Archive d’étiquettes pour : circulation océanique

Bruno Blanke, Océanographe physicien au LOPS

Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

Je suis un ancien élève de l’École polytechnique. En dernière année, je me suis tourné vers l’environnement et ai choisi le corps de la météorologie. J’ai donc étudié 3 ans à Toulouse à l’École nationale de la météorologie. Puis, dans le cadre d’une formation par la recherche, j’ai fait une thèse en océanographie physique, au LODYC à Jussieu (Sorbonne Université), de 1989 à 1992, sous la direction de Pascale Delecluse. Ma thèse portait sur la modélisation de la couche de mélange, dans l’Océan atlantique tropical. Il s’agissait de mieux représenter la couche de surface de l’océan et plus généralement la dynamique océanique, en réponse aux interactions air-mer. J’ai ainsi participé à l’amélioration du modèle communautaire OPA Nemo. Vu que Météo-France ne me destinait pas à un métier d’océanographe, je me suis présenté au concours de chargé de recherche du CNRS en 1992, que j’ai réussi. Je suis donc passé du statut d’ingénieur de la météorologie à celui de chargé de recherche, d’abord en détachement, puis par intégration définitive au CNRS. J’ai été recruté au LODYC, qui plus tard est devenu le LOCEAN (laboratoire d’océanographie et du climat : Expérimentations et approches numériques). En même temps, je négociais un postdoctorat aux USA à l’Université de Californie à Los Angeles. J’y ai travaillé 2 ans avec J. David Neelin sur la modélisation d’El Niño. En septembre 1994, je suis revenu au LODYC pour une prise de fonction effective au CNRS. En septembre 1995, avec mon épouse et notre petite fille, nous sommes arrivés à Brest, et j’ai été affecté au LOPS (anciennement LPO) sur le site de la Faculté de sciences et techniques au Bouguen jusqu’en 2016.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

En fait, c’est l’IUEM qui est venu à moi puisque j’étais déjà à Brest quand le LPO a intégré l’IUEM ! Sabrina et moi avions choisi le LPO pour des raisons familiales, et aussi pour la qualité des recherches menées au sein de ce laboratoire.

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je suis un chercheur et mon activité s’organise autour de la description lagrangienne de la circulation océanique. L’idée est d’utiliser les sorties des modèles d’océan, plus particulièrement les courants, et d’y faire voyager des particules numériques. J’ai conçu un outil, Ariane, qui se retrouve à la base d’environ 80% de ma recherche et de mes publications. L’outil est particulièrement adapté pour suivre les masses d’eau dans l’océan, étudier d’où elles viennent et comment elles se transforment. Les applications les plus récentes concernent les déplacements des microplastiques dans l’océan. Sous l’impulsion de Nicolas Grima, l’ingénieur qui développe Ariane avec moi, nous avons récemment achevé une formation vidéo avec le SIAME, et le résultat sera disponible prochainement sur le site d’ISblue.

De 2008 à 2013, j’ai été Directeur adjoint du LPO auprès de Claude Roy. De 2016 (l’année ou le LPO a rejoint physiquement l’IUEM) à 2020, j’ai été Directeur adjoint scientifique (DAS) du domaine Océan-Atmosphère de l’INSU. Cette dernière responsabilité ne m’a pas permis d’être trop en contact avec mon labo, mais l’outil Ariane est resté le fil conducteur de ma recherche. Cette période fut très enrichissante : j’ai appris énormément sur l’organisation du CNRS, le fonctionnement des labos, les recrutements…

À ma demande, en 2021, j’ai conservé des missions au service du collectif sur Paris, avec la mise en œuvre de la politique de site du CNRS avec Sorbonne Université. L’idée est pour le CNRS de créer de la confiance et de coconstruire une stratégie de recherche avec ses partenaires universitaires, par exemple autour des grands appels à projets du PIA, surtout quand ceux-ci ne sont ouverts qu’aux universités. Je suis ainsi Adjoint au directeur scientifique référent (ADSR) pour Sorbonne Université, plus particulièrement pour sa Faculté des sciences et ingénierie (ex-Paris 6). Dans le cadre de mes fonctions, je me rends donc souvent à Jussieu, pour consolider les liens entre le CNRS et l’université.

