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L’océan au cœur des discussions internationales sur le climat

Mettre en avant la place de l’océan dans les discussions sur le climat

Depuis les années 1990 les discussions sur le climat s’étaient surtout centrées sur les enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre la déforestation. L’océan, qui couvre pourtant 71% de la surface du globe et absorbe 30% du CO2 émis chaque année par l’Homme dans l’atmosphère était relativement absent des débats. Depuis 2015 et la COP21 ayant eu lieu à Paris, l’océan a émergé comme un élément des discussions sur le climat.

La Plateforme Océan et Climat est née en 2014 d’une alliance entre des associations, des scientifiques et quelques industriels. Son objectif est de promouvoir les enjeux liés à l’océan et au climat auprès des politiques, des décideurs et du grand public. Lors de la COP21 la plate-forme Océan et Climat a communiqué sur la manière dont l’océan est impacté par les changements climatiques, ainsi que sur le fait que l’océan peut faire partie des solutions face au changement climatique.

Afin d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de contenir la hausse des températures en deçà de 2 °C, les Etats signataires doivent produire des contributions nationales présentant leurs engagements. Un des objectifs de l’Alliance internationale d’initiatives Océan et Climat, organisme créé par la plate-forme Océan et Climat, est donc d’aider les Etats à intégrer le thème de l’océan dans les contributions qu’ils doivent produire en intégrant des thèmes comme les énergies marines renouvelables ou la séquestration du carbone dans les zones côtières.

L’océan est davantage présent dans le 5ème rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental des experts sur le climat) publié en 2014. Celui-ci conclut que l’océan a absorbé 30 % des émissions de CO2 dues aux activités humaines provoquant l’acidification de l’océan, que l’influence de l’homme a très probablement contribué à la fonte de la banquise, au réchauffement de surface et à l’élévation du niveau des mers.

Lors de la COP de Paris, le GIEC a également décidé de publier un rapport spécial sur les océans qui sera présenté en septembre 2019. Il traitera d’une série de thèmes liés aux océans et aux littoraux comme la hausse du niveau des mers ou les effets des changements sur les écosystèmes, sur la biodiversité et sur les services écosystémiques. Il s’agira également de passer en revue des solutions d’atténuation (par exemple la restauration de mangrove permettant de séquestrer du carbone) et des solutions d’adaptation des communautés dépendant des écosystèmes marins. Une partie portera sur les extrêmes, les changements brutaux et la gestion des risques. Le rapport traitera de l’océan mais aussi de la cryosphère c’est-à-dire des calottes glaciaires, des glaciers de montagne et de la banquise. Les changements touchant l’océan dans les régions polaires feront donc également l’objet d’un chapitre.

Contacts : Denis Bailly, Laboratoire Amure, Membre du comité scientifique de l’initiative Océan et Climat : denis.bailly@univ-brest.fr ; Anne-Marie Tréguier, Laboratoire LOPS, auteur pour le 6e Rapport d’évaluation du GIEC : anne.marie.treguier@ifremer.fr

La gouvernance de l’océan dans le contexte du changement climatique

Avec le changement global, les océans et les mers se trouvent face à des enjeux qui amènent à s’interroger sur leur gouvernance dans une perspective de gestion durable. On peut citer l’exemple de l’Arctique où le changement climatique ouvre la voie au développement des activités humaines. Plusieurs acteurs entrent en ligne de compte avec des intérêts divers allant de l’exploitation commerciale à la préservation de l’environnement. Usage des océans, circulation, accès aux ressources comme par exemple les ressources minières ou énergétiques… L’idée est de décider, collectivement, de l’avenir des océans soumis à la pression des activités humaines.

La Convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer est le document qui fixe des obligations générales permettant d’assurer l’utilisation pacifique des mers et des océans ainsi que la préservation et la protection du milieu marin. Face à la diversité des problématiques et des régions concernées (ex. : acidification et blanchiment des coraux, exploitation du pétrole en Arctique, protection des espèces menacées), il existe des conventions sectorielles et des conventions régionales.

