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Mercure hydrothermal : l’histoire naturelle d’un contaminant

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Notre collègue Hélène Planquette a participé à une étude internationale coordonnée par le CNRS visant à estimer la contribution des sources hydrothermales au stock de mercure présent dans les océans.

Cette étude vient d’être publiée dans la revue Nature Geoscience et fait l’objet d’un communiqué du CNRS :

Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le CNRS (voir encadré), a établi la première estimation mondiale des émissions hydrothermales de mercure (Hg) provenant des dorsales médio-océaniques. La Convention de Minamata sur le mercure de l’ONU vise à réduire l’exposition humaine au mercure toxique à travers la réduction des émissions anthropiques. Nous sommes principalement exposés via la consommation de poissons qui bioaccumulent le Hg de l’océan. Le paradigme actuel est que les émissions anthropiques de mercure (actuellement 3 100 t an-1) sont à l’origine de l’augmentation du réservoir océanique mondial de mercure de 21 %. Cette estimation est erronée car nous ne savons pas quelle quantité de mercure naturel résidait dans l’océan avant le début des émissions anthropiques.

Nous ne sommes également pas en mesure de quantifier l’impact des émissions anthropiques sur les niveaux de Hg chez des poissons. L’hydrothermalisme est la seule source directe de Hg naturel vers l’océan. Des études antérieures, basées uniquement sur les mesures des fluides hydrothermaux, suggéraient que les apports du Hg hydrothermal pourraient se situer entre 20 et 2 000 t an-1. Cette nouvelle étude a utilisé, en plus des mesures de fluides, des mesures de panaches hydrothermaux, d’eaux de mer et de carottes de roches provenant de la source hydrothermale Trans-Atlantic Geotraverse (TAG) sur la dorsale médio-atlantique.

La combinaison des observations suggère que la majorité du Hg enrichi dans les fluides, serait diluée dans l’eau de mer et qu’une petite fraction précipiterait localement. Une extrapolation des résultats indique que le flux hydrothermal global de Hg provenant des dorsales médio-océaniques est faible (1,5 à 65 t an-1) par rapport aux missions anthropiques de Hg. Bien que cela suggère que la majeure partie du Hg, présent dans l’océan, est d’origine anthropique, cela laisse également espérer que la mise en œuvre stricte des réductions d’émissions, dans le cadre de la Convention de Minamata, réduira les niveaux de mercure des poissons et l’exposition des humains.

 

Référence de l’article :

Torres-Rodriguez, N., Yuan, J., Petersen, S. et al. Mercury fluxes from hydrothermal venting at mid-ocean ridges constrained by measurementsNat. Geosci. (2023).

Preuve que les niveaux de mercure du thon dans le Pacifique sont déterminés par la production de méthylmercure marin et les apports anthropiques

Résumé

Le thon de l’océan Pacifique fait partie des produits de la mer les plus consommés, mais il contient des niveaux relativement élevés de méthylmercure, une neurotoxine. Des observations limitées suggèrent que les niveaux de mercure dans le thon varient dans l’espace et le temps, mais les facteurs déterminants ne sont pas bien compris. Nous avons cartographié les concentrations de mercure dans le thon listao dans l’océan Pacifique et construit des modèles additifs généralisés pour quantifier les facteurs anthropiques, écologiques et biogéochimiques. Les niveaux de mercure du thon listao présentent un gradient spatial, avec des concentrations maximales dans le nord-ouest près de l’Asie, des valeurs intermédiaires dans l’est et les niveaux les plus bas dans l’ouest, le sud-ouest et le centre du Pacifique. Les grandes différences spatiales peuvent s’expliquer par la profondeur du pic de méthylmercure dans l’eau de mer près des zones à faible teneur en oxygène, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans les régions où l’oxygène est peu abondant. Malgré ce contrôle biogéochimique naturel, le point chaud du mercure dans le thon pêché près de l’Asie s’explique par des concentrations atmosphériques élevées de mercure et/ou des apports fluviaux de mercure sur le plateau côtier. Bien que nous ne puissions ignorer l’apport de mercure hérité d’autres régions de l’océan Pacifique (par exemple, l’Amérique du Nord et l’Europe), nos résultats suggèrent que les rejets récents de mercure d’origine anthropique, qui sont actuellement les plus importants en Asie, contribuent directement à l’exposition actuelle de l’homme au mercure.

 

Résumé graphique

FIG.2 : Variabilité spatiale des concentrations de mercure dans le thon listao. Cartes de contours spatiaux lissés des (A) concentrations de Hg observées et (B) normalisées (microgrammes ⋅ grammes-1, dw) dans les échantillons de muscle blanc de listao de l’océan Pacifique. Les points noirs représentent l’emplacement des échantillons de listao. Les zones océaniques correspondent à l’origine des échantillons : NWPO, CNPO, NEPO, EPO, SWPO, et WCPO. Les points transparents représentent l’emplacement des échantillons d’eau de mer avec des données MeHg disponibles et publiées.