Depuis l’été dernier, je suis membre du Conseil scientifique interne de l’IUEM, et la direction de l’Institut m’a proposé d’en prendre la présidence en septembre 2022. Une de mes premières actions a été de rencontrer chaque membre du CS, pour mieux comprendre et m’approprier les différentes facettes scientifiques de l’IUEM. Les missions du CS sont de répondre aux demandes que nous transmet la direction, de préparer et d’instruire plusieurs appels à projets, d’impulser des actions d’animation et de travailler sur la prospective de l’IUEM.

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

J’ai participé au documentaire Voyage au centre de la mer sur Arte réalisé par Marc Jampolsky et coproduit avec Radio Canada. Sa trame était le voyage d’une particule à travers les océans, avec des interviews de scientifiques aux points clefs de sa trajectoire, par exemple les systèmes d’upwelling de bord Est, la glace de mer en Arctique, la circulation de l’Océan austral, les tourbillons océaniques… Mes interventions constituaient le fil rouge du documentaire, et l’équipe du tournage voulait me filmer dans mon bureau. Mais le site du Bouguen ne les satisfaisait pas : ils souhaitaient une vue sur mer… Nous sommes donc allés sur la partie Ifremer du laboratoire. Mais, comme le LPO occupait le rez-de-chaussée du bâtiment Freycinet, il n’y avait pas non plus la vue souhaitée… Finalement, Pierre-Marie Sarradin m’a gentiment prêté son bureau (situé à l’étage d’un autre laboratoire Ifremer) le temps du tournage. Nous avons donc vraiment fait du cinéma, et j’ai tenu un rôle d’acteur dans un décor monté de toutes pièces…

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

J’ai eu la chance, en tant que DAS, de faire des visites de labos à Takuvik au Québec, sur l’île de la Réunion ou encore à Buenos Aires en Argentine. Lors de ces visites, j’ai pu apprécier l’implication de tous les agents qui, malgré les distances géographiques qui les séparent de la métropole, avaient toujours à cœur de présenter le meilleur de leurs activités et de souligner l’intérêt du partenariat avec le CNRS.

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La randonnée ; c’est ce qui me passionne ici dans le Finistère et occupe une grande partie de mon temps libre.

As-tu une devise ?

Et vogue la galère !

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Sabrina Speich

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Bruno Blanke / CNRS

Sally Close, Enseignante-chercheuse en océanographie physique au LOPS

Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

J’ai fait ma thèse sur la variabilité des masses d’eau dans l’océan Austral à partir des observations des données Argo et des capteurs sur les éléphants de mer au National Oceanography Centre (NOC) à Southampton. J’ai étudié les impacts du changement climatique dans cette région. J’ai eu l’occasion de participer à une campagne en Antarctique pendant ma thèse. Ensuite, j’ai réalisé un postdoc en Belgique à l’Université catholique de Louvain pendant deux ans. Je travaillais sur la glace de mer en Antarctique pour comprendre sa variabilité décennale : Quelles sont les sensibilités à long terme de la glace de mer. Mon 2ème postdoc, de trois ans ½, s’est déroulé à Paris  au LOCEAN à l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) à Sorbonne Université (anciennement UPMC). J’ai examiné les glaces de mer en Arctique à l’aide d’observations. Il s’agissait de décrire l’impact de l’atmosphère sur la variabilité récente de la glace de mer. Ensuite, j’ai effectué un 3ème postdoc à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE) de Grenoble dans l’équipe MEOM au cours duquel j’ai un peu changé de sujet de recherche. Nous analysions un ensemble de 50 simulations, en changeant uniquement les conditions initiales du modèle, ce qui permet une meilleure vision des états possibles depuis les 50 dernières années. Ainsi, ces modèles permettent de mieux interpréter les observations pour comprendre les impacts du changement climatique, par exemple.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

Suite à un concours de maître de conférences, j’ai intégré le LOPS, et donc naturellement l’IUEM.