En 2015, l’Agenda 2030 pour le développement durable a été adopté par les Nations unies. L’Objectif de développement durable n° 14 (ODD) porte sur la protection et le développement durable de l’océan, des mers et des ressources marines. Il vise à prévenir la pollution de l’océan, protéger l’écosystème océanique, mettre fin à la surpêche et à lutter contre les effets de l’acidification. Il s’agit d’améliorer la mise en œuvre de la gouvernance dans une dynamique de collaboration, en prenant en compte les enjeux globaux comme les enjeux régionaux. L’Océan est aujourd’hui au cœur de l’agenda politique international.

L’océan à découvert. Agathe Euzen, Françoise Gaill, Denis Lacroix et Philippe Cury, coordination scientifique. CNRS éditions, collection ‘A découvert’, 2017. Chapitre «La gouvernance de l’océan: un chantier entre science et politique» – Camille Mazé et olivier Ragueneau (LEMAR) Contact : olivier.ragueneau@univ-brest.fr

Repères : Qu’est-qu’une COP? Qu’est-ce que le GIEC?

Repère : Qu’est-ce que les services écosystémiques ?

Les services écosystémiques sont les béné¬fices que les êtres humains tirent des écosystèmes. Il peut s’agir de :

– La production de ressources pour l’alimentation, la santé, la cosmétique, le bâtiment ou les biocarburants,

– La régulation des cycles comme ceux du climat (séquestration de CO2 et autre gaz à effet de serre), de l’eau douce (l’évaporation de l’océan, dépollution) ou des nutriments, moteurs de la chaîne alimentaire,

– La protection des côtes face à l’élévation du niveau des mers et la multiplication des événements climatiques extrêmes,

– La source de valeurs symboliques, culturelles et esthétiques essentielles pour notre imaginaire (valeurs du monde de la mer, création artistique…) et notre bien-être (baignade, pêche récréative, nautisme…)

Evaluer les services écosystémiques permet de mieux comprendre les enjeux de leur protection.

Les sociétés humaines, vulnérables face au changement climatique

Impacts sur la santé, l’agriculture, la pêche et sur l’économie, les sociétés humaines sont déjà confrontées aux défis posés par le changement climatique. Sur le littoral, qui concentre une importante densité de population et une économie dépendant des écosystèmes marins, prendre en compte le changement climatique est un enjeu important.

Plusieurs éléments caractérisent les changements en cours. Ils provoquent notamment des effets différents dans les pays du nord et dans les pays du sud. Par ailleurs, ceux-ci se combinent à d’autres facteurs tels que la pollution, une forte urbanisation des zones littorales, ou encore la surpêche.

L’exemple des activités économiques

Il est difficile de dire quel sera vraiment l’impact du changement global sur les activités économiques telles que le tourisme, l’aquaculture ou la pêche. Il a déjà des conséquences avérées sur les espèces marines et il y a donc notamment des répercussions au niveau de la pêche. Cependant, pour se faire une idée des changements à l’œuvre, les économistes constatent qu’il faut pouvoir travailler sur des observations de longue durée permettant de suivre à la fois l’évolution de la biodiversité et de l’activité de la pêche. Il faut également prendre en compte d’autres facteurs comme la surpêche ou l’ouverture internationale des marchés.

Le travail avait été fait en 2008-2010 sur un projet ANR nommé Chaloupe auquel le laboratoire Amure a participé. Ce projet a étudié les écosystèmes du Golfe de Gascogne, de Guyane et du Maroc. Les chercheurs ont conclu que le changement climatique a des conséquences économiques pour les pêcheries mais ont également constaté que les pêcheurs développent des capacités d’adaptation, en pêchant par exemple d’autres espèces.

Contact au laboratoire Amure : pascal.lefloch@univ-brest.fr

Vers un observatoire des risques côtiers

La population du littoral français est en constante augmentation depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Selon l’INSEE, les communes littorales hébergeaient près de 8 millions de résidents en 2014. Et des projections publiées en avril 2018 indiquent que les départements littoraux pourraient concentrer 39 % de la population française en 2050.

Dans le même temps, ces territoires sont soumis à des risques exacerbés par le changement climatique, et notamment, la hausse du niveau des mers. Celle-ci est provoquée par la fonte des glaces et par le fait que l’océan plus chaud se dilate. Le scénario le plus pessimiste du dernier rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental des experts sur le climat) prévoit, de son côté, une hausse moyenne d’1 mètre en 2100 par rapport à 2000, au niveau mondial, sachant que tous les littoraux ne seront pas tous impactés de la même manière.

