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Eric Foulquier, Enseignant-chercheur au LETG-Brest

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Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

J’ai fait ma thèse au LETG à Nantes, qui s’appelait Géolittomer à l’époque. Elle portait sur les ports du Cône sud : « L’Uruguay et son insertion régionale : le rôle des ports dans la structuration du territoire ». Ce fut l’occasion d’un long séjour sur place, j’ai passé deux ans à l’Université de la République de Montevideo, à la Faculté des Sciences, la géographie étant considérée là-bas comme l’une des sciences de la nature. Ensuite, j’ai fait un postdoc au Brésil à l’Université fédérale de Rio pendant 8 mois. À l’époque, je travaillais surtout sur le volet politique, social et économique des activités portuaires et maritimes. En fait, j’essayais de mettre en évidence les implications des réformes de gouvernance, d’inspiration libérale, sur les communautés d’acteurs portuaires. Après la chute du mur de Berlin, des politiques dites « d’ajustements structurels » se sont appliquées sur l’ensemble des pays sud-américains, sous la houlette du FMI et de la Banque Mondiale. En cédant au secteur privé, la gestion des infrastructures de transport, il s’agissait d’apurer les dettes accumulées pendant la Guerre Froide. Ces réformes sont arrivées ensuite en Europe et notamment en France, en 2008, au début du mandat de Nicolas Sarkozy. Etudier ces processus m’a permis d’aborder la gouvernance sous l’angle de ceux qui les subissaient en premier en lieu, à savoir les entreprises et leurs salariés, mais aussi de distinguer les singularités portuaires qui en découlaient. Elles n’ont pas manqué en effet de construire des nouveaux rapports de force sur les quais et, à ce jeu-là, les places portuaires ne réagissent pas de manière uniforme. À chaque port, sa conflictualité en quelque sorte. Il s’agit d’identité, de trajectoire géo-historique spécifique au lieu. En 2003, je suis devenu Maître de conférences à l’Université d’Orléans et à partir de 2007, j’ai obtenu plusieurs financements dont un programme ANR sur les interactions entre gouvernance et conflictualité dans les espaces portuaires.

Sur les quais du Terminal fruitier de Bilbao

L’idée était d’objectiver la notion de conflit à travers des descripteurs, voire des métriques, pour essayer de savoir si la grève était bien la question centrale de la performance portuaire, et d’éclairer au contraire la diversité des formes conflictuelles à l’œuvre dans les ports. Ces travaux ont été publiés en 2014 : Gouverner les ports de commerce à l’heure libérale aux Editions du CNRS, dans lequel nous avons essayé, avec une équipe de collègues économistes, juristes, historiens et sociologues, de démontrer que la réalité des quotidiens portuaires dépassait largement la seule question sociale, dont la grève est certes la partie la plus médiatisée mais pas forcément la seule manière d’aborder le déficit de performance. De là, je me suis beaucoup intéressé à la façon dont les communautés d’acteurs, en premier les Unions Maritimes, qui rassemblent les acteurs économiques des places portuaires, participaient tout autant que l’Etat à l’animation de ces territoires.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

Je ne me voyais pas vivre toute ma vie au milieu de la Beauce car vivre sur une île au milieu des grains n’a pas vraiment de sens, lorsque l’on bosse sur les ports… Je préfère nettement les îles en milieu marin ! En 2008, j’ai réussi à obtenir une mutation sur l’UBO qui donnait l’opportunité de satisfaire ce projet professionnel  et m’offrait l’avantage de rester au LETG, laboratoire dont je suis membre depuis mon inscription en thèse en 1996. L’idée était de venir vivre au bord de la mer, en Bretagne. Je connaissais de fait déjà l’IUEM, notamment par les séminaires de doctorants et les AG de labo.

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je continue à travailler sur les questions liées au transport maritime, à la mondialisation selon une approche plutôt centrée sur les relations hommes et milieux. Je m’intéresse par exemple aux conteneurs abandonnés dans les espaces terrestres, notamment dans les îles.

