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Valérie Cueff-Gauchard, Ingénieure microbiologiste et étudiante en thèse au BEEP

Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

Avant d’arriver au BEEP, j’ai découvert le domaine de la mer par un stage de fin d’études de DUT en biologie appliquée à l’UBO, réalisé à la Station biologique de Roscoff (SBR) dans le laboratoire de microbiologie marine qui allait rapidement migrer à l’IUEM en 1999. Ce laboratoire a ensuite fusionné avec le laboratoire Ifremer de « Microbiologie et Biotechnologie des Extrémophiles » (LMBE) pour devenir le LMEE qui s’est agrandit cette année pour devenir l’unité BEEP. Lors de mon stage, j’ai caractérisé une nouvelle souche bactérienne extrêmophile inconnue, isolée au niveau des sources hydrothermales. Cela consistait à établir sa carte d’identité : gamme de température de croissance, de pH, de salinité, déterminer les substrats avec lesquels elle se nourrit… 4 mois après l’obtention de mon diplôme, l’Ifremer recherchait un technicien en CDD sachant cultiver ce type de bactéries exotiques. J’ai donc été recrutée en CDD à l’Ifremer, en novembre 1998, grâce à mes compétences acquises lors de mon stage. Et après 2 ans de CDD, un poste de technicien de laboratoire a été créé sur lequel j’ai candidaté et j’ai été recrutée en CDI en 2000.

En 2006, j’ai repris mes études suite à une VAE pour faire un Master en microbiologie fondamentale et appliquée à l’UBO. J’ai été exemptée de stage en M1 vu mon expérience professionnelle et j’ai choisi de changer de domaine pour mon stage de M2. J’ai donc passé 9 mois à la SBR où j’ai participé aux travaux de thèse d’Aurélie Chambouvet sous la direction de Laure Guillou. J’y ai étudié les relations entre un parasite et ses hôtes, des microalgues potentiellement toxiques prélevées dans la baie de Penzé, donc très éloignées des sources hydrothermales. Le monde étant très petit, j’y ai retrouvé mon premier encadrant, Christian Jeanthon. Puis Aurélie a été recrutée au LEMAR avant de repartir récemment à Roscoff.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

Étant du coin, j’ai une attache forte à la Bretagne et à la mer. Mon diplôme me destinait plutôt à être technicienne en laboratoire d’analyses médicales ; la microbiologie m’attirait beaucoup et mon choix de stage m’a donné l’opportunité de découvrir la recherche en milieu marin. Je pensais à l’époque que la recherche était destinée aux chercheurs mais je me suis rendue compte que la recherche avait aussi besoin de techniciens. Néanmoins, je voyais ce milieu comme inaccessible car il y a très peu de postes. Ce sont des opportunités dues au hasard qui m’ont permis d’y faire ma carrière tout en restant près de ma famille ; je me suis trouvée au bon endroit au bon moment.

 

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je travaille principalement sur les interactions symbiotiques entre les bactéries et différents modèles d’animaux des grands fonds, en particulier une crevette hydrothermale à grosse tête, Rimicaris exoculata. Cette crevette abrite dans sa tête des communautés bactériennes abondantes et diversifiées, qui lui servent de garde-manger pour simplifier.

Ce qui est intéressant dans mon travail, c’est la variété de fonctions que je peux occuper. En tant qu’ingénieure, je viens en soutien de différents projets de recherche du laboratoire, surtout sur des techniques de biologie moléculaire mais aussi d’imagerie. Je suis amenée à préparer le matériel pour des missions océanographiques hauturières auxquelles je participe régulièrement. Au laboratoire, je mets au point des protocoles, j’analyse les résultats et les mets en forme.

Ayant soif de nouveaux challenges, en parallèle de mon métier d’ingénieur, j’ai commencé une thèse il y a 4 ans qui porte sur le fonctionnement in-situ des communautés bactériennes de ma crevette fétiche. Pour cela, j’ai été amenée à développer un nouvel outil de prélèvement et de fixation in situ des animaux mobiles dans les grandes profondeurs, avec l’appui de techniciens et d’ingénieurs en instrumentation. J’ai également dû plonger dans le monde obscur de la bioinformatique et des lignes de codes qui m’était totalement inconnu jusque-là. Et en ce moment, je me suis attelée à la rédaction de mon 1er article en tant que 1er auteur. Mais à l’issue de ma thèse, c’est en tant qu’ingénieure de recherche et non pas de chercheure que je continuerai ma route. Car plus que la rédaction d’articles et de projets, c’est le développement de nouvelles technologies et méthodologies qui me motive au quotidien.