Des chercheurs de l’IUEM étudient les enjeux liés à la mobilité de la ligne de rivage en prenant en compte les processus géographiques à l’œuvre mais également les enjeux humains. L’évolution du trait de côte est liée à plusieurs facteurs qui provoquent des phénomènes d’érosion et de submersion. Outre la hausse du niveau des mers, les épisodes tempétueux comme la tempête Xynthia en 2010 ou encore l’extraction de sédiments marins peuvent également être cités. Le changement climatique est pris en compte comme un facteur aggravant.

Dans le cadre du projet Cocorisco (2011-2015), les chercheurs ont établi une définition de la vulnérabilité qui comprend quatre dimensions : L’exposition aux aléas tels que l’érosion et la submersion, les enjeux (valeur humaine, économique ou environnementale), la gestion des risques (prévention, protection et alerte) et les représentations (croyances, valeurs, stéréotypes). Les géographes du laboratoire Littoral, environnement, télédétection, géomatique (LETG Brest) ont travaillé avec des spécialistes de plusieurs disciplines, et notamment des psychologues, qui constatent que si les gens ne nient pas le changement climatique et la hausse du niveau des mers, ils ont tendance à mettre le risque à distance.

Avec le projet Osirisc (2016-2019) qui fait suite au projet Cocorisco, les chercheurs comptent mettre en place un observatoire du suivi à long terme des risques côtiers, en prenant en compte ces quatre aspects de la vulnérabilité. Il s’agit d’améliorer les pratiques et les stratégies de gestion des risques côtiers et de développer un outil d’aide à la décision pour les collectivités et les services de l’Etat.

Contact au LETG Brest : catherine.meurferec@univ-brest.fr

Repère: Les services écosystémiques

L’impact du changement climatique sur la biodiversité et sur les écosystèmes marins

Le changement climatique affecte les organismes marins. Les poissons, les mollusques ou même les communautés microbiennes subissent les modifications de la température de l’eau, du pH et de la teneur en d’oxygène, et ce, à différents stades de leur cycle de vie. A ces contraintes s’ajoutent d’autres facteurs comme la surpêche ou la pollution des océans. Parmi les espèces, certaines peuvent réussir à s’adapter, d’autres migreront ou ont déjà commencé, et enfin certaines risquent de disparaître, perturbant les interactions que les espèces entretiennent entre elles et l’écosystème dans lequel elles évoluaient.

Le flet, poisson estuarien en première ligne

Dans les estuaires, là où les eaux douces des fleuves rencontrent les eaux salées de la mer, de nombreuses espèces trouvent refuge. Certaines s’y abritent la quasi-totalité de leur cycle de vie, d’autres viennent s’y nourrir ou s’y reproduire. Dans ces mêmes zones, les activités humaines sont très présentes (aménagements portuaires, industries, pêche…) et les polluants issus des bassins versants composés des effluents domestiques, industriels et agricoles s’accumulent. C’est également un milieu où le réchauffement climatique se fait davantage ressentir puisque les eaux, peu profondes, sont plus susceptibles de voir leur température augmenter.

Des scientifiques du Laboratoire des sciences de l’environnement marin (LEMAR) tentent de comprendre les impacts de ces pressions sur le cycle de vie des espèces estuariennes. Ils étudient notamment l’effet de ces conditions environnementales particulières sur le flet, poisson plat qui vit l’intégralité de son cycle biologique en estuaire. On le retrouve sur toute la façade atlantique, de la Finlande au Portugal. Il y a 30 ans, les populations de flet étaient présentes jusqu’à la pointe ibérique, mais la limite sud de leur aire de répartition s’est déplacée et se trouve désormais à 150 km au nord de Lisbonne. C’est un des effets du réchauffement climatique.