Que fais-tu à l’IUEM ?

Côté enseignement, je participe à la formation des M1 et M2 en océanographie physique au sein du Master Marine Sciences sur une variété de sujets : analyse des données jusqu’à la circulation générale de l’océan. En M2, j’interviens aussi en particulier sur le parcours de sciences de données océaniques, il s’agit d’une coopération entre l’UBO, l’IMT Atlantique et l’ENSTA Bretagne.

J’enseigne aussi en licence, surtout en L1, dans le département de physique de l’UBO.

Côté recherche, je suis dans la continuité de ce que je faisais à Grenoble. Je participe actuellement à un projet qui s’appelle IMHOTEP dont le but est de mieux comprendre les impacts de la variabilité interannuelle des débits fluviaux et de la fonte du Groenland sur la circulation océanique. Je travaille sur des estimations statistiques qui devraient nous permettre de mieux interpréter les simulations qui ont été produites dans le cadre du projet. Une partie de la variabilité océanique est aléatoire : mon objectif est de mieux décrire puis d’atténuer l’amplitude de cette partie pour pouvoir mieux détecter l’influence des changements d’eau douce dans ces simulations.

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

La campagne à laquelle j’ai participé pendant ma thèse était dans le passage de Drake. C’est une région où il y a souvent des tempêtes, parfois assez violentes. Un jour, on a appris qu’il y avait une dépression atmosphérique impressionnante à l’approche. Finalement, quand elle est arrivée, la pression a tellement chuté que l’enregistreur de pression n’a pas pu le supporter : le stylo a sauté en arrivant au fond du tambour. Mais la tempête n’a pas été particulièrement remarquable finalement !

Quel ton plus beau souvenir de boulot ?

Mes premières expériences d’enseignement. Je me souviens que dans le cadre d’un TD en 2ème ou 3ème année de thèse, j’ai été ravie de me sentir utile.

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La randonnée.

As-tu une devise ?

« What’s for you won’t go by you », Dicton du nord de l’Angleterre.

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Gurvan Cloarec

Sally Close / UBO

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Sally Close / UBO

 

 

 

Virginie Thierry, Océanographe physicienne Ifremer au LOPS

Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

Je suis diplômée de l’Ecole nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (ENSMA) en mécanique des fluides. J’ai obtenu ma thèse à Ifremer en 2000 sur l’étude de la propagation d’ondes équatoriales dans l’Atlantique à partir d’observation. Les ondes permettent de propager sur de grandes distances l’énergie apportée à l’océan par des forçages extérieurs. Pendant ma thèse, j’ai étudié comment des ondes forcées en surface par le vent se propagent en profondeur et mettent en mouvement l’océan au-delà de 2000m de profondeur.

Ensuite, j’ai fait un Postdoc à la SCRIPPS Institution of Oceanography. Je travaillais toujours sur la dynamique des ondes équatoriales mais dans le Pacifique. Cette fois, mon étude était basée sur un  modèle numérique représentatif de l’état de l’océan.

Observer, comprendre et modéliser, a toujours été au cœur de mon activité de recherche. C’est ce que j’ai fait pendant ma thèse et  mon post-doc et que j’ai poursuivi à Ifremer après mon recrutement en 2002 en tant que cadre de recherche. Cette approche est indispensable à l’heure actuelle pour évaluer et anticiper la réponse de l’océan au changement climatique.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

J’ai choisi le LPO (LOPS) car je voulais devenir océanographe et continuer mon activité de recherche sur la physique des océans ; ce qui correspondait à mon expérience, à mes études et à mes souhaits en terme de carrière. L’environnement de travail était aussi très favorable car l’IUEM est l’un des meilleurs centres français d’océanographie. Le LPO offrait aussi une opportunité d’être une océanographe aux pieds mouillés comme je rêvais d’être et donc de participer, voire même de monter des campagnes en mer et faire des observations sur le terrain.