 

Je consacre aussi beaucoup de temps à la dimension collective du laboratoire : transmettre les bonnes pratiques de laboratoire, les consignes de sécurité, assurer la gestion des appareils et des stocks, former les étudiants, doctorants, post-docs aux techniques et à l’utilisation des appareillages. J’encadre des stagiaires de niveau 3ème jusqu’au Master2. J’ai même organisé des formations techniques collectives sur différentes méthodes, ce qui m’a amené à aller former une équipe en Nouvelle-Calédonie. De plus, j’ai pris en charge la co-animation scientifique du thème transversal du laboratoire « développements méthodologiques et technologiques ».

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

Lors d’une mission océanographique, un de mes anciens directeurs de laboratoire voulait travailler sur les bactéries associées aux éponges marines. Il avait donc demandé qu’on lui remonte des éponges lors d’une plongée scientifique avec le sous-marin ROV Victor 6000. Pendant la journée, un technicien farceur est allé récupérer un morceau d’éponge en cuisine puis a collé des petits bouts de l’éponge sur une roche hydrothermale récoltée la veille, avec de la glue, avant de positionner le tout dans une boîte de prélèvement. Au retour de la plongée du jour, nous lui avons confié la boîte de prélèvement comme si elle faisait partie des échantillons récoltés. Il est resté pendant 1 heure à disséquer consciencieusement les bouts d’éponges sous une hotte bruyante dans la chambre à 4°C. Nous lui avons alors soutenu qu’il s’agissait d’individus femelles puis nous lui avons présenté l’individu mâle, l’éponge de cuisine entière. Heureusement qu’il avait de l’humour, il a bien ri !

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

Lorsque je suis arrivée à Ifremer, j’avais un rêve devenu depuis réalité à plusieurs reprises : plonger dans le sous-marin habité Nautile pour aller au plus près des sources hydrothermales ! Lors de ma 1ère plongée, qui était dans un sous-marin japonais, le Shinkai 6000, je devais découvrir un nouveau site hydrothermal actif à 1700m de profondeur. Hélas, la trajectoire définie n’était pas la bonne et c’est le lendemain qu’a été découvert le nouveau site tant attendu. J’étais un brin frustrée. Mais depuis, c’est toujours la même magie qui opère, de voir cette faune luxuriante et ces fumeurs qui crachent du fluide à 400°C de ses propres yeux, à travers un petit hublot, avec 3600m de colonne d’eau au-dessus de la tête !

 

Quels sont tes centres d’intérêt ?

La lecture de bons polars et les balades en bord de mer avec mon toutou.

As-tu une devise ?

« Ne rien lâcher pour toujours aller jusqu’au bout. » Valérie Cueff-Gauchard

Crédit photos

Franck Rosazza / Ifremer

Léa Grenet / Ifremer

Valérie Cueff-Gauchard / Ifremer

Contact

Valérie Cueff-Gauchard / Ifremer

 

Claire Geslin, enseignant chercheur en microbiologie au LM2E

Que faisais-tu avant de venir à l’IUEM ?

Avant d’intégrer l’IUEM j’ai obtenu mon Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en microbiologie en 1998 à la Station Biologique de Roscoff. C’était un diplôme cohabilité avec Brest, Caen et Rennes. Le stage, encadré par Christian Jeanthon, s’est déroulé au laboratoire de bactériologie marine, dirigé par Daniel Prieur. Le sujet de recherche portait sur l’étude de bactéries isolées de sources hydrothermales océaniques et sur leurs interactions avec les métaux. En 1999, le laboratoire a migré de Roscoff vers Brest et intégré l’IUEM. Nous formions une équipe de microbiologie au LEMAR. Cette même année, j’ai débuté une thèse financée par l’UBO et un industriel. L’objectif de ma thèse était de rechercher des virus d’archées hyperthermophiles des environnements hydrothermaux océaniques profonds ; cela n’avait jamais été documenté auparavant.

