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Exposition sur les récifs coralliens fossiles et actuels

Cette exposition est le fruit d’une collaboration entre l’équipe de Paléontologie du laboratoire Géosciences Océan (LGO) de l’IUEM, et du Laboratoire Environnements Profonds (LEP) d’Ifremer.

Elle est installée du 12 mars au 8 avril dans le hall de l’IUEM. Les recherches sur le Paléozoïque (541 à 241 Ma) sont une spécialité de l’équipe brestoise de Paléontologie. Deux épisodes marquants, avec une expansion maximale des récifs, sont connus au cours du Paléozoïque, pendant une période  de climat chaud généralisé,  de type « effet de serre » qui s’étale sur 80 Ma, durant le Silurien et le Dévonien. Les récifs de ces époques ont recouvert jusqu’à 5 millions de km² (contre 280.000 Km² aujourd’hui). Nous prenons comme exemple ici les récifs d’âge Silurien  des régions du Nord de l’Europe et du Dévonien inférieur en  presqu’île de Plougastel.

Le LEP d’Ifremer propose un regard sur les coraux froids des environnements profonds, ces « Dark survivors » du plateau continental, plus méconnus que les coraux des eaux chaudes et peu profondes des régions tropicales, mais qui représentent également une biodiversité importante  à préserver.

Les récifs siluriens du Nord de l’Europe

L’Île de Gotland en mer Baltique expose sur 500 m d’épaisseur une importante série carbonatée de plateforme qui montre dans le temps, une succession de 5 ceintures récifales.  C’est une région de référence pour l’étude des récifs de cette époque. Les principaux bio-constructeurs sont des coraux Tabulés, des Tétracoralliaires  solitaires et des Stromatopores, qui sont des éponges calcifiées. Les Tabulés et les Tétracoralliaires disparaissent à la fin du Paléozoïque, remplacés par les Hexacoralliaires, coraux modernes. Quelques survivants des éponges calcifiées du Paléozoïque peuplent encore les mers chaudes du Pacifique.

Brest par 30°Sud

Les coraux fossiles et les récifs trouvés en presqu’île de Plougastel et Presqu’île de Crozon, nous enseignent qu’il y a eu des conditions d’environnement tropical et des mers chaudes en ces lieux, à certaines périodes de leur histoire. Les falaises de la Pointe de l’Armorique en Presqu’île de Plougastel montrent ainsi une coupe assez exceptionnelle dans un récif à Coraux et Spongiaires daté du Dévonien inférieur (410 Ma), comparable dans ses grandes lignes aux récifs actuels des régions chaudes.

Les coraux froids du Golfe de Gascogne

Les coraux d’eaux froides (de 6°C dans la plupart des océans à 12°C en Méditerranée), se développent dans les eaux profondes depuis 100 m  à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Ils se distinguent de  leurs cousins tropicaux par l’absence d’algues symbiotiques. Ils se nourrissent de  matière détritique et organique provenant de la surface des océans ou par prédation. Plusieurs espèces parmi les scléractinaires forment des récifs. Leur cartographie au large des côtes bretonnes jusqu’au Pays  Basque et vers le Nord jusqu’à l’Ouest de l’Irlande a été reprise en 2017 par des campagnes de plongées menées par l’Ifremer qui montrent qu’ils sont moins abondants que ne le montrait les cartes de Le Danois en 1948. Ces formes sont sensibles aux pressions anthropiques directes, et notamment au chalutage, mais aussi aux variations climatiques à l’échelle du siècle.

Les canyons profonds, immenses vallées sous-marines moins accessibles, pourraient être des zones de refuges notamment pour les habitats coralliens et de nombreuses autres  espèces. Les coraux froids y semblent relativement protégés du réchauffement climatique ou de l’acidification des océans, mais d’autres dangers les menacent comme la pollution, la pêche en eaux profondes , le développement de l’exploitation des ressources minières pétrolières et gazières et leurs rejets. Dans le Golfe de Gascogne des zones de protection Natura 2000 ont été proposées et un observatoire sera installé dans le canyon de Lampaul au large de la Bretagne.

Distribution des habitats de coraux froids (CWC) dans le canyon de Lampaul (Bourillet et al., 2012)

Lénaick Menot, Karine Olu et Julie Tourolle , Ifremer, Laboratoire des environnements profonds (LEP)

Alain Le Hérissé et Yves Plusquellec, Laboratoire Géosciences Océan (LGO).