La proximité de la mer est aussi un élément déterminant.

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je suis chercheure en océanographie physique et travaille sur la dynamique du  gyre subpolaire de l’Océan Atlantique Nord. Mon activité est essentiellement basée sur l’analyse de données in situ, issues de campagnes océanographiques notamment. J’ai été chef de mission en 2015 et 2017 de deux campagnes du projet RREX pour étudier l’impact de la ride de Reykjanes (une montagne sous-marine au sud de l’Islande), sur les courants marins entre la surface et le fond.

Je travaille aussi à partir des flotteurs ARGO et suis fortement impliquée dans la contribution française à ce programme au niveau européen et international. Argo est un réseau de 4000 instruments autonomes qui mesurent la température et la salinité jusqu’à 2000 m de profondeur. Je contribue à l’extension de ce réseau vers des mesures de l’oxygène dissous et vers des mesures au-delà de 2000 m. Je suis d’ailleurs responsable du projet Argo-2030 retenu suite à l’Appel d’Offre pour les Equipements Structurants pour la Recherche (ESR/Equipex+) dont un des objectifs est de mener une expérience pilote avec des flotteurs Argo pouvant descendre jusqu’à 6000 m. Ce projet s’inscrit dans la continuité de l’Equipex Naos.

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

Les campagnes en mer sont assez rudes, notamment les campagnes RREX au sud de l’Islande au cours desquelles nous ne voyions ni bateau ni côte pendant 1 mois. En 2015,  nous étions dans un brouillard permanent avec une température de 6°C dans l’eau et dans l’air. Quand nous nous sommes rapprochés des côtes d’Islande, nous nous sommes accordés une partie de pêche à la morue que nous avons mangée sur le bateau. C’était un petit moment de grâce apprécié par tous.

J’étais au village des sciences pendant les fêtes maritimes de Brest 2016 et j’ai vu François Hollande y faire un bain de foule. J’ai même une photo avec lui. Merci le village des sciences ! Ce n’est pas tous les jours qu’on est photographié avec un Président de la République.

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

Ce sont les campagnes en mer. C’est dur mais il y a une intensité professionnelle et humaine très forte que l’on ne retrouve pas ailleurs. Et puis c’est le cœur de notre métier.  Les trois campagnes pour lesquelles j’étais chef de mission, pour des raisons différentes, font partie de mes plus beaux souvenirs de boulot.

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La mer fait partie de mon ADN. J’aime les activités en lien avec la mer : surf et voile.

J’aime aussi les randonnées en montagne, la force de la nature.

 

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Stéphane Lesbats / Ifremer

Ifremer – Campagne RREX

 

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Virginie Thierry / Ifremer

 

Plastiques à la dérive : itinéraire d’une particule

Tous les ans, 8 à 10 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversés dans les océans. De faible densité, ces détritus dérivent au gré des courants et s’accumulent partiellement à la surface des eaux. Des simulations numériques permettent de mieux comprendre leur cheminement au sein des bassins océaniques et d’appréhender ce problème majeur de pollution. Environ 150 millions de tonnes de débris plastiques [1] convergent vers cinq zones principales d’accumulation au nord et au sud de chaque grand bassin océanique (cf. fig. 1) ; la zone d’accumulation du Pacifique Nord représenterait six fois la taille de la France. Ces déchets, essentiellement des micro plastiques de moins de 5 mm, constituent une véritable menace tant pour la santé des écosystèmes marins que pour celle des hommes [1, 2] .

Figure 1 (extraite de Cozar et al., 2014) : Concentrations des débris plastiques à la surface des océans, mesurées au cours de différentes expéditions scientifiques. Les zones grises délimitent les zones d’accumulation prédites par simulation (Maximenko et al., 2012).

