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En savoir plus

L’utilisation de proxies pour reconstruire les processus physiques et biologiques qui se déroulent au niveau des marges continentales est essentielle compte tenu du rôle joué par ces marges (1) dans les cycles biogéochimiques du carbone et des éléments biogènes associés (rôle de source ou puits, filtre vis-à-vis des apports continentaux), et (2) dans la production de ressources halieutiques, mais également compte tenu de la nécessité de replacer les observations actuelles dans une perspective à plus long terme afin de déconvoluer les signaux naturels et anthropiques.

Cependant la confrontation des proxies utilisés en paléocéanographie révèle des désaccords parfois importants entre les différentes méthodes de reconstruction qui se sont développées au cours des dernières décennies et ceci est particulièrement exacerbé au niveau des marges. Au milieu des années 90, la nécessité d’une meilleure calibration de ces proxies est apparue à travers les initiatives MESH (Pisias et al., 1995) ou OPALEO (Ragueneau et al., 1996, 1997). Les principes de validation et d’utilisation de ces proxies (méthodes statistiques indirectes ou calibrations directes in situ ou en cultures) expliquent au premier ordre ces différences. Ce constat souligne la nécessité de revenir sur des études focalisées sur la période actuelle afin de comprendre les raisons des écarts (ou des accords) observés (Wefer et al., 1999 ; Ragueneau et al., 2000 ; Henderson, 2002). Il est également clair que chaque outil/proxy a ses avantages et ses limites mais tous sont soumis à de nombreux processus se déroulant entre leur apport à l'océan et/ou leur formation/précipitation en surface et leur enfouissement dans les archives sédimentaires. Clairement, seule une approche multi-proxies peut permettre de converger vers des hypothèses cohérentes, tout en permettant d’apporter de précieuses informations sur les processus qui procurent les biais mentionnés plus haut. La calibration de chaque proxy et son utilisation dans une approche multi-proxies mobilise aujourd’hui une grande communauté au sein de divers programmes internationaux (e.g. PJTT-IGBP, SCOR-GEOTRACES…).

Par ailleurs, nombre des processus que l’on souhaite reconstruire dans ces environnements très dynamiques que sont les marges se déroulent sur de courtes échelles de temps, allant de la journée à quelques semaines ; c’est particulièrement le cas de la production primaire et de la dynamique phytoplanctonique (McKee et al., 2003). Or, la plupart des traceurs utilisés habituellement ne permettent des reconstructions qu’à l’échelle de la décennie, au mieux ; ils sont donc difficilement utilisables dans ces environnements pour reconstruire la dynamique du phytoplancton à l’échelle qui convient. CHIVAS propose d’exploiter de nouveaux proxies et d’en affiner d’autres, tous contenus dans une archive biologique ubiquiste (coquilles de bivalves) permettant des reconstructions journalières de l’environnement (e.g. température ; Chauvaud et al., 2005 ; Thébault et al., 2007) et de la productivité en surface (Gillikin et al., 2006, 2008 ; Barats et al., 2008a ; Barats et al., en révision ; Thébault et al., en révision). L’utilisation de ces proxies au sein de cette archive unique nécessite cependant une compréhension complète des processus qui conduisent à leur archivage au sein des coquilles, processus qui doivent être étudiés à l’échelle de cet archivage, journalier donc. Le choix de la rade de Brest, zone atelier de l’INEE, est justifié par ce besoin de compréhension. Trois proxies de la production primaire  sont mesurés en parallèle, au sein de cette archive, puis utilisés dans une approche multi-proxies le long d’un gradient latitudinal (de la Norvège à l’Espagne) pour reconstruire les variations passées dans la productivité des marges de ces régions.

 

Au cours de la dernière décennie, l'avènement de techniques analytiques de plus en plus performantes, comme l'ablation laser couplée à des spectromètres de masse à plasma induit (LA-ICP-MS), a permis de mettre en évidence des variations brutales des concentrations coquillières en baryum au cours de la vie de plusieurs espèces de bivalves phylogénétiquement assez éloignées (Stecher et al., 1996 ; Vander Putten et al., 2000 ; Lazareth et al., 2003 ; Carré et al., 2006 ; Gillikin et al., 2006 ; Barats et al., 2008a ; Gillikin et al., 2008 ; Thébault et al., en révision). Il existerait un lien, certes complexe, entre biomasse phytoplanctonique et incorporation de baryum dans les coquilles. Deux hypothèses principales ont été avancées pour expliquer cette relation : (1) l’ingestion de cristaux de barytine BaSO4 formés suite à un bloom phytoplanctonique (cf. Stroobants et al., 1991 ; Ganeshram et al., 2003), et (2) l’ingestion de diatomées « riches » en baryum (adsorbé sur des oxy-hydroxydes de fer associés aux frustules ; cf. Sternberg et al., 2005). Dans les deux cas, la concentration coquillière en baryum recèle vraisemblablement un potentiel considérable en tant que proxy de la dynamique phytoplanctonique.

Très récemment enfin, des augmentations soudaines de la concentration coquillière en molybdène ont été décrites par plusieurs membres du groupe CHIVAS chez deux espèces de bivalves pectinidés (coquilles Saint-Jacques) sur les côtes européennes (Barats et al., en révision) et en Nouvelle-Calédonie (Thébault et al., en révision). Plusieurs hypothèses ont été avancées par ces auteurs afin d’expliquer ces pics de molybdène, les plus probables étant : (1) le relarguage de molybdène par le sédiment lors du développement de conditions anoxiques à l’interface eau-sédiment, par exemple suite à la sédimentation d’un bloom phytoplanctonique (Chaillou et al., 2002 ; Dalai et al., 2005), et (2) l’ingestion par les bivalves de cellules phytoplanctoniques présentant une forte concentration intracellulaire en molybdène ; celle-ci serait liée à l’utilisation du nitrate comme source d’azote qui nécessite l’activation d’une enzyme (la nitrate réductase) fonctionnant avec le molybdène comme cofacteur (Raven, 1988 ; Marino et al., 2003). La concentration coquillière en molybdène pourrait ainsi être utilisée pour reconstruire la fréquence et l’intensité du développement de conditions hypoxiques/anoxiques à l’interface eau-sédiment et/ou l’intensité de la production primaire basée sur l’utilisation du nitrate apporté par les rivières en hiver (production nouvelle). Les pics de baryum pouvant être synchrones aux pics de production primaire, le couple Mo/Ba pourrait permettre dans ce cas de distinguer la production nouvelle de la production régénérée basée sur la régénération rapide de la matière organique produite, distinction qui s’est avérée cruciale pour la description du fonctionnement écologique des écosystèmes côtiers.

Il convient finalement de préciser que les communautés scientifiques nationales et internationales ont jusqu’à présent étudié ces trois proxies de manière totalement découplée. CHICOS rassemble ses proxies dans un environnement enrichi en azote par la production porcine et très largement instrumenté et surveillé.