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14 millions d’euros pour lutter contre la pollution plastique dans les zones sensibles

Preventing Plastic Pollution (PPP)

La zone de la Manche fait l’objet d’un projet de 3 ans, actuellement en cours de lancement et mené par l’Université Queen Mary de Londres, visant à éliminer et à prévenir la pollution par les matières plastiques dans des zones sensibles en Angleterre et en France.

Preventing Plastic Pollution (PPP) développera un modèle permettant de réunir des données sur la quantité et les sources possibles de pollution plastique, et ce dans sept sites pilotes : la rade de Brest, la Baie de Douarnenez, la Baie des Veys, la zone de Medway, les fleuves du Tamar et du Great Ouse, et le port de Poole.

Les spécialistes évalueront le taux de plastiques polluants qui s’introduisent dans les bassins versants, et ils identifieront les zones sensibles de la pollution. Ils détermineront la rentabilité et la durabilité des approches innovantes actuelles et créeront un portefeuille de méthodes d’élimination pour prévenir et gérer la pollution.

Le projet, d’un montant de 14 millions d’euros, a été approuvé par le Programme France (Manche) Angleterre, qui a engagé 9,9 millions d’euros de financement via le Fonds Européen de Développement Régional. Carolyn Reid, la Directrice du Programme Interreg France (Manche) Angleterre, déclare : « La pollution plastique constitue une énorme problématique environnementale, et nous sommes déterminés à rassembler des spécialistes des deux côtés de la Manche et à les soutenir dans la création de projets pour lutter contre celle-ci. »

Le CNRS partenaire du projet avec le LEMAR

Le CNRS est l’un des 17 partenaires de ce projet. Les scientifiques du LEMAR effectueront notamment des campagnes d’échantillonnage des microplastiques dans la rade de Brest et la baie de Douarnenez tout au long du projet dans le but d’évaluer les niveaux et l’évolution temporelle de cette contamination. Ces travaux participeront à l’évaluation de l’efficacité des mesures de réduction des déchets plastiques mises en place dans le projet PPP. Le laboratoire de Physiologie des Invertébrés de l’Ifremer, en partenariat avec le CNRS au sein du LEMAR, travaillera de plus sur la toxicité de ces microplastiques sur les organismes marins, en particulier sur l’huître creuse.

« Ce projet est une formidable opportunité de fédérer l’ensemble des acteurs locaux autour de la rade de Brest et de la baie de Douarnenez sur lesquelles nous allons suivre les niveaux de contamination par les déchets plastiques » Ika Paul-Pont, en charge du partenariat CNRS.

Réduction des déchets à l’IUEM et médiation scientifique

En complément de la démarche scientifique portée par ces deux organismes de recherche, deux volets supplémentaires seront déployés durant le projet. Le premier portera sur la mise en place de démarches écoresponsables visant à réduire drastiquement la production de déchets plastiques dans les bureaux et usages quotidiens, contribuant ainsi à l’Agenda 2030 de la France, à l’échelle de l’IUEM. Le deuxième volet concernera la réalisation d’actions de médiation scientifique, via l’organisation d’évènements grands publics et d’interventions dans les écoles en partenariat avec Océanopolis, afin de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de cette pollution.

Le projet PPP organisera aussi 160 événements communautaires de nettoyage des rivières, et il collaborera avec les industries de l’agriculture, de la pêche et maritimes pour trouver des moyens de capturer et d’éliminer les déchets plastiques de leurs activités.

Pour en savoir plus

Contacts

Jayne MANN
Emily COOPER

Crédit photo

Iwan JONES

Plastiques à la dérive : itinéraire d’une particule

Tous les ans, 8 à 10 millions de tonnes de déchets plastiques sont déversés dans les océans. De faible densité, ces détritus dérivent au gré des courants et s’accumulent partiellement à la surface des eaux. Des simulations numériques permettent de mieux comprendre leur cheminement au sein des bassins océaniques et d’appréhender ce problème majeur de pollution. Environ 150 millions de tonnes de débris plastiques [1] convergent vers cinq zones principales d’accumulation au nord et au sud de chaque grand bassin océanique (cf. fig. 1) ; la zone d’accumulation du Pacifique Nord représenterait six fois la taille de la France. Ces déchets, essentiellement des micro plastiques de moins de 5 mm, constituent une véritable menace tant pour la santé des écosystèmes marins que pour celle des hommes [1, 2] .

Figure 1 (extraite de Cozar et al., 2014) : Concentrations des débris plastiques à la surface des océans, mesurées au cours de différentes expéditions scientifiques. Les zones grises délimitent les zones d’accumulation prédites par simulation (Maximenko et al., 2012).

Pour réussir à contrôler cette pollution, il est nécessaire de comprendre l’itinéraire et le devenir des déchets. Dans cette optique, les scientifiques entreprennent de déterminer leur trajectoire en utilisant notamment, la cartographie des courants marins qui résultent majoritairement de deux phénomènes distincts :

  • les vents et la force de Coriolis influent sur les courants de surface (également appelés « courants d’Ekman ») dont la puissance et la direction varient rapidement.
  • la circulation thermohaline engendre des courants profonds ; la différence de température (thermo) et de salinité (haline) entre certaines masses d’eau génère des variations de densité : une masse d’eau froide salée sera en effet plus dense qu’une masse d’eau plus chaude, moins salée et plongera davantage en profondeur [4].