Pour réussir à contrôler cette pollution, il est nécessaire de comprendre l’itinéraire et le devenir des déchets. Dans cette optique, les scientifiques entreprennent de déterminer leur trajectoire en utilisant notamment, la cartographie des courants marins qui résultent majoritairement de deux phénomènes distincts :

  • les vents et la force de Coriolis influent sur les courants de surface (également appelés « courants d’Ekman ») dont la puissance et la direction varient rapidement.
  • la circulation thermohaline engendre des courants profonds ; la différence de température (thermo) et de salinité (haline) entre certaines masses d’eau génère des variations de densité : une masse d’eau froide salée sera en effet plus dense qu’une masse d’eau plus chaude, moins salée et plongera davantage en profondeur [4].

Actuellement, la circulation océanique est principalement analysée via le suivi de mesures in situ (bouées, satellites, etc.) et par modélisation numérique. Les outils de simulation présentés dans cet article, ont permis d’étudier la trajectoire de particules numériques à la surface des océans durant une trentaine d’années (1985 – 2013), durée qui paraît suffisante pour décrire les caractéristiques des zones de convergence des débris en surface. Ainsi, une répartition initiale, homogène et constante de l’ordre d’un million de particules numériques a été considérée, chaque particule a été positionnée au centre d’une maille composant la grille du modèle et recouvrant toute la surface océanique du globe. La trajectoire de chaque particule a ensuite été calculée, jour après jour en prenant en compte les courants océaniques à 0,5 m de profondeur (via un modèle de référence intitulé C-GLORSv5, extérieur à l’étude) et les variations énergétiques induites par la présence de tourbillons de méso-échelle (équivalent océanique des dépressions dans l’atmosphère). Dans cette modélisation les particules ne coulent pas vers les profondeurs, reproduisant ainsi la flottabilité des plastiques liée à leur faible densité.

Figure 2 : Concentration en particules à la surface du globe après 1, 3 et 26 ans de simulation. Les rectangles bleus montrent les zones d’accumulation et les points bleus correspondent au centre de masse des particules présentes dans les zones définies par les rectangles. 

Ces résultats (cf. fig. 2) mettent en évidence l’éloignement très rapide des particules de l’équateur (celui-ci se comporte comme une zone de divergence) : au bout de trois ans, 75 % des particules sont situées hors de la région tropicale comprise entre 15°N et 15°S. Elles commencent ainsi à s’accumuler très rapidement à l’intérieur des grands bassins océaniques, principalement sous l’action des courants liés aux vents. Après une simulation de dérive des particules sur 10 années, celles-ci apparaissent principalement réparties dans cinq zones de convergences, très stables dont la localisation ainsi que la concentration en particules n’évoluent plus que peu, même au bout des 29 années de simulation. La grande majorité des particules se répartissent dans l’une de ces zones d’accumulation mais certaines cependant, restent en Atlantique nord subpolaire ou empruntent une voie de liaison de plus de 8000 km qui connecte le sud de l’Océan Indien au sud de l’Océan Pacifique via la Grande Baie australienne et la mer de Tasman ; la concentration en particules y apparaît permanente et stable dès 15 ans de simulation.

Ces résultats tendent donc à montrer que les zones subtropicales de convergence peuvent communiquer et ne doivent donc pas être considérées comme fermées et isolées. Par ailleurs il semblerait que, contrairement aux zones d’accumulation, cette voie de liaison n’est pas uniquement créée par les courants de surface générés par le vent (courants d’Ekman), mais également par une variabilité énergétique induite par la présence des tourbillons de méso-échelle. Cette variabilité n’est pas toujours prise en compte dans les modèles actuels de dispersion de débris flottants alors qu’elle pourrait y jouer un rôle important.

Les simulations numériques sont d’une grande aide pour étudier la dispersion des particules flottantes à une échelle globale. Elles permettent notamment d’éviter certains biais causés par l’utilisation de flotteurs dérivants, biais liés en particulier au nombre (nécessairement) limité de bouées et au fait que leur trajectoire dépend fortement de leur point de départ. Cette méthode comporte aussi ses limites, notamment vis-à-vis de nos connaissances sur les puits et sources de plastiques dans l’Océan. Par exemple, quelle est la part de débris qui s’échouent sur les plages ou qui coulent en profondeur ?