En 2003, mon expérience post-doctorale en Pennsylvanie, à l’Université de Pittsburgh chez le Pr Roger Hendrix, m’a permis de travailler sur un projet portant sur l’analyse structurale de bactériophages isolés d’E. coli. C’est un modèle moins exotique que les micro-organismes extrémophiles mais pour lequel de nombreux outils de travail étaient disponibles.

Cette même année, j’ai décroché le concours de maître de conférences. Pour la petite anecdote, je passais le concours pour le poste de maître de conférence un jeudi, et le lendemain je m’envolais vers les États-Unis pour mon post doc. Je devais partir pendant deux ans de l’autre côté de l’Atlantique mais je suis revenue à Brest, 5 mois après, pour assurer la rentrée en septembre 2003.

Pourquoi as-tu choisi l’IUEM ?

Au départ, j’ai suivi le laboratoire de microbiologie dirigé par Daniel Prieur pour ma thèse et c’est comme cela que je suis arrivée à l’IUEM. J’y suis restée grâce à l’obtention de mon poste de maître de conférences et pour poursuivre, au LM2E, ma thématique de recherche sur les virus hydrothermaux marins. Ce sont des virus qui vont infecter des micro-organismes marins (bactéries et archées) qui se développent à de très hautes températures (70-90°C), sans oxygène et sous forte pression hydrostatique. Ces virus sont confrontés à des conditions extrêmes. Le but premier de ma thèse était de savoir s’il existait de tels virus. Il s’avère qu’au bout d’un an et demi de thèse, j’ai trouvé un virus : le premier isolé du système hydrothermal océanique : Pyrococcus Abyssi Virus n°1 (PAV1). Cette découverte, m’a permis d’être lauréate du Prix Bretagne Jeune Chercheur en 2005 (section Sciences de la vie et de l’environnement). Cette reconnaissance de mon travail de recherche par la région Bretagne a fait un peu connaître cette thématique de recherche auprès du grand public.

© Ifremer – Campagne BIG – 2010

Que fais-tu à l’IUEM ?

Je continue à travailler sur cette thématique, sur cet environnement : les sources hydrothermales océaniques profondes où j’y étudie la diversité virale. A ce jour, seulement 11 virus hydrothermaux marins sont caractérisés dans le monde. Au LM2E, par le travail que je mène avec les étudiants, nous en avons caractérisé 6 sur les 11 (3 virus de bactéries et 3 virus d’archées). Nous pouvons même dire que nous sommes les seuls à avoir isolé et caractérisé des virus d’archées hyperthermophiles marines.
C’est une thématique très spécifique. Grâce à notre labo (UBO, CNRS et Ifremer) nous avons accès aux campagnes océanographiques et aux précieux échantillons hydrothermaux, ce qui n’est pas donné à tout le monde.

En 2020, nous avons publié un travail sur un virus de méthanogène. Les archées méthanogènes jouent un rôle primordial dans le cycle global du carbone en produisant du méthane.
Ce virus présente une morphologie « tête-queue », démontrant sans équivoque, pour la première fois, que ce morphotype classiquement retrouvé dans le monde viral bactérien peut se propager dans des conditions extrêmes à des températures de plus de 90°C. En effet, avant cette étude, aucun virus tête-queue (caudovirus) n’avait été isolé de micro-organismes hyperthermophiles, soulevant des questions sur la thermostabilité de ce morphotype (Thèse Sarah Thiroux 2019). C’est un des exemples de résultats majeurs obtenus ces dernières années dans le cadre de thèse que j’ai encadrées.

Une autre activité importante dans mon emploi du temps est l’enseignement.
Depuis 2003, en tant que maître de conférences, j’enseigne en Licence (L2 et L3) et en Master (M1 et M2 ; principalement dans le Master de microbiologie fondamentale et appliquée (MFA) et un peu dans les Masters des Sciences de la Mer et du Littoral (SML), formations dispensées à l’UBO, IUEM et intégrées à l’Ecole doctorale des Sciences de la Mer et du littoral (EDSML).
Mes enseignements portent principalement sur la physiologie microbienne, la génétique microbienne, l’écologie et biologie des extrêmophiles, et aussi bien évidemment la virologie.
J’encadre également des étudiants en master et en thèse sur mes thématiques de recherche.

© LM2E

As-tu des anecdotes professionnelles à nous raconter ?

