Suivi temporel des concentrations de mercure dans les thons, les travaux d’Anaïs Médieu dans la presse

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Les travaux d’Anaïs Medieu sur le suivi temporel des concentrations de mercure dans les thons ont fait ces derniers temps l’objet de nombreux articles dans la presse nationale et internationale :

Ces publication n’étant pas toutes en accès libre, voici un résumé des résulats d’Anaïs.

 

La stabilité des concentrations de mercure dans le thon depuis 1971 reflète l’inertie des océans et appelle à des réductions massives des émissions pour atteindre les objectifs de la Convention de Minamata.

Les humains sont exposés au méthylmercure toxique principalement en consommant des poissons marins qui bioaccumulent le méthylmercure dans les océans. La Convention de Minamata sur le mercure de l’ONU vise à réduire l’exposition humaine au mercure à travers la réduction des émissions anthropiques. Mais est-ce que cet effort de réduction a permis de réduire les concentrations de méthylmercure dans les océans et les poissons marins ? Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par l’IRD, s’est intéressée à cette question en compilant près de 3000 données de mercure mesurées dans des échantillons de thons capturés entre 1971 et 2022 dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique.

L’étude révèle que les concentrations de mercure dans les thons sont restées globalement stables depuis 1971, sauf dans le nord-ouest Pacifique où elles ont significativement augmenté à la fin des années 1990s, probablement en lien avec l’augmentation massive des émissions anthropiques associées à l’usage intensif des combustions fossiles pour la production d’électricité en Asie. Ailleurs, la stabilité des niveaux de mercure dans les thons ne reflète pas la baisse mondiale des niveaux de mercure dans l’atmosphère résultant des politiques de réduction d’émissions. Les chercheurs relient cette stabilité dans les thons à l’inertie des océans et au stock de mercure historiquement émis qui continue d’alimenter les eaux de surface ou subsurface où vivent les thons. Ce mercure a été émis des décennies, voire des siècles auparavant, et ne reflète pas encore les effets des réductions d’émissions dans l’atmosphère.

Les chercheurs ont également simulé l’impact de différentes politiques de réduction des émissions sur les niveaux de mercure dans les océans. Même la politique d’émission la plus stricte mettrait 10 à 25 ans pour initier une baisse des concentrations de mercure dans les océans. Ces résultats soulignent la nécessité d’un effort mondial pour atteindre les objectifs de la Convention de Minamata de réduction des émissions et appellent à une surveillance mondiale continue et à long-terme des niveaux de mercure dans la vie marine.

 

L’océan stockerait davantage de carbone qu’estimé dans les précédentes études

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Notre collègue Frédéric Le Moigne a participé à une étude internationale sur l’efficacité de la pompe océanique de carbone. Cette étude publiée cette semaine dans le journal Nature réévalue à la hausse la capacité de stockage de carbone dans l’océan, notamment par la “neige marine”. Cette publication a fait l’objet d’un communique de presse du CNRS :

L’océan a une capacité de stockage du dioxyde de carbone atmosphérique près de 20% supérieure aux estimations présentées dans le dernier rapport du GIEC. C’est ce que révèle l’étude, à paraître dans la revue Nature le 6 décembre 2023, menée par une équipe internationale comprenant un biologiste du CNRS. Les scientifiques se sont penchés sur le rôle que joue le plancton dans le transport naturel du carbone depuis la surface vers les fonds marins.

En effet, friand de ce gaz qu’il transforme grâce à la photosynthèse en tissus organiques au cours de son développement, une partie du plancton se transforme en particules marines en fin de vie. Plus dense que l’eau de mer, cette « neige marine » coule dans les fonds marins stockant du carbone, et constitue également une ressource de nutriments essentiels pour de nombreuses créatures des profondeurs, depuis les minuscules bactéries jusqu’aux poissons de grands fonds.

En se basant sur l’étude d’une banque de données collectées sur l’ensemble du globe depuis les années 1970 à l’aide de navires océanographiques, l’équipe de sept scientifiques a pu cartographier numériquement les flux de matière organique de l’ensemble des océans. La nouvelle estimation de capacité de stockage qui en résulte s’élève à 15 gigatonnes par an, soit une augmentation d’environ 20% par rapport aux précédentes études (11 gigatonnes par an) rapportées par le GIEC dans son rapport de 2021.