Ainsi, la variabilité énergétique induite par la présence de tourbillons devrait être prise systématiquement en compte dans les futures simulations de dérive des plastiques, puisqu’elle permet de montrer et d’expliquer la présence d’une voie de liaison entre les zones d’accumulations au sud de l’Océan Pacifique et de l’Océan Indien. A l’heure actuelle, les auteurs continuent d’améliorer leur compréhension de ces circulations de surface et essaient maintenant de prendre en considération les courants induits par les vagues (dérive de Stokes) qui permettront d’affiner encore ce modèle.

Médiation scientifique:

Assurée par Marion Urvoy, doctorante de l’Ecole Doctorale des Sciences de la Mer et du Littoral (EDSML – Université de Bretagne Occidentale), en 1ère année de thèse au Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin (LEMAR) à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) et au laboratoire Pelagos, unité Dynamique des Ecosystèmes côtiers (DYNECO) à l‘Ifremer

L’article

Maes, C., Grima, N., Blanke, B., Martinez, E., Paviet-Salomon, T., & Huck, T. (2018). A surface “superconvergence” pathway connecting the South Indian Ocean to the subtropical South Pacific gyre. Geophysical Research Letters, 45, 1915–1922.

https://doi.org/10.1002/2017GL076366

Les auteurs

Tous les auteurs sont affiliés au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS), situé à Plouzané. E. Martinez est également affilié à l’UMR 241 – Ecosystèmes Insulaires Océaniens (Tahiti). T. Paviet-Salomon, de l’ENSTA Bretagne, a réalisé une partie de son stage de fin d’étude de master 2 sur cette thématique.

La revue

La revue internationale « Geophysical Research Letters » est publiée par l’Union Américaine de Géophysique (AGU) depuis 1974. Son objectif est de permettre la publication de rapports concis, à  fort impact et nécessitant une grande visibilité sur tous les domaines liés aux géosciences.

Bibliographie

[1] Fondation Ellen MacArthur (2016), « Pour une nouvelle économie des plastiques »

[2] Audrey Garric (9 mai 2012), « Le 7ème continent de plastique : ces tourbillons de déchets dans les océans ».

[3] Cozar et al. (2014), « Plastic debris in the open ocean ». PNAS 111(28):10239-44

[4] Muséum d’Histoire Naturelles, « Pourquoi étudier les courants océaniques ? ».

[5] Maximenko et al. (2012), « Pathways of marine debris derived from trajectories of Lagrangian drifters. » Mar Pollut Bull 65(1–3):51–62.

Contacts

Auteurs : consulter l’annuaire de l’IUEM

Bibliothèque La Pérouse : Suivi éditorial, rédaction, corrections et mise en page : Fanny Barbier

Service Communication et médiation scientifique : communication.iuem@univ-brest.fr

Repère : La circulation océanique

Dans l’océan, il existe une circulation rapide de surface, engendrée par les vents, et une circulation large et plus lente, due en majeure partie à la densité de l’eau.

La direction des courants de surface est également influencée par la force de Coriolis due à la rotation de la Terre. Dans l’hémisphère Nord, ils dévient vers la droite alors qu’ils dévient en sens inverse dans l’hémisphère Sud. Ces courants sont à l’origine des tourbillons océaniques.

Le Gulf Stream est le plus important courant de surface de l’Atlantique nord. Il transporte les eaux chaudes des Caraïbes vers le nord et adoucit ainsi le climat de l’Europe du Nord.

Les courants profonds sont influencés par la densité de l’eau. L’eau plus dense plonge dans les profondeurs alors que l’eau moins dense remonte à la surface. La densité dépend de la température et de la salinité de l’océan. L’eau salée est plus dense que l’eau douce et l’eau froide plus dense que l’eau chaude. Cette circulation de l’eau liée à la fois à la température et à la salinité est aussi appelée circulation thermohaline.