Les chercheurs étudient les réponses du flet à ce qu’ils appellent des stress multiples : contamination de leur milieu par des polluants et réchauffement climatique. Ils ont pu démontrer que les populations de flet qui vivent dans des estuaires particulièrement pollués, comme c’est le cas de l’estuaire de la Seine, ont d’autant plus de mal à faire face à une augmentation de la température. Ce résultat a été obtenu en 2015 en étudiant des populations de jeunes poissons. Ils poursuivent aujourd’hui leurs travaux afin de d’étudier l’impact du réchauffement sur les différents stades du cycle de vie de ce poisson en fonction du niveau de contamination du milieu. Lancé en 2018, le projet POPEST va comparer différents estuaires, qu’ils soient très pollués, comme l’estuaire de la Seine ou beaucoup moins, comme le Belon (Sud-Finistère).

Contact au Laboratoire des sciences de l’environnement marin (LEMAR) : jean.laroche@univ-brest.fr

Quand la coquille Saint Jacques délivre ses secrets

Il y a plus de 20 ans, des chercheurs de l’IUEM ont découvert que la coquille Saint Jacques renfermait une mine d’informations. Tout commence en 1995, quand à l’occasion d’une thèse, des bandes blanches sont constatées sur le bord de toutes les coquilles récoltées en rade de Brest. En les observant à la loupe binoculaire, les scientifiques comptent presque toujours le même nombre de petites stries. Ils mettent en évidence la concomitance de l’apparition de ces stries avec un bloom d’algues toxiques ayant eu lieu au mois de juillet. Les chercheurs parviennent alors à démontrer que les coquilles forment une microstrie par jour.

La coquille devient un précieux instrument permettant de décrypter les variations de l’environnement comme la température ou la teneur en oxygène. Lorsqu’il y a plus d’espace entre les stries, c’est que la croissance s’est accélérée car la coquille a eu accès à plus de lumière et plus de phytoplancton. Une manière d’étudier le réchauffement climatique, en rade de Brest, ou encore en Terre Adélie, où des coquillages similaires fournissent des informations sur la période d’ouverture des glaces pendant l’été. Une manière également de remonter dans le temps puisque certains de ces animaux vivent 400 à 500 ans et permettent d’étudier les environnements passés.

Contact au Laboratoire des sciences de l’environnement marin (LEMAR) : yves-marie.paulet@univ-brest.fr

Repère : La circulation océanique

Dans l’océan, il existe une circulation rapide de surface, engendrée par les vents, et une circulation large et plus lente, due en majeure partie à la densité de l’eau.

La direction des courants de surface est également influencée par la force de Coriolis due à la rotation de la Terre. Dans l’hémisphère Nord, ils dévient vers la droite alors qu’ils dévient en sens inverse dans l’hémisphère Sud. Ces courants sont à l’origine des tourbillons océaniques.

Le Gulf Stream est le plus important courant de surface de l’Atlantique nord. Il transporte les eaux chaudes des Caraïbes vers le nord et adoucit ainsi le climat de l’Europe du Nord.

Les courants profonds sont influencés par la densité de l’eau. L’eau plus dense plonge dans les profondeurs alors que l’eau moins dense remonte à la surface. La densité dépend de la température et de la salinité de l’océan. L’eau salée est plus dense que l’eau douce et l’eau froide plus dense que l’eau chaude. Cette circulation de l’eau liée à la fois à la température et à la salinité est aussi appelée circulation thermohaline.

Les différences de densité créent un mélange des masses d’eau en profondeur appelé convection. Cette convection profonde océanique est un des moteurs de la circulation thermohaline. Celle-ci fonctionne comme un grand « tapis roulant « et effectue le tour des océans de la planète en un peu moins de mille ans. Elle redistribue la chaleur entre les zones polaires et équatoriales, avec une forte influence sur le climat mondial.

Repère : L’acidification de l’océan

L’acidification est un processus qui conduit à la diminution du pH (mesure de l’acidité d’un liquide) de l’océan. Elle est due au fait qu’une partie du CO2 rejeté dans l’atmosphère par les activités humaines (transport, industrie) se dissout au contact de l’océan. Bien que le pH de l’océan reste basique, il a diminué d’un dixième depuis l’ère industrielle et est actuellement autour de 8,2. Ce qu’il n’a pas connu depuis des millions d’années. Ce changement a des conséquences sur la calcification de nombreux organismes marins comme les moules, les huitres ou les coraux. Il altère également la capacité du plancton à stocker du carbone, ce qui a un effet sur la pompe biologique de carbone. Le pH de l’océan pourrait être inférieur à 8 d’ici la fin du siècle. L’acidification accélérée de l’océan risque d’affecter les sociétés humaines qui dépendent des écosystèmes marins, soit environ 40% de la population mondiale.

