled Model Intercomparison Project). Novel and rigourous artificial intelligence (AI) methodologies are now employed to process and analyze ocean big data to improve our understanding of marine ecosystems.

Digital Twins of the Ocean component of the Digital Earth Initiatives: session chaired by Martin Visbeck (GEOMAR, Germany) and Dake Chen (SIO, China). Speakers: Martin Visbeck, Dake Chen, Pierre Bahurel (Mercator International, France), Fei Chai (Xiamen U., China), Isabel Susa Pinto (U. Porto, Portugal), Fangli Qiao (FIO, China). The presentations have demonstrated that there is tremendous interest and a wide range of international efforts and interest to push forward Digital Twins of the Ocean. DTOs are able to answer critical ‘What if’ questions and thus can help optimize societal interventions addressing global environmental human-ocean but also social challenges, e.g. pollution, sustainable fisheries, protection management. There is a lot of infrastructure already in place that can be used for creating DTOs (e.g. GOOS and IODE internationally, Copernicus EMODnet Blue Cloud at the EU level), focus must be placed on bringing together and harmonizing this data to create a comprehensive, user-friendly DTO application. A range of research institutes and government actions are supporting the implementation of DTOs. There is political momentum (UN Decade of Ocean Science for Sustainable Development, G7, One Ocean Summit and many more). However, fully entraining all actors including the private sector and lawmakers will need financial incentives to join DTO projects. To be noted: the next DITTO conference will be help in Xiamen in November 2023.

The Global Coastal Ocean: session chaired by Nadia Pinardi (UNIBO, Italy) and Nianzhi Jiao (Xiamen U., China). Speakers: Nadia Pinardi, Nianzhi Jiao, Joaquin Tintore (SOCIB, Spain), Sanzhong Li (OUC, China), Lorenzo Mentaschi (UNIBO, Italy), Yonglong Lv (Xiamen U., China). The UN Decade Program CoastPredict considers all coastal regions as an interface area. GOOS and CoastPredict will provide (1) accurate descriptions of the present state of the coastal oceans, (2) continuous forecasts of the future coastal ocean conditions, (3) basis for predictions of climate change impacts. The UN decade program Global Ocean Negative Carbon Emissions (Global-ONCE) based on integrated BCP-CCP-MCP mechanisms include land-ocean integrated management, artificial upwelling in aquaculture areas, and wastewater outflow alkalinity enhancement, which will provide demonstrations in representative environments. SOCIB (Balearic islands multi-platform observing a forecasting system) for the western Mediterranean seas aims to provide tools for decision support, products and services for ocean and climate change, ocean health, and real-time services. The geological carbon pump concept includes all geological time-scales (from weeks to hundreds of millions of year) processes on the Earth surface and in the Earth interior that cause organic or/and inorganic carbon dioxide sequestration. The ongoing climate change is expected to drive increasing extreme sea levels (ESLs) along our coasts. Coastal ecosystem health is of vital importance to human well-being. Field investigations of major pollutants (e.g. PFAAs, PPCPs, metals…) along the whole coast of China have been reported.

Acknowledgements: The conveners and participants thank the Earth Sciences Division of CAS, the Division of Earth and Environmental Sciences of EurASc, and the European Institute for Marine Studies (IUEM) of the University of Brest (UBO), for their support to organize this workshop.

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NASA

Xavier Divet / UBO

Contacts

Paul Tréguer / UBO

Jing Zhang

 