Les différences de densité créent un mélange des masses d’eau en profondeur appelé convection. Cette convection profonde océanique est un des moteurs de la circulation thermohaline. Celle-ci fonctionne comme un grand « tapis roulant « et effectue le tour des océans de la planète en un peu moins de mille ans. Elle redistribue la chaleur entre les zones polaires et équatoriales, avec une forte influence sur le climat mondial.

La circulation océanique et son rôle dans le transport et la redistribution de l’énergie

La circulation océanique redistribue la chaleur en réchauffant le climat de certaines régions ou en baissant les températures d’autres régions. Elle permet également d’enfouir du CO2 présent dans l’atmosphère au fond des océans. Mais ces phénomènes risquent d’être affectés par le réchauffement de climatique.

Il reste encore beaucoup de choses à comprendre sur les interactions entre la circulation océanique et le climat. Les principaux défis des chercheurs sont donc d’amplifier l’observation de l’océan, d’améliorer la compréhension des processus qui sont à l’œuvre et de développer des modèles numériques permettant de reproduire la circulation océanique afin d’aboutir à des projections climatiques plus précises pour le futur.

Le projet OVIDE : observer l’océan pour mieux le comprendre

La 9ème mission OVIDE est partie le 13 juin 2018 de Brest pour sillonner l’Atlantique nord. Des chercheurs du laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS) et des chercheurs de l’Institut de recherche marine de Vigo en Espagne effectuent des mesures (pression, température, salinité ou encore pH) du Portugal au Groenland tous les deux ans, depuis 2002, pour étudier la masse d’eau et la structure des courants océaniques. Il s’agit d’établir une série temporelle et d’identifier les anomalies de température. Objectif : surveiller la température et la salinité des eaux à différents endroits de l’Atlantique nord, comprendre la variabilité de la circulation thermohaline (en grec, thermos signifie la température, et halos le sel) et étudier le stockage du CO2 dans l’océan. Ce phénomène de stockage constitue la pompe physique de carbone, qui entraîne les eaux de surface chargées en CO2 dissous vers les couches plus profondes où il se trouve isolé de l’atmosphère.

Le 12 février 2018, un article, publié dans Nature par des chercheurs du LOPS, a mis en avant une augmentation de la convection profonde et de l’acidification des océans au niveau de l’Atlantique Nord. Les chercheurs ont remarqué que, depuis 2014, les eaux de surface chargées en CO2 à cause des rejets dus aux activités humaines pénétraient davantage en profondeur, ce qui a un impact sur l’acidification des océans et la survie d’organismes marins calcificateurs tels que les coraux. Il s’agit d’une anomalie entre ce qui est observé et ce qui est projeté par les modèles climatiques. Ces derniers prévoient, au contraire, que l’augmentation des précipitations et la fonte des glaces du Groenland apporteront une quantité croissante d’eau douce dans l’Atlantique Nord provoquant ainsi un ralentissement de la circulation thermohaline. La campagne de juin-juillet 2018 permet de continuer à suivre cette évolution.

Meridional overturning circulation conveys fast acidification to the deep Atlantic Ocean. F. Perez, Fiz & Fontela, Marcos & García-Ibáñez, Maribel & Mercier, Herlé & Velo, Anton & Lherminier, Pascale & Zunino, Patricia & de la Paz, Mercedes & Alonso-Pérez, Fernando & F. Guallart, Elisa & Padin, X. (2018). Nature. 554. 10.1038/nature25493. Contact : herle.mercier@ifremer.fr

Le programme Argo révolutionne l’observation de l’océan

Depuis les années 2000, le programme Argo scrute l’océan via des flotteurs profileurs qui dérivent dans tous les océans du monde. Il y en a aujourd’hui plus de 4000, qui réalisent des mesures de salinité, de température, de pression ou encore de chlorophylle depuis la surface jusqu’à 2km de profondeur. En changeant leur volume, ces robots remontent à la surface tous les 10 jours et effectuent des mesures qu’ils transmettent ensuite par satellite. Avant cela, les données étaient très sporadiques ce qui ne permettait pas d’expliquer le cycle saisonnier de l’océan.