Conteneur abandonné, Port Louis, Guadeloupe

D’une manière générale, j’aime bien les démarches orientées « objet ». La question de la circulation des objets, des matières, de la « camelote » comme on dit dans les ports, sont au cœur de la problématique de l’anthropocène. Tout ce qu’il y a dans nos assiettes et dans notre vie quotidienne passe à un moment donné ou à un autre dans des navires et dans des ports et ce, depuis plusieurs milliers d’années.

¼ de siècle au LETG m’a donné le temps de me familiariser avec les problématiques environnementales.

C’est aussi sans doute la raison pour laquelle mes recherches portent aujourd’hui assez nettement sur l’écologie portuaire et les relations entre le shipping et l’environnement, les questions de transition telles qu’elles se posent dans les ports de commerce, et le rôle qu’elles peuvent jouer ou non en la matière.

Je participe activement aux travaux de l’Observatoire Hommes-milieux (OHM) Littoral Caraïbe, dirigé par Pascal Lopez, directeur de recherche CNRS, micro-biologiste au laboratoire BOREA au MNHN. L’Observatoire s’intéresse à la façon dont les activités portuaires participent de l’anthropisation du littoral dans l’archipel guadeloupéen et dans les Antilles plus largement.

Avec mon collègue Iwan Le Berre, nous dirigeons actuellement le programme Transport maritime, fréquentation portuaire et inégalités environnementales dans les Caraïbes (TRAFIC, 2020-2023) financé par la Fondation de France. Il s’intéresse à la façon dont la circulation marchande dans les Caraïbes révèle ou non des inégalités environnementales et des questions de vulnérabilité portuaire ;  en effet, les ports ne choisissent pas la qualité des navires qu’ils accueillent. En ce sens, on peut les considérer comme « vulnérables », voire en « risque », face à la fréquentation « navires ».

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

En Guadeloupe, un des plats assez communs dans les restaurants est le Tataki, un thon mariné et mi-cuit servi avec de petits légumes locaux. C’est frais, c’est léger. J’étais accompagné d’un collègue qui aurait dû se méfier du profil japonisant de la recette car ce soir-là j’ai bien cru que j’allais le perdre quand il s’est retourné vers moi le visage rougi non pas par la chaleur des alizés mais par ce qu’il venait d’avaler. Il me dit : « Dis donc Eric, il est vachement fort le petit pois ! ». J’avoue que cela m’a surpris d’apprendre ce soir-là que le wasabi n’était pas encore arrivé jusqu’au Léon… Et c’est vrai que dans ce genre de situation, le Ti Punch de Père Labat à 59 degrés n’est pas le moyen le plus adéquat pour éteindre l’incendie…

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

Un des beaux souvenirs récent est d’avoir fait soutenir la 1ère thèse que j’ai co-encadrée avec Louis Brigand et Jean Boncoeur dans le cadre du projet ID-îles. Il s’agissait de la thèse de Marie Guingot : L’Ile, l’entreprise et le navire : étude de la desserte insulaire et des adaptations des entreprises du Ponant.

Cette semaine-là il y avait également deux autres soutenances en lien avec ce programme, c’était l’aboutissement de tout un travail collectif dans le cadre de ce programme sur le développement local dans les Îles du Ponant. C’est toujours émouvant de réaliser que nous avons réussi collectivement à produire des connaissances, et surtout de voir s’accomplir des trajectoires intellectuelles et de constater le chemin parcouru.

Un autre souvenir, plus personnel, est une mission réalisée dans la cadre d’un programme sur les frontières dans le Cône Sud, durant laquelle j’ai traversé tout le Paraguay sur la TransChaco à destination de la frontière bolivienne. Nous allions réaliser des entretiens dans les colonies mennonites, des immigrés allemands arrivés dans les années 30 pour peupler la région frontalière et assurer la légitimité paraguayenne dans cet espace. C’est là que la géographie rencontre l’histoire. C’était tout à fait impressionnant de constater le grand écart entre une communauté germanophone aux us et coutumes d’un autre temps, perdue au milieu de nulle part et la façon dont ils avaient pourtant réussi à implanter ici une industrie laitière agro-exportatrice des plus modernes et largement projetée dans la mondialisation. Lors de cette mission, nous avions également travaillé sur la filière agrumicole argentine, construite par les réfugiés pieds-noirs d’Algérie. Un numéro spécial  de la revue Géographie, Economie, Société a été publié sur ces questions, « l’Orange bleue ».