L’aquaculture, entre consommation mondiale et production locale

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Depuis quelques décennies et face à l’effondrement des stocks de pêche, les gouvernements et organisations internationales ont placé de nombreux espoirs dans le développement de l’aquaculture : progression de la compétitivité, augmentation durable des revenus, renforcement de la sécurité alimentaire.
En 2012, l’aquaculture a fourni 49% de la production mondiale totale du secteur « Pêches-Aquaculture », elle représente aujourd’hui plus de 30% de l’emploi de ce domaine. Cependant, au-delà d’une apparente réussite et d’une volonté politique générale de développement, elle peine à atteindre son plein potentiel et se voit remise en cause du fait d’impacts environnementaux toujours plus prégnants (pollution chimique, biologique et même visuelle) et de retombées socio-économiques discutables.
Entre les objectifs politiques, économiques et les attentes réelles des populations, le « fossé » se creuse ; l’aquaculture a largement focalisé son développement sur les défis techniques et biologiques (fig.1) mais bien moins sur les enjeux socio-économiques pour les populations concernées (cf. à titre d’ex. les efforts actuels qui tendent vers une intensification durable de la production aquacole), les retombées socio-économiques de ces activités en local restent souvent reléguées au regard des motivations commerciales, écologiques et technologiques.
Ainsi et dans de nombreux cas, le manque d’implication des populations et la faible prise en compte de leurs préoccupations dans les projets de développement du secteur aquacole aboutissent à des conflits sociaux parfois violents.

 

Figure 1. Aquaculture extensive ou intensive : 2 modèles de développement. A- Pêcheurs locaux récoltant des moules vertes en Thaïlande (photo : M. Vakily, WorldFish Center ; B- Collecteur automatisé de moules de ponton en Belgique (photo : W. Versluys).

Dans le monde, plusieurs zones de production aquacole ont connu des mouvements de protestation sociale : en Amérique latine et en Asie dans les années 1990, au Chili en 2012, et même en Norvège – pays phare de l’aquaculture intensive – où certains élus se sont fermement opposés au développement de cette activité, sur leur territoire. Ces conflits illustrent le décalage entre besoins socio-économiques, alimentaires et impacts ressentis par les populations vis-à-vis du développement de l’aquaculture. Le soulèvement de ces populations qui auraient dû en être les premiers bénéficiaires, souligne un important problème lors de l’élaboration des projets : leur manque d’intégration aux processus de planification. En effet, les parties prenantes concernées par l’aquaculture ne sont pas toujours correctement identifiées et, même lorsqu’elles le sont, leur intégration au processus de planification reste marginale. Juridiquement le rôle et les responsabilités des acteurs individuels et institutionnels sont rarement explicitement définis ; de plus les réglementations relatives à l’aquaculture ne sont pas regroupées et viennent s’insérer dans différents secteurs politiques : agriculture, pêche, gestion de l’eau…
Des mesures proactives encourageant la participation des populations à la prise de décisions pourraient contribuer à une meilleure acceptation du secteur aquacole et de sa gestion, avec des répercussions positives sur les collectivités. Cette nécessaire participation du public aux processus de décisions a été reconnue et formalisée au niveau international : communication de la commission européenne sur la Gouvernance en 2001 et déclaration de Phuket par la FAO en 2010…cependant ces déclarations demeurent vagues quant à la manière de mettre en œuvre cette intégration et de traiter concrètement des questions socio-économiques.

Un cadre analytique (fig. 2) est donc proposé pour guider au cas par cas les évaluations des dimensions sociales, économiques et écologiques de l’aquaculture. Il prône la mobilisation de données socio-économiques plus détaillées et spécifiques au contexte des opérations aquacoles, en termes d’emploi (revenus, mixité, etc.), de droits humains (sécurité alimentaire, protection juridique, culture et identité, etc.) et de marchés (pratiques commerciales, contexte micro et macro-économique, privatisation, etc.).
Afin de parvenir à un développement de l’aquaculture politiquement transparent et socialement légitime, ces facteurs devraient être pris en compte lors de la définition des objectifs politiques et de la mise en œuvre des mécanismes de gestion.

Une participation citoyenne à la décision est préconisée, via 4 étapes clés des projets :
1. En amont, par l’évaluation du contexte et des enjeux écologiques, socio-économiques et politiques du territoire concerné.
2. Lors du choix spécifique du système aquacole, en terme d’investissement, de mode de production et de productivité, de main d’œuvre, de commercialisation, etc.
3. Pendant la phase de production lors de l’évaluation intégrée des bénéfices (écologiques, socio-économiques et politiques).
4. Lors de la révision des projets ou de la mise en œuvre de mesures répondant aux problématiques identifiées durant les étapes précédentes.