La circulation océanique et son rôle dans le transport et la redistribution de l’énergie

La circulation océanique redistribue la chaleur en réchauffant le climat de certaines régions ou en baissant les températures d’autres régions. Elle permet également d’enfouir du CO2 présent dans l’atmosphère au fond des océans. Mais ces phénomènes risquent d’être affectés par le réchauffement de climatique.

Il reste encore beaucoup de choses à comprendre sur les interactions entre la circulation océanique et le climat. Les principaux défis des chercheurs sont donc d’amplifier l’observation de l’océan, d’améliorer la compréhension des processus qui sont à l’œuvre et de développer des modèles numériques permettant de reproduire la circulation océanique afin d’aboutir à des projections climatiques plus précises pour le futur.

Le projet OVIDE : observer l’océan pour mieux le comprendre

La 9ème mission OVIDE est partie le 13 juin 2018 de Brest pour sillonner l’Atlantique nord. Des chercheurs du laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS) et des chercheurs de l’Institut de recherche marine de Vigo en Espagne effectuent des mesures (pression, température, salinité ou encore pH) du Portugal au Groenland tous les deux ans, depuis 2002, pour étudier la masse d’eau et la structure des courants océaniques. Il s’agit d’établir une série temporelle et d’identifier les anomalies de température. Objectif : surveiller la température et la salinité des eaux à différents endroits de l’Atlantique nord, comprendre la variabilité de la circulation thermohaline (en grec, thermos signifie la température, et halos le sel) et étudier le stockage du CO2 dans l’océan. Ce phénomène de stockage constitue la pompe physique de carbone, qui entraîne les eaux de surface chargées en CO2 dissous vers les couches plus profondes où il se trouve isolé de l’atmosphère.

Le 12 février 2018, un article, publié dans Nature par des chercheurs du LOPS, a mis en avant une augmentation de la convection profonde et de l’acidification des océans au niveau de l’Atlantique Nord. Les chercheurs ont remarqué que, depuis 2014, les eaux de surface chargées en CO2 à cause des rejets dus aux activités humaines pénétraient davantage en profondeur, ce qui a un impact sur l’acidification des océans et la survie d’organismes marins calcificateurs tels que les coraux. Il s’agit d’une anomalie entre ce qui est observé et ce qui est projeté par les modèles climatiques. Ces derniers prévoient, au contraire, que l’augmentation des précipitations et la fonte des glaces du Groenland apporteront une quantité croissante d’eau douce dans l’Atlantique Nord provoquant ainsi un ralentissement de la circulation thermohaline. La campagne de juin-juillet 2018 permet de continuer à suivre cette évolution.

Meridional overturning circulation conveys fast acidification to the deep Atlantic Ocean. F. Perez, Fiz & Fontela, Marcos & García-Ibáñez, Maribel & Mercier, Herlé & Velo, Anton & Lherminier, Pascale & Zunino, Patricia & de la Paz, Mercedes & Alonso-Pérez, Fernando & F. Guallart, Elisa & Padin, X. (2018). Nature. 554. 10.1038/nature25493. Contact : herle.mercier@ifremer.fr

Le programme Argo révolutionne l’observation de l’océan

Depuis les années 2000, le programme Argo scrute l’océan via des flotteurs profileurs qui dérivent dans tous les océans du monde. Il y en a aujourd’hui plus de 4000, qui réalisent des mesures de salinité, de température, de pression ou encore de chlorophylle depuis la surface jusqu’à 2km de profondeur. En changeant leur volume, ces robots remontent à la surface tous les 10 jours et effectuent des mesures qu’ils transmettent ensuite par satellite. Avant cela, les données étaient très sporadiques ce qui ne permettait pas d’expliquer le cycle saisonnier de l’océan.