Contact

Alain Le Hérissé

 

 

Repère : L’acidification de l’océan

L’acidification est un processus qui conduit à la diminution du pH (mesure de l’acidité d’un liquide) de l’océan. Elle est due au fait qu’une partie du CO2 rejeté dans l’atmosphère par les activités humaines (transport, industrie) se dissout au contact de l’océan. Bien que le pH de l’océan reste basique, il a diminué d’un dixième depuis l’ère industrielle et est actuellement autour de 8,2. Ce qu’il n’a pas connu depuis des millions d’années. Ce changement a des conséquences sur la calcification de nombreux organismes marins comme les moules, les huitres ou les coraux. Il altère également la capacité du plancton à stocker du carbone, ce qui a un effet sur la pompe biologique de carbone. Le pH de l’océan pourrait être inférieur à 8 d’ici la fin du siècle. L’acidification accélérée de l’océan risque d’affecter les sociétés humaines qui dépendent des écosystèmes marins, soit environ 40% de la population mondiale.

Récif de corail : le futur paradis perdu ?

Le dioxyde de carbone (CO2) connu comme gaz à effet de serre, est l’un des acteurs important du réchauffement climatique, il augmente avec régularité depuis plusieurs décennies entrainant dans son sillage des effets dommageables pour tous et à toute échelle de la biodiversité, des micro-organismes jusqu’ à l’Homme. Les récifs coralliens sont parmi les premiers à le subir et à en répercuter l’impact sur des millions de personnes dépendantes de leur écosystème. En effet ces récifs ne constituent pas seulement le biotope de nombreuses espèces marines, ils protègent également les populations locales et leurs habitations de la destruction par les eaux et procurent de multiples avantages essentiels, également appelés services écosystémiques, en matière de pêcherie, tourisme, emplois …etc.

Malheureusement, la constante augmentation du niveau de CO2 dans l’atmosphère engendre des effets très néfastes pour l’Océan mondial via de nombreux facteurs, certains comme l’acidification des océans ou le réchauffement des eaux de surface (qui provoque le blanchissement des coraux) restent très difficiles à contrôler, sont responsables du dépérissement des écosystèmes coralliens et réussissent par association aux autres menaces et risques locaux (surpêche, pollution, prédation…) à mettre en péril tout un système économique et social fragile.

Fig. 1: Schéma représentatif des liens entre les récifs coralliens, le littoral, la population et les facteurs de stress.

 

Par le passé, les écosystèmes coralliens pouvaient se régénérer entre 2 épisodes de mortalité provoquée par le blanchissement, ce phénomène de décoloration du récif qui résulte de l’expulsion des algues microscopiques symbiotiques abritées par le corail et à l’origine de sa pigmentation.

Fig. 2 : étapes du blanchissement d’une colonie de corail-fleur épineux (Mussa angulosa) : (A) partielle : présence de quelques micro-algues symbiotiques brunes,  (B) complète : absence totale de symbiontes avec quelques parties mortes colonisées par des algues (C). Présence d’un corail de feu blanchi (D).

 

Mais dorénavant, ces épisodes de plus en plus fréquents ne laissent plus aux coraux le temps de se renouveler. Ils se constituent alors en structures moins complexes, immergées (du fait de l’élévation du niveau marin, liée à la fonte des glaciers), n’affleurent plus la surface et sont de ce fait beaucoup moins efficaces pour assurer la protection des littoraux contre les vagues. Ainsi la vie marine autour des récifs s’appauvrit et les ressources alimentaires, nécessaires aux populations côtières, diminuent.

Pour maintenir les services écosystémiques, il faut que les récifs réussissent à s’adapter aux changements climatiques malgré l’augmentation de la température de surface et l’acidification des océans qui rendent difficiles le recrutement et la croissance de jeunes organismes symbiontes. Ces 2 menaces sont d’autant plus dangereuses qu’il est impossible à l’échelle locale de s’en prémunir et d’en assurer le contrôle via des décrets ou des plans de gestion. Cependant des mesures peuvent être prises au plan national, par les pays qui dépendent fortement de ces écosystèmes coralliens. Elles permettront de réduire les émissions de carbone, de diminuer les menaces localement et de restaurer et/ou améliorer d’autres écosystèmes fragiles, également menacés (par ex : les mangroves) qui pourraient alors compenser certaines pertes de services et en minimiser l’impact sur les populations. Il est également nécessaire de prévoir et mettre en place des actions à brève échéance pour protéger les habitants là où les impacts sociaux et écologiques seront les plus importants, particulièrement lorsque sont réunis les facteurs d’augmentation rapide de la température, de forte dépendance de l’Homme aux systèmes coralliens et d’acidification sévère des océans.