Figure 2 – Analyse intégrée des systèmes aquacoles : approche en 4 étapes

Bien que les impacts sociaux de la réglementation restent difficiles à prévoir et évaluer, ce nouveau cadre d’analyse est conçu pour utiliser au mieux les données existantes, les avis d’experts et les outils scientifiques à la prise de décision. Il s’applique à de multiples échelles spatiales (des fermes aquacoles aux impacts globaux) et soutient la mise en œuvre, dans la pratique, d’une approche intégrée. A terme, ce cadre pourrait donc être généralisé à différents types de production aquacole dans divers écosystèmes et servir de catalyseur à la « révolution politique » en permettant une prise de décisions participatives au développement de l’aquaculture et en œuvrant à combler l’écart entre politiques et populations. Une prise en compte à niveau égal des questions écologiques, sociales et économiques dans l’élaboration des politiques aquacoles, s’avère nécessaire pour répondre correctement aux nouveaux enjeux de l’aquaculture ; elle devrait être encouragée et formalisée au travers d’institutions solides, dès les premiers pas des projets.

 

Médiation scientifique

Assurée par Clément Dupont, doctorant de l‘École Doctorale des Sciences de la Mer et du Littoral (EDSML – Université de Bretagne Occidentale), en 1ère année de thèse au sein du Laboratoire Littoral-Environnement-Télé-détection-Géomatique (LETG- UMR 6554).

L’article

A revolution without people? Closing the people-policy gap in aquaculture development. Krause G., Brugere C., Dietrich A., Ebeling M.W., Ferse Sebastian C.A., Mikkelsen E., Pérez Agúndez J.A., Stead S.M., Stybel N., Troell M. (2015), Aquaculture, 447, pp. 44-55. https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2015.02.009

Les auteurs

Ce travail résulte d’une collaboration entre 10 chercheurs issus de 11 laboratoires européens et d’1 laboratoire australien. Au niveau français, notons la contribution de l’UMR AMURE (Ifremer, UBO, CNRS), spécialisée en droit – économie de la mer et représentée par J.A. Pérez Agúndez dans cet article.

La revue

Aquaculture éditée par Elsevier, est une revue internationale, interdisciplinaire qui permet d’échanger sur les enjeux techniques, économiques, écologiques, sociaux et politiques de l’aquaculture.

Contacts

Auteurs : consulter l’annuaire de l’IUEM
Bibliothèque La Pérouse (BLP) : Suivi éditorial, rédaction, corrections et mise en page : Fanny Barbier
Service Communication : communication.iuem@univ-brest.fr

 

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Économie Appliquée

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Master SML

Économie Appliquée

Le Master est porté par deux laboratoires spécialisés dans les domaines de l’économie maritime (AMURE) et de l’économie agricole (SMART-LERECO),  traitant tous deux les dimensions filières, marchés, ressources, environnement et territoire. La formation est en lien avec l’ensemble des axes stratégiques des deux laboratoires qui mobilisent des chercheurs de cinq tutelles : UBO, l’Institut Agro Rennes-Angers, Ifremer, INRAE et CNRS, avec des localisations à Brest, Rennes, Nantes et Angers.


 

Le Master Économie Appliquée porte sur l’analyse de l’organisation et de la dynamique des secteurs agricoles et maritimes, des filières agro-alimentaires et des territoires côtiers dans une perspective d’exploitation durable des ressources et de gestion environnementale et des risques. Elle forme aux compétences requises pour répondre aux besoins des voies d’insertion professionnelle directe que sont les bureaux d’études, les structures professionnelles, les entreprises, des collectivités locales ou des services de l’État en matière d’analyse économique.


Parcours

Agriculture, Mer, Environnement

Ce Master est composé d’un parcours unique, intitulé Agriculture, Mer, Environnement (E2AME). Entièrement co-habilité avec Agrocampus-Ouest (campus Rennes), le master E2AME porte sur l’analyse économique des secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, des filières agro-alimentaires et de l’environnement marin et littoral, dans une perspective d’exploitation durable des ressources et de l’environnement.

Voir la fiche formation sur le catalogue officiel de l’UBO

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