Le programme Argo répond à un besoin fondamental : comprendre la variabilité de l’océan et ses causes en interaction avec l’atmosphère car l’océan intègre le changement de l’atmosphère sur le long terme. Il stocke la chaleur, le carbone et l’eau douce. Les mesures réalisées dans le cadre d’Argo permettent d’étudier cette capacité de stockage et de suivre son évolution. Contrairement aux satellites, Argo permet également d’étudier l’océan en trois dimensions, c’est-à-dire également en profondeur. Le traitement des données montre une augmentation de la quantité de chaleur dans l’océan global sur les dernières années, une chaleur principalement stockée dans les couches de surface de l’océan.

Argo est un exemple de coopération scientifique puisque plus de 30 pays contribuent au réseau en déployant chaque année des flotteurs. Les données récoltées sont partagées entre les chercheurs de tous les pays du monde. Des mesures biogéochimiques ont été ajoutées afin d’étudier les écosystèmes des océans. Par ailleurs, le défi pour les dix prochaines années est d’en savoir plus sur l’océan profond car Argo n’étudie pour l’instant que la moitié du volume de l’océan. Des flotteurs résistant à de fortes pressions et permettant de descendre jusqu’à 4000-6000m de profondeur sont actuellement testés.

Site web : https://www.argo-france.fr ; Contact : nicolas.kolodziejczyk@univ-brest.fr

Etudier les tourbillons océaniques, pour améliorer les projections climatiques

Si la circulation océanique semble à première vue s’écouler lentement, effectuant peu à peu le tour de la planète, les choses sont en réalité un peu plus compliquées. L’océan est soumis à des turbulences dont de nombreux mystères restent encore à percer. Les tourbillons jouent un rôle crucial dans la dynamique naturelle de l’océan mais sont encore peu connus. Ils contiennent 70% de l’énergie des océans et participent au transport de chaleur et de masse. Leur échelle est variable selon la latitude, ou encore selon les saisons. Certaines structures peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres et durer pendant des mois alors que les plus petites ne sont larges que de 30 à 100 km. Ce sont ces dernières qui sont pourtant les plus énergétiques.

Les modèles de climats utilisés actuellement ne sont pas capables d’intégrer les phénomènes de tourbillons océaniques, surtout ceux de moyennes ou de petites échelles. Ils décrivent donc des courants moyens mais négligent toutes les fluctuations aux alentours. Pourtant, lorsque l’on parvient à incorporer les tourbillons dans les projections, en utilisant par exemple des modèles simulant des climats régionaux, on constate que l’océan devient très actif et que cela génère des variations sur des mois voire sur des dizaines d’années. Prendre en compte les tourbillons dans les modèles, voir quels sont les impacts sur le climat et comparer avec ce qui est réellement observé est un des enjeux du travail réalisé par les chercheurs du LOPS. Développer des modèles numériques plus précis permettra d’améliorer les projections océaniques et donc les modèles climatiques qui tentent de prévoir le réchauffement climatique global pour les prochaines années.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», thierry.huck@univ-brest.fr

L’Arctique, une région au cœur des enjeux climatiques

Comprendre les variations en Arctique est un autre défi important sur lequel travaillent les chercheurs. Cette région, située au pôle nord de la planète et plus ou moins recouverte de glace selon les saisons, est encore peu connue. Les recherches ne remontent qu’aux 10 dernières années. Pourtant, la fonte de la banquise arctique est un des principaux signaux de changement climatique. Un phénomène qui a des conséquences économiques et un impact sur la biodiversité. Les chercheurs tentent donc de répondre à un certain nombre de questions pour comprendre à la fois le rôle de l’océan dans la fonte de la banquise mais également les conséquences de la fonte des glaces sur l’océan et le climat.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», camille.lique@ifremer.fr

Repère: L’acidification de l’océan

Repère: La circulation océanique

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