Avec mon sujet de thèse, j’ai été parachutée sur un sujet de virologie, on ne travaillait pas sur cette thématique au laboratoire. Daniel Prieur et Patrick Forterre (Professeur à l’Université d’Orsay avec lequel notre laboratoire collabore) m’ont envoyée pendant 1 mois au Max Planck Institute à Martinsried en  Allemagne pour me former à la virologie aux côtés de Wolfram Zillig, un chercheur qui dans les années 80 a été l’un des premiers à travailler sur le troisième domaine du vivant : Archaea. Wolfram Zillig a également fait un séjour dans notre labo à Brest, c ‘était vraiment enrichissant pour moi. D’ailleurs, les couloirs de l’IUEM doivent encore se rappeler de son tonitruant « Clear » come, quand il m’appelait !

J’ai été embauchée en 2003 donc finalement assez vite après ma thèse. Et puis, à l’époque je devais faire un peu jeunette. J’arrive pour mon premier cours en amphi, un quart d’heure avant le début du cours pour bien me préparer. J’étais assez stressée, alors pour me rassurer j’avais apporté quelques livres de microbiologie. Je les pose sur le bureau sur l’estrade, et deux étudiants arrivent et me disent « Oh super chouette tes bouquins ! », et commencent à les feuilleter. On discute un petit peu et le cours allant commencer, ils vont s’installer dans l’amphi. J’ai vu à leurs têtes qu’ils n’avaient pas compris que j’étais la prof et qu’ils pensaient que j’étais une étudiante comme eux.  Et bien, ils ont été très très attentifs pendant les deux heures de cours. Ça ne m’arrive plus maintenant, on m’appelle Madame Geslin (rires).

Enfin une autre fois, lors d’un pot organisé au labo, il fallait faire un gâteau. Je ne suis pas très bonne cuisinière. J’ai donc acheté une préparation toute faite. Je l’ai faite cuire, mais pas assez. J’ai quand même apporté le gâteau au citron et l’ai mis au milieu des autres ni vu ni connu, parce qu’il était trop tard pour que je recommence. Au final tout le monde l’a adoré, et quand certains se sont enquis du nom du cuisinier, quelqu’un a dit que c’était moi. Plusieurs collègues m’ont demandé la recette de ce fameux gâteau au citron…. J’ai fini par leur donner mon secret : l’ouverture d’un sachet.

© Ifremer – Campagne BIG – 2010

Quel est ton plus beau souvenir de boulot ?

Je pense que le plus beau restera le moment où l’on m’a annoncé que c’était moi qui avais eu le concours pour le poste de maître de conférences. C’était vraiment un sentiment unique.

Autrement c’est lors des campagnes océanographiques. En 1999, j’ai eu l’opportunité de participer à la campagne océanographique AMISTAD, avec le navire l’Atalante et le sous-marin le Nautile. 21 plongées sont prévues avec le Nautile : 21 chercheurs et de la place pour les étudiants. Tout est réglé comme du papier à musique, s’il y a un problème technique qui empêche une plongée, tu peux perdre ton tour ! Le jour de ma plongée, il y a eu un problème électronique sur le Nautile, qui finalement a été résolu un peu plus tard. Alors vient le moment d’enfiler la combinaison jaune, et de partir pour 8 heures à 2300 m de profondeur. J’étais émerveillée par ce que je voyais ! Dans ce genre de plongée, on est enregistré pour pouvoir revenir sur ce qu’on a vu après. Et sur mon enregistrement on entendait uniquement des : « ohlala que c’est beau ! Vous avez vu ??? ».

J’ai eu une autre expérience de plongée en Atlantique cette fois, pendant la campagne EXOMAR, à 2000 m de profondeur en 2005. J’ai eu une chance dingue de pouvoir voir de près l’environnement sur lequel je travaille.

Quels sont tes centres d’intérêt ?

J’adore lire un bon roman en buvant une tasse de thé. De bons repas entre amis c’est essentiel. Les voyages, les voyages forcément. Et j’aime la mer aussi, bien évidemment.

As-tu une devise ?

Je n’ai pas de devise. Mais en ce moment je lis Pas Mieux ! d’Arnaud Le Guilcher et on y trouve cette citation de Jean-Luc Godart :

« Van Gogh a cherché un peu de jaune

quand le soleil a disparu… Faut chercher mon vieux. Faut chercher… »

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Claire Geslin / UBO