Le programme Argo répond à un besoin fondamental : comprendre la variabilité de l’océan et ses causes en interaction avec l’atmosphère car l’océan intègre le changement de l’atmosphère sur le long terme. Il stocke la chaleur, le carbone et l’eau douce. Les mesures réalisées dans le cadre d’Argo permettent d’étudier cette capacité de stockage et de suivre son évolution. Contrairement aux satellites, Argo permet également d’étudier l’océan en trois dimensions, c’est-à-dire également en profondeur. Le traitement des données montre une augmentation de la quantité de chaleur dans l’océan global sur les dernières années, une chaleur principalement stockée dans les couches de surface de l’océan.

Argo est un exemple de coopération scientifique puisque plus de 30 pays contribuent au réseau en déployant chaque année des flotteurs. Les données récoltées sont partagées entre les chercheurs de tous les pays du monde. Des mesures biogéochimiques ont été ajoutées afin d’étudier les écosystèmes des océans. Par ailleurs, le défi pour les dix prochaines années est d’en savoir plus sur l’océan profond car Argo n’étudie pour l’instant que la moitié du volume de l’océan. Des flotteurs résistant à de fortes pressions et permettant de descendre jusqu’à 4000-6000m de profondeur sont actuellement testés.

Site web : https://www.argo-france.fr ; Contact : nicolas.kolodziejczyk@univ-brest.fr

Etudier les tourbillons océaniques, pour améliorer les projections climatiques

Si la circulation océanique semble à première vue s’écouler lentement, effectuant peu à peu le tour de la planète, les choses sont en réalité un peu plus compliquées. L’océan est soumis à des turbulences dont de nombreux mystères restent encore à percer. Les tourbillons jouent un rôle crucial dans la dynamique naturelle de l’océan mais sont encore peu connus. Ils contiennent 70% de l’énergie des océans et participent au transport de chaleur et de masse. Leur échelle est variable selon la latitude, ou encore selon les saisons. Certaines structures peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres et durer pendant des mois alors que les plus petites ne sont larges que de 30 à 100 km. Ce sont ces dernières qui sont pourtant les plus énergétiques.

Les modèles de climats utilisés actuellement ne sont pas capables d’intégrer les phénomènes de tourbillons océaniques, surtout ceux de moyennes ou de petites échelles. Ils décrivent donc des courants moyens mais négligent toutes les fluctuations aux alentours. Pourtant, lorsque l’on parvient à incorporer les tourbillons dans les projections, en utilisant par exemple des modèles simulant des climats régionaux, on constate que l’océan devient très actif et que cela génère des variations sur des mois voire sur des dizaines d’années. Prendre en compte les tourbillons dans les modèles, voir quels sont les impacts sur le climat et comparer avec ce qui est réellement observé est un des enjeux du travail réalisé par les chercheurs du LOPS. Développer des modèles numériques plus précis permettra d’améliorer les projections océaniques et donc les modèles climatiques qui tentent de prévoir le réchauffement climatique global pour les prochaines années.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», thierry.huck@univ-brest.fr

L’Arctique, une région au cœur des enjeux climatiques

Comprendre les variations en Arctique est un autre défi important sur lequel travaillent les chercheurs. Cette région, située au pôle nord de la planète et plus ou moins recouverte de glace selon les saisons, est encore peu connue. Les recherches ne remontent qu’aux 10 dernières années. Pourtant, la fonte de la banquise arctique est un des principaux signaux de changement climatique. Un phénomène qui a des conséquences économiques et un impact sur la biodiversité. Les chercheurs tentent donc de répondre à un certain nombre de questions pour comprendre à la fois le rôle de l’océan dans la fonte de la banquise mais également les conséquences de la fonte des glaces sur l’océan et le climat.

Contact : Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale, Equipe «Océan et Climat», camille.lique@ifremer.fr

Repère: L’acidification de l’océan

Repère: La circulation océanique

Repère : la stratification de l’océan

Dans l’océan, les masses d’eau sont disposées en différentes couches, selon leur densité. La densité varie en fonction de la salinité et de la température. L’augmentation de la température produit une couche d’eau plus chaude et donc plus légère qui limite le brassage et la ventilation de l’océan ainsi que l’apport de nutriments venant des eaux profondes vers la surface. L’océan Arctique est, par exemple, un milieu très stratifié.

La pompe biologique de carbone, régulatrice du climat

L’océan joue un rôle fondamental de régulateur du climat. Mais, s’il contribue à ralentir le changement climatique, les émissions de CO2 viennent également perturber des processus naturels avec des impacts plus ou moins certains sur les écosystèmes marins.