 

Points forts

Les humains sont exposés au méthylmercure toxique principalement en consommant des poissons marins. Les nouvelles politiques environnementales de la Convention de Minamata reposent sur une compréhension encore mal connue de la manière dont les émissions de mercure se traduisent par des niveaux de méthylmercure dans les poissons. Nous fournissons ici la première carte détaillée des concentrations de mercure du thon listao dans le Pacifique. Notre étude montre que le fonctionnement naturel de l’océan mondial a une influence importante sur les concentrations de mercure du thon, notamment en ce qui concerne la profondeur à laquelle les concentrations de méthylmercure atteignent leur maximum dans la colonne d’eau. Cependant, les apports de mercure provenant de sources anthropiques sont également détectables, ce qui entraîne une augmentation des concentrations de mercure dans le thon dans le nord-ouest de l’océan Pacifique qui ne peut être expliquée uniquement par les processus océaniques.

 

Référence

Anaïs Médieu, David Point, Takaaki Itai, Hélène Angot, Pearse J. Buchanan, Valérie Allain, Leanne Fuller, Shane Griffiths, David P. Gillikin, Jeroen E. Sonke, Lars-Eric Heimbürger-Boavida, Marie-Maëlle Desgranges, Christophe E. Menkes, Daniel J. Madigan, Pablo Brosset, Olivier Gauthier, Alessandro Tagliabue, Laurent Bopp, Anouk Verheyden, Anne Lorrain. Evidence that Pacific tuna mercury levels are driven by marine methylmercury production and anthropogenic inputs. Proceedings of the National Academy of Sciences Jan 2022, 119 (2) e2113032119; DOI: 10.1073/pnas.2113032119

Lire l’article sur le site de PNAS

 

Cette étude a fait l’objet d’un article dans le Mag de l’IRD.

A Model of Mercury Distribution in Tuna from the Western and Central Pacific Ocean: Influence of Physiology, Ecology and Environmental Factors

Patrick Houssard, David Point, Laura Tremblay-Boyer, Valérie Allain, Heidi Pethybridge, Jeremy Masbou, Bridget E. Ferriss, Pascale A. Baya, Christelle Lagane, Christophe E. Menkes, Yves Letourneur, et Anne Lorrain

RÉSUMÉ :

https://pubs.acs.org/appl/literatum/publisher/achs/journals/content/esthag/2019/esthag.2019.53.issue-3/acs.est.8b06058/20190129/images/medium/es-2018-06058g_0006.gif

  • L’information sur les facteurs à l’échelle de l’océan des niveaux de méthylmercure et de la variabilité du thon est rare, mais cruciale dans le contexte des apports anthropiques de mercure (Hg) et des menaces potentielles pour la santé humaine. Nous évaluons ici les concentrations de Hg dans trois les espèces commerciales de thonidés (thon obèse, albacore et germon, n = 1000) de l’océan Pacifique occidental et central (OPOC).
  • Des modèles ont été mis au point pour cartographier la variance régionale du mercure et en comprendre les principaux facteurs. Les concentrations de mercure sont enrichies dans les latitudes méridionales (10°S-20°S) par rapport à l’équateur (0°-10°S) pour chaque espèce, le thon obèse présentant les gradients spatiaux les plus forts. La taille des poissons est le principal facteur expliquant la variance du mercure, mais l’océanographie physique y contribue également, avec des concentrations de mercure plus élevées dans les régions présentant des thermoclines plus profondes.
  • La position trophique du thon et la productivité primaire océanique étaient d’une importance moindre. Les modèles prédictifs donnent de bons résultats dans le Pacifique équatorial central et à Hawaii, mais sous-estiment les concentrations de mercure dans le Pacifique oriental. Une analyse documentaire de l’océan mondial indique que la taille tend à régir les concentrations de mercure dans le thon, mais des informations régionales sur les habitats verticaux, la production de méthylmercure et/ou les apports de mercure sont nécessaires pour comprendre la distribution du mercure à une plus grande échelle. Enfin, cette étude établit un contexte géographique des niveaux de mercure pour évaluer les risques et les avantages de la consommation de thon dans l’OPOC.

Variation spatiale observée dans les concentrations de mercure (mg*kg -1, poids sec) pour les échantillons de muscle de thon obèse, d’albacore et de germon prélevés dans l’océan Pacifique occidental et central. Les lignes grises délimitent les cinq régions biogéochimiques définies dans Houssard et al., 2017 : NPTG (North Pacific Tropical Gyre), WARMm (Warm Pool modifié), PEQD (Pacific Equatorial Divergence), SPSGm (South Pacific Subtropical Gyre modifié) et ARCHm (Archipelagic deep basins modified) ainsi que AUS-TAZ (Australie-Tasmanie) et NZ (Nouvelle Zélande).

RÉFÉRENCE :

Houssard, P., Point, D., Tremblay-Boyer, L., Allain, V., Pethybridge, H., Masbou, J., Ferriss, B.E., Baya, P.A., Lagane, C., Menkes, C.E., Letourneur, Y., and Lorrain, A. 2019. A Model of Mercury Distribution in Tuna from the Western and Central Pacific Ocean: Influence of Physiology, Ecology and Environmental Factors. Environmental Science & Technology. doi:10.1021/acs.est.8b06058.

Cliquer ici pour la fiche d’actualité de l’IRD pour cet article.

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