Pour mettre en évidence les récifs et populations les plus menacés par l’augmentation du CO2, plusieurs indicateurs caractérisant les futurs probables changements océaniques et le niveau de dépendance de l’Homme à ces écosystèmes, ont été utilisés.

Fig. 3: Dépendance régionale par province océanique aux services écosystémiques et aux menaces liées à l’acidification des océans et à l’augmentation de la température de surface des eaux

 

D’après les résultats obtenus par cartographie de tous les indicateurs combinés, il est maintenant possible d’identifier les pays et régions du globe pour lesquels l’avenir des écosystèmes coralliens et par conséquent des services associés, est menacé. L’Ouest du Mexique, la Micronésie, l’Indonésie, une partie de l’Australie et surtout l’Asie du Sud-Est représentent les futures zones à risques, elles s’avèrent très fortement dépendantes de leurs récifs en cours de blanchissement du fait de l’élévation de la température de surface et de l’acidification des océans dans ces régions. Ces facteurs touchent sans exception mais avec une intensité variable, l’ensemble des écosystèmes coralliens mondiaux qui peuvent être impactés concomitamment (augmentation de la température des eaux de surface + acidification) mais jamais atteints à intensité maximale de chacun des 2 facteurs.

L’utilisation d’outils d’analyses scientifiques (enregistrement des températures, enquête auprès des populations…) permet de prendre conscience des enjeux socio-économiques et écologiques résultant d’une possible disparition des écosystèmes coralliens. Pour contrer ce phénomène, des stratégies politiques à différentes échelles devront être élaborées. Néanmoins, les données scientifiques ne sont pas suffisamment conséquentes pour permettre le suivi précis des menaces locales et mondiales qui pèsent sur la santé des récifs, il est en effet impossible de collecter des données tout autour du globe. Pour déterminer le niveau d’acidification des océans de nombreux éléments sont à prendre en compte, de même il existe beaucoup de facteurs de stress en lien avec l’élévation du CO2. Il est donc important de focaliser les recherches sur des zones reconnues « à risque » afin d’en collecter les données et d’apporter des connaissances scientifiques interdisciplinaires permettant de mieux informer les décisionnaires qui pourront ainsi adapter leur politique.

Pour empêcher toutes répercussions écologiques, sociales et économiques engendrées par la disparition des récifs, il est indispensable de prévoir leurs réactions face aux changements climatiques et d’évaluer la vulnérabilité socio-économique des populations menacées car malgré les efforts fournis pour limiter les impacts écologiques, les dangers sont bien réels. Au stade actuel, une entraide financière et humaine mondiale est absolument nécessaire pour aider la Science à préserver les écosystèmes coralliens.

Médiation scientifique

Assurée par Justine Doré, doctorante de l’Ecole Doctorale des Sciences de la Mer et du Littoral (EDSML) à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), en 1ère année de thèse au Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin (LEMAR) à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM)

L’article

Pendleton L, Comte A, Langdon C, Ekstrom JA, Cooley SR, Suatoni L, et al. (2016) Coral Reefs and People in a High-CO2 World: Where Can Science Make a Difference to People? PLoS ONE 11(11): e0164699

https://doi.org/10.1371/journal.pone.0164699

Les auteurs

Ce travail est issu de la collaboration des chercheurs de l’unité de recherché AMURE de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) et des universités de : Miami (Floride, USA), Californie (USA), VU  (Amsterdam), James Cook (Australie), Duke (USA), Colombie-britannique (Canada), Oregon (USA), du comité de défense des ressources naturelles (USA), des programmes de conversation des Océans et de la Nature, des instituts de ressources mondiales et du climat et des satellites,  de la fondation nationale de la vie sauvage et de la NOAA.

La revue

« PLoS ONE » est une revue internationale multidisciplinaire en Open Acess, publiée depuis fin 2006 par Public library of Science.

Contacts

Auteurs : consulter l’annuaire de l’IUEM
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