Le phytoplancton, acteur de la pompe biologique de carbone

A la surface de l’océan, vivent des algues microscopiques qui dérivent, connues sous le nom de phytoplancton. Elles ont accès à la lumière du soleil et utilisent son énergie pour faire de la photosynthèse. Elles transforment ainsi le CO2 et produisent plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons. Le carbone fixé par ces organismes permet de nourrir les animaux marins. Les particules (pelotes fécales, cellules mortes, détritus) migrent ensuite vers le fond. Une petite partie atteint les profondeurs et est alors stockée dans les sédiments pour des millénaires. On appelle ce phénomène la pompe biologique de carbone. Il limite la quantité de CO2 présent dans l’atmosphère et participe à la régulation du climat.

Le projet BioPSis

BioPSis est un projet du LEMAR qui s’intéresse à deux types de phytoplancton acteurs de la pompe biologique de carbone : les diatomées et les cyanobactéries. Les diatomées sont des algues microscopiques avec une carapace à base de silice (composant du verre) qui sont à l’origine d’un quart de l’oxygène que nous respirons. Elles produisent également une très grande quantité de matière organique, à la base de la chaîne alimentaire marine. Les cyanobactéries sont des bactéries photosynthétiques qui sont apparues il y a 3,5 milliards d’années. On les retrouve généralement dans les eaux chaudes. Elles peuvent également cumuler de la silice et forment ainsi des agrégats de matière organique qui transportent le carbone vers les profondeurs de l’océan.

Le but de BioPSis est d’étudier l’efficacité de ces deux types d’algues dans la pompe biologique de carbone dans le contexte du changement climatique et dans deux milieux différents : l’océan Arctique pour les diatomées et la mer des Sargasses pour les cyanobactéries. Le changement climatique modifie les courants marins, ce qui diminue la quantité de nutriments présents à la surface des océans. L’enjeu est de savoir quel est l’impact de cette limitation en nutriments sur le comportement des diatomées et des cyanobactéries et si celui-ci limite le transport de carbone vers les profondeurs.

Le projet Greenedge

Greenedge est un projet international multidisciplinaire auquel participe le LEMAR. Son objet d’étude: le phénomène de bloom printanier en Arctique. Dans cette région, le phytoplancton est essentiellement composé de diatomées et de dinoflagellés. Au printemps, la fonte des glaces permet à la lumière de s’infiltrer et aux nutriments de remonter à la surface favorisant ainsi le développement des micro-algues. L’explosion massive du nombre de cellules phytoplanctoniques est appelée le bloom, qui est à la base de toute la chaîne alimentaire.

Avec le changement climatique et la diminution de l’étendue de la banquise, il arrive que le bloom ait lieu plus tôt dans l’année. Il peut également y avoir un autre bloom à l’automne. Les chercheurs tentent de mieux comprendre les grands cycles biogéochimiques et l’impact sur le réseau trophique en Arctique, c’est-à-dire sur l’ensemble des chaînes alimentaires reliées entre elles dans cet écosystème.

Le projet BioPSis, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour une durée de 4 ans, a commencé le 1er février 2017. Il est coordonné par Brivaëla Moriceau du LEMAR.

Le projet Greenedge est financé par l’ANR 2014 – 2019. Il est porté par l’Unité Mixte Internationale Takuvik, issue d’un partenariat entre l’Université de Laval (Canada) et le CNRS. Le LEMAR est partenaire du projet. Site pédagogique pour découvrir l’océan Arctique et le projet Greenedge : http://www.aoa.education/fr

Contact: brivaela.moriceau@univ-brest.fr

 

Repère: la stratification de l’océan

Repère: l’eutrophisation

L’eutrophisation est due à un excès de substances nutritives (nitrate et phosphate). Ce processus peut être naturel ou être le résultat des activités humaines (ruissellement des engrais, rejets d’eaux usées). Il provoque une multiplication excessive de certaines algues dans le milieu aquatique entrainant parfois des phénomènes de « marées vertes ». La décomposition des algues conduit à une diminution de la teneur en oxygène pouvant provoquer la mort des organismes tels que les poissons, les coquillages et les mollusques.

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