Laboratoire LEMAR – 2018
Floriane Boullot
Pierre Boudry
Philippe Soudant
UBO
Lors des efflorescences de micro-algues productrices de toxines paralysantes (PST), les bivalves filtreurs peuvent bioaccumuler une grande quantité de toxines et devenir à leur tour toxiques, notamment pour l’homme. La quantité de toxines PST accumulée d’un individu à l’autre s’avère être très variable au sein même d’une population de bivalves. Ainsi, dans nos conditions expérimentales, la quantité de PST accumulées par des huîtres creuses, Crassostrea gigas, d’un même lot, exposées au dinoflagellé toxique Alexandrium minutum, variait d’un facteur 450. L’origine de cette variabilité est inconnue jusqu’alors mais l’une des hypothèses pour l’expliquer serait l’existence de plusieurs formes de canaux sodium voltage-dépendant (NaV), cible des PST, qui confèreraient aux bivalves des sensibilités différentes aux PST. L’objectif principal de cette thèse était de comprendre s’il existe une sensibilité individuelle aux PST différente entre les huîtres et si cette variabilité pouvait être due à des formes différentes de NaV.Une première partie a permis de caractériser le NaV chez C. gigas par une approche de biologie moléculaire. Deux gènes NaV ont été mis en évidence chez C. gigas : CgNaV1, codant un canal sodium et CgNaV2 codant un canal potentiellement sélectif du sodium et du calcium. L’épissage alternatif de CgNaV1 produits trois variants (A, B et C) avec des profils d’expression différents : au niveau des jonctions neuromusculaires pour CgNaV1A, dans les cellules nerveuses pour CgNaV1B et dans les deux pour CgNaV1C. L’acide aminé Q, observé dans le site de liaison aux PST (domaine II) de la séquence CgNaV1 pour les 3 variants et chez tous les individus des 4 populations étudiées, pourrait conférer aux huîtres une certaine résistance aux PST. Ainsi, les variants issus du génotypage/épissage de CgNaV1 ne seraient donc pas le point déterminant du niveau de bioaccumulation des huîtres.Une deuxième partie a permis d’étudier la sensibilité aux PST des nerfs de l’huître creuse C.gigas en relation avec l’accumulation de PST par une approche d’électrophysiologie. La sensibilité à la STX des nerfs cérébroviscéraux d’huîtres a été évaluée en étudiant leur potentiel d’action (CNAP).Il a été montré que les nerfs de C. gigas possédaient une sensibilité à la STX de l’ordre du micromolaire, ce qui leur confère une sensibilité intermédiaire parmi les bivalves. Cette sensibilité des nerfs peut varier selon la période à laquelle les huîtres ont été prélevées et potentiellement selon leur condition physiologique. Une pré-exposition des huîtres à A. minutum semble augmenter la résistance des nerfs à la STX. Cependant, aucune corrélation significative n’a été observée entre la sensibilité nerveuse à la STX et la charge en PST dans la glande digestive des huîtres.Il apparait donc que la variabilité de l’accumulation des PST par les huîtres résulterait plutôt d’une plasticité physiologique, en terme de filtration, d’ingestion et d’assimilation, que d’une sensibilité différentielle des NaV.
2017
Panorama
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