Quels sont tes centres d’intérêt ?

Le vélo, en ville et ailleurs, les lieux de mémoire et les vieilles choses qui racontent toujours une histoire, les chips et les bistrots, où l’on rencontre toute sorte de gens, surtout quand ils sont situés dans les ports. Il faut dire qu’à Douarnenez pour le coup, je suis un peu dans un « hotspot » !

As-tu une devise ?

Elle n’est pas de moi mais de Jean-Claude Suaudeau, l’entraîneur mythique du Grand Football Club de Nantes des années 90 : « Celui qui renonce à être meilleur cesse déjà d’être bon ».

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Christine Lamberts / CNRS

Eric Foulquier / UBO

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Eric Foulquier / UBO

Brest, port d’explorateurs

L’ouvrage collectif Découvrir le Monde -Brest, port d’explorateurs sous la direction de l’Institut français de la mer (IFM) sera disponible en librairies à partir du 9 octobre 2020.

Le livre

L’esprit d’aventures, la soif de connaissances et l’expérience des explorateurs, gens de mer et concepteurs de navires a engendré à Brest une culture maritime d’exception qui se conjugue au passé comme au futur. Voyage en images dans 3 siècles d’innovations.

L’exploration océanique nourrit le mythe de la conquête de nouveaux espaces vierges et de la compréhension de la Nature. Cette soif de découvrir, d’entreprendre est particulièrement vivace à Brest, port d’explorateurs et siège depuis Louis XV de l’illustre Académie de Marine. De la Cité du Ponant se sont élancées tant d’expéditions majeures, ouvrant des voies de circulation, reculant les limites de l’inconnu par la cartographie, l’hydrographie, ou les sciences du vivant.
Ce livre présente un voyage en images dans 3 siècles d’innovations, en partenariat avec les principales structures de cette histoire ininterrompue : archives de la Marine, Ifremer, Institut Polaire, Shom… Depuis Kerguelen relevant les côtes des antipodes jusqu’aux modernes câbliers d’Orange assurant les communications de demain, l’inventivité et l’expérience des scientifiques, des gens de mer au sens large et des concepteurs de navires ont permis de générer et faire fructifier à Brest une culture maritime innovante d’exception qui se nourrit du passé, irrigue le présent et éclaire le futur.
25 spécialistes et plus de 350 images et cartes apportent un éclairage original sur des expéditions qui se déclinent aujourd’hui dans les 4 dimensions : terrestre, spatiale, maritime et sous-marine. Elles offrent des perspectives pour que l’Homme s’adapte aux grands défis environnementaux, économiques et culturels, à l’heure des changements climatiques et des bouleversements associés.

Les auteurs

Le collectif est constitué de plus de 25 auteurs spécialistes de sujets maritimes : Chloé Batissou, journaliste ; Éric Berthou, peintre navigateur ; Jean-Yves Besselièvre, Musée de la Marine de Brest ; Alain Boulaire, Olivier Corre et Jean-Jacques Grall, historiens ; Gilles Chatry, archiviste Ifremer ; Anne Choquet, juriste ; Roland Jourdain, navigateur ; Xavier Laubie, Service Historique de la Défense ; Hervé Moulinier, Pôle Mer ;

Côté IUEM, Laurent Chauvaud, Éric Deslandes et Yves-Marie Paulet y ont participé.

Cet ouvrage est soutenu par la Ville de Brest, l’ENSTA, le Pôle mer, Ifremer, le Musée de la Marine, l’IPEV, Brest métropole, l’Ecole navale, le Conseil Régional de Bretagne, l’Académie de la Marine, le Service Historique de la Défense, Océanopolis, CCIMBO, Orange, Thales, la Mairie de Plougastel, Cervval, la Brest Business school…

 

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Ifremer

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Patrice Pellerin

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Yves-Marie Paulet / UBO