Actuellement, la circulation océanique est principalement analysée via le suivi de mesures in situ (bouées, satellites, etc.) et par modélisation numérique. Les outils de simulation présentés dans cet article, ont permis d’étudier la trajectoire de particules numériques à la surface des océans durant une trentaine d’années (1985 – 2013), durée qui paraît suffisante pour décrire les caractéristiques des zones de convergence des débris en surface. Ainsi, une répartition initiale, homogène et constante de l’ordre d’un million de particules numériques a été considérée, chaque particule a été positionnée au centre d’une maille composant la grille du modèle et recouvrant toute la surface océanique du globe. La trajectoire de chaque particule a ensuite été calculée, jour après jour en prenant en compte les courants océaniques à 0,5 m de profondeur (via un modèle de référence intitulé C-GLORSv5, extérieur à l’étude) et les variations énergétiques induites par la présence de tourbillons de méso-échelle (équivalent océanique des dépressions dans l’atmosphère). Dans cette modélisation les particules ne coulent pas vers les profondeurs, reproduisant ainsi la flottabilité des plastiques liée à leur faible densité.

Figure 2 : Concentration en particules à la surface du globe après 1, 3 et 26 ans de simulation. Les rectangles bleus montrent les zones d’accumulation et les points bleus correspondent au centre de masse des particules présentes dans les zones définies par les rectangles. 

Ces résultats (cf. fig. 2) mettent en évidence l’éloignement très rapide des particules de l’équateur (celui-ci se comporte comme une zone de divergence) : au bout de trois ans, 75 % des particules sont situées hors de la région tropicale comprise entre 15°N et 15°S. Elles commencent ainsi à s’accumuler très rapidement à l’intérieur des grands bassins océaniques, principalement sous l’action des courants liés aux vents. Après une simulation de dérive des particules sur 10 années, celles-ci apparaissent principalement réparties dans cinq zones de convergences, très stables dont la localisation ainsi que la concentration en particules n’évoluent plus que peu, même au bout des 29 années de simulation. La grande majorité des particules se répartissent dans l’une de ces zones d’accumulation mais certaines cependant, restent en Atlantique nord subpolaire ou empruntent une voie de liaison de plus de 8000 km qui connecte le sud de l’Océan Indien au sud de l’Océan Pacifique via la Grande Baie australienne et la mer de Tasman ; la concentration en particules y apparaît permanente et stable dès 15 ans de simulation.

Ces résultats tendent donc à montrer que les zones subtropicales de convergence peuvent communiquer et ne doivent donc pas être considérées comme fermées et isolées. Par ailleurs il semblerait que, contrairement aux zones d’accumulation, cette voie de liaison n’est pas uniquement créée par les courants de surface générés par le vent (courants d’Ekman), mais également par une variabilité énergétique induite par la présence des tourbillons de méso-échelle. Cette variabilité n’est pas toujours prise en compte dans les modèles actuels de dispersion de débris flottants alors qu’elle pourrait y jouer un rôle important.

Les simulations numériques sont d’une grande aide pour étudier la dispersion des particules flottantes à une échelle globale. Elles permettent notamment d’éviter certains biais causés par l’utilisation de flotteurs dérivants, biais liés en particulier au nombre (nécessairement) limité de bouées et au fait que leur trajectoire dépend fortement de leur point de départ. Cette méthode comporte aussi ses limites, notamment vis-à-vis de nos connaissances sur les puits et sources de plastiques dans l’Océan. Par exemple, quelle est la part de débris qui s’échouent sur les plages ou qui coulent en profondeur ?

Ainsi, la variabilité énergétique induite par la présence de tourbillons devrait être prise systématiquement en compte dans les futures simulations de dérive des plastiques, puisqu’elle permet de montrer et d’expliquer la présence d’une voie de liaison entre les zones d’accumulations au sud de l’Océan Pacifique et de l’Océan Indien. A l’heure actuelle, les auteurs continuent d’améliorer leur compréhension de ces circulations de surface et essaient maintenant de prendre en considération les courants induits par les vagues (dérive de Stokes) qui permettront d’affiner encore ce modèle.

Médiation scientifique:

Assurée par Marion Urvoy, doctorante de l’Ecole Doctorale des Sciences de la Mer et du Littoral (EDSML – Université de Bretagne Occidentale), en 1ère année de thèse au Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin (LEMAR) à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) et au laboratoire Pelagos, unité Dynamique des Ecosystèmes côtiers (DYNECO) à l‘Ifremer

L’article

Maes, C., Grima, N., Blanke, B., Martinez, E., Paviet-Salomon, T., & Huck, T. (2018). A surface “superconvergence” pathway connecting the South Indian Ocean to the subtropical South Pacific gyre. Geophysical Research Letters, 45, 1915–1922.

https://doi.org/10.1002/2017GL076366

Les auteurs

Tous les auteurs sont affiliés au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS), situé à Plouzané. E. Martinez est également affilié à l’UMR 241 – Ecosystèmes Insulaires Océaniens (Tahiti). T. Paviet-Salomon, de l’ENSTA Bretagne, a réalisé une partie de son stage de fin d’étude de master 2 sur cette thématique.

La revue

La revue internationale « Geophysical Research Letters » est publiée par l’Union Américaine de Géophysique (AGU) depuis 1974. Son objectif est de permettre la publication de rapports concis, à  fort impact et nécessitant une grande visibilité sur tous les domaines liés aux géosciences.

Bibliographie

[1] Fondation Ellen MacArthur (2016), « Pour une nouvelle économie des plastiques »

[2] Audrey Garric (9 mai 2012), « Le 7ème continent de plastique : ces tourbillons de déchets dans les océans ».

[3] Cozar et al. (2014), « Plastic debris in the open ocean ». PNAS 111(28):10239-44

[4] Muséum d’Histoire Naturelles, « Pourquoi étudier les courants océaniques ? ».

[5] Maximenko et al. (2012), « Pathways of marine debris derived from trajectories of Lagrangian drifters. » Mar Pollut Bull 65(1–3):51–62.

Contacts

Auteurs : consulter l’annuaire de l’IUEM

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