La circulation océanique et son rôle dans le transport et la redistribution de l’énergie

La circulation océanique redistribue la chaleur en réchauffant le climat de certaines régions ou en baissant les températures d’autres régions. Elle permet également d’enfouir du CO2 présent dans l’atmosphère au fond des océans. Mais ces phénomènes risquent d’être affectés par le réchauffement de climatique.

Il reste encore beaucoup de choses à comprendre sur les interactions entre la circulation océanique et le climat. Les principaux défis des chercheurs sont donc d’amplifier l’observation de l’océan, d’améliorer la compréhension des processus qui sont à l’œuvre et de développer des modèles numériques permettant de reproduire la circulation océanique afin d’aboutir à des projections climatiques plus précises pour le futur.

Le projet OVIDE : observer l’océan pour mieux le comprendre

La 9ème mission OVIDE est partie le 13 juin 2018 de Brest pour sillonner l’Atlantique nord. Des chercheurs du laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS) et des chercheurs de l’Institut de recherche marine de Vigo en Espagne effectuent des mesures (pression, température, salinité ou encore pH) du Portugal au Groenland tous les deux ans, depuis 2002, pour étudier la masse d’eau et la structure des courants océaniques. Il s’agit d’établir une série temporelle et d’identifier les anomalies de température. Objectif : surveiller la température et la salinité des eaux à différents endroits de l’Atlantique nord, comprendre la variabilité de la circulation thermohaline (en grec, thermos signifie la température, et halos le sel) et étudier le stockage du CO2 dans l’océan. Ce phénomène de stockage constitue la pompe physique de carbone, qui entraîne les eaux de surface chargées en CO2 dissous vers les couches plus profondes où il se trouve isolé de l’atmosphère.

Le 12 février 2018, un article, publié dans Nature par des chercheurs du LOPS, a mis en avant une augmentation de la convection profonde et de l’acidification des océans au niveau de l’Atlantique Nord. Les chercheurs ont remarqué que, depuis 2014, les eaux de surface chargées en CO2 à cause des rejets dus aux activités humaines pénétraient davantage en profondeur, ce qui a un impact sur l’acidification des océans et la survie d’organismes marins calcificateurs tels que les coraux. Il s’agit d’une anomalie entre ce qui est observé et ce qui est projeté par les modèles climatiques. Ces derniers prévoient, au contraire, que l’augmentation des précipitations et la fonte des glaces du Groenland apporteront une quantité croissante d’eau douce dans l’Atlantique Nord provoquant ainsi un ralentissement de la circulation thermohaline. La campagne de juin-juillet 2018 permet de continuer à suivre cette évolution.

Meridional overturning circulation conveys fast acidification to the deep Atlantic Ocean. F. Perez, Fiz & Fontela, Marcos & García-Ibáñez, Maribel & Mercier, Herlé & Velo, Anton & Lherminier, Pascale & Zunino, Patricia & de la Paz, Mercedes & Alonso-Pérez, Fernando & F. Guallart, Elisa & Padin, X. (2018). Nature. 554. 10.1038/nature25493. Contact : herle.mercier@ifremer.fr

Le programme Argo révolutionne l’observation de l’océan

Depuis les années 2000, le programme Argo scrute l’océan via des flotteurs profileurs qui dérivent dans tous les océans du monde. Il y en a aujourd’hui plus de 4000, qui réalisent des mesures de salinité, de température, de pression ou encore de chlorophylle depuis la surface jusqu’à 2km de profondeur. En changeant leur volume, ces robots remontent à la surface tous les 10 jours et effectuent des mesures qu’ils transmettent ensuite par satellite. Avant cela, les données étaient très sporadiques ce qui ne permettait pas d’expliquer le cycle saisonnier de l’océan.

Le programme Argo répond à un besoin fondamental : comprendre la variabilité de l’océan et ses causes en interaction avec l’atmosphère car l’océan intègre le changement de l’atmosphère sur le long terme. Il stocke la chaleur, le carbone et l’eau douce. Les mesures réalisées dans le cadre d’Argo permettent d’étudier cette capacité de stockage et de suivre son évolution. Contrairement aux satellites, Argo permet également d’étudier l’océan en trois dimensions, c’est-à-dire également en profondeur. Le traitement des données montre une augmentation de la quantité de chaleur dans l’océan global sur les dernières années, une chaleur principalement stockée dans les couches de surface de l’océan.

Argo est un exemple de coopération scientifique puisque plus de 30 pays contribuent au réseau en déployant chaque année des flotteurs. Les données récoltées sont partagées entre les chercheurs de tous les pays du monde. Des mesures biogéochimiques ont été ajoutées afin d’étudier les écosystèmes des océans. Par ailleurs, le défi pour les dix prochaines années est d’en savoir plus sur l’océan profond car Argo n’étudie pour l’instant que la moitié du volume de l’océan. Des flotteurs résistant à de fortes pressions et permettant de descendre jusqu’à 4000-6000m de profondeur sont actuellement testés.

Site web : https://www.argo-france.fr ; Contact : nicolas.kolodziejczyk@univ-brest.fr

Etudier les tourbillons océaniques, pour améliorer les projections climatiques

Si la circulation océanique semble à première vue s’écouler lentement, effectuant peu à peu le tour de la planète, les choses sont en réalité un peu plus compliquées. L’océan est soumis à des turbulences dont de nombreux mystères restent encore à percer. Les tourbillons jouent un rôle crucial dans la dynamique naturelle de l’océan mais sont encore peu connus. Ils contiennent 70% de l’énergie des océans et participent au transport de chaleur et de masse. Leur échelle est variable selon la latitude, ou encore selon les saisons. Certaines structures peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres et durer pendant des mois alors que les plus petites ne sont larges que de 30 à 100 km. Ce sont ces dernières qui sont pourtant les plus énergétiques.

Les modèles de climats utilisés actuellement ne sont pas capables d’intégrer les phénomènes de tourbillons océaniques, surtout ceux de moyennes ou de petites échelles. Ils décrivent donc des courants moyens mais négligent toutes les fluctuations aux alentours. Pourtant, lorsque l’on parvient à incorporer les tourbillons dans les projections, en utilisant par exemple des modèles simulant des climats régionaux, on constate que l’océan devient très actif et que cela génère des variations sur des mois voire sur des dizaines d’années. Prendre en compte les tourbillons dans les modèles, voir quels sont les impacts sur le climat et comparer avec ce qui est réellement observé est un des enjeux du travail réalisé par les chercheurs du LOPS. Développer des modèles numériques plus précis permettra d’améliorer les projections océaniques et donc les modèles climatiques qui tentent de prévoir le réchauffement climatique global pour les prochaines années.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», thierry.huck@univ-brest.fr

L’Arctique, une région au cœur des enjeux climatiques

Comprendre les variations en Arctique est un autre défi important sur lequel travaillent les chercheurs. Cette région, située au pôle nord de la planète et plus ou moins recouverte de glace selon les saisons, est encore peu connue. Les recherches ne remontent qu’aux 10 dernières années. Pourtant, la fonte de la banquise arctique est un des principaux signaux de changement climatique. Un phénomène qui a des conséquences économiques et un impact sur la biodiversité. Les chercheurs tentent donc de répondre à un certain nombre de questions pour comprendre à la fois le rôle de l’océan dans la fonte de la banquise mais également les conséquences de la fonte des glaces sur l’océan et le climat.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», camille.lique@ifremer.fr

Repère: L’acidification de l’océan

Repère: La circulation océanique