Cette réévaluation de la capacité de stockage des fonds marins représente une avancée significative dans la compréhension des échanges de carbone entre l’atmosphère et l’océan au niveau planétaire. Si l’équipe souligne que ce processus d’absorption s’opère sur des dizaines de milliers d’années, et qu’il n’est donc pas suffisant pour contrebalancer l’augmentation exponentielle d’émissions de CO2 engendrée par l’activité industrielle mondiale depuis 1750, cette étude renforce néanmoins l’importance de l’écosystème océanique en tant qu’acteur majeur dans la régulation du climat planétaire à long terme.

Distribution globale du flux de carbone organique depuis la couche de surface de l’océan ouvert.
© Wang et al., 2023, Nature.

 

Référence de l’article, accessible en ligne :

Biological carbon pump estimate based on multi-decadal hydrographic data. Wei-Lei Wang, Weiwei Fu, Frédéric A. C. Le Moigne, Robert T. Letscher, Yi Liu, Jin-Ming Tang, and François W. Primeau. Nature, le 6 décembre 2023.
DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-023-06772-4

Claire Hellio, lauréate de la médaille de l’innovation du CNRS

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Félicitations à notre collègue Claire HELLIO à qui a été décernée la médaille 2023 de l’innovation du CNRS !

Claire, Professeure des Universités à l’UBO, est responsable de la plateforme BIODIMAR . Celle-ci est dédiée à la recherche en biotechnologie, et développe des solutions pour produire des produits plus respectueux de l’environnement, principalement à partir de molécules d’origine marine.

 

Extrait du communiqué du CNRS :

Claire Hellio, s’inspirer de molécules naturelles pour des produits respectueux de l’environnement

Claire Hellio développe des solutions innovantes bioinspirées à partir de molécules actives produites par les algues et les microorganismes. Mené au Laboratoire des sciences de l’environnement marin, ce travail de valorisation, à l’interface entre la chimie, la biologie, la biochimie et l’écologie, est notamment réalisé via la plateforme de bioprospection Biodimar, que cette professeur dirige.

Son équipe répond aux problématiques et besoins en R&D des industriels, en développant des biotests spécifiques et des solutions biotechnologiques innovantes à partir de substances naturelles d’origines marines. Les applications visent principalement les domaines des cosmétiques (antioxydants et conservateurs) et des revêtements antifouling (protection des coques des bateaux contre la colonisation). Ces solutions sont rendues les plus respectueuses possibles de l’environnement. Cette collaboration avec les entreprises a par exemple pris la forme d’un laboratoire commun appelé BiotechALg en partenariat avec Green Sea, leader européen de la production de microalgues.

Un puits de CO₂ dans le désert marin du Pacifique Sud

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Quatre collègues du LEMAR (Jérémie Habasque, Frédéric Le Moigne, Anne Lebourges-Dhaussy et Géraldine Sarthou) ont participé à une vaste étude internationale basée sur les résultats de la campagne TONGA. Cette étude, dirigée par Sophie Bonnet (MIO) et Cécile Guieu (LOV) porte sur le mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l’océan par les sources hydrothermales et vient d’être publiée dans le prestigieux journal Science.

Communiqué de presse

Un processus nouvellement identifié de fertilisation naturelle en fer dans l’océan alimente des puits régionaux de CO₂. C’est ce que démontre une étude publiée le 25 mai dans Science et co-écrite par 25 chercheurs et chercheuses issus du projet Tonga piloté par deux chercheuses de l’IRD et du CNRS, regroupant plus de 90 scientifiques de 14 laboratoires français basés en métropole et en Nouvelle-Calédonie, et de 6 universités internationales. Dans cet article, l’équipe de recherche a étudié les volcans sous-marins peu profonds de l’arc volcanique de Tonga (Pacifique Sud), qui relarguent des fluides hydrothermaux riches en fer, un micronutriment essentiel à la vie. Une partie du fer émis dans ces fluides atteint la couche éclairée de l’océan, celle où se fait la photosynthèse c’est-à-dire la fixation du CO₂ par les microalgues du plancton. Cela stimule fortement l’activité biologique dans cette zone, notamment celle des diazotrophes1, créant ainsi une vaste efflorescence d’environ 400 000 km2, véritable oasis de vie au milieu du désert marin du Pacifique Sud, et une séquestration accrue de CO2 vers l’océan profond.

Pour documenter le lien mécaniste entre l’apport de fer par le volcanisme sous-marin et la réponse de la communauté planctonique de surface, les chercheurs et chercheuses ont combiné des observations acoustiques, chimiques, physiques et biologiques acquises au cours de l’expédition océanographique Tonga, réalisée en 2019 à bord du navire L’Atalante de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer.

Dans cette étude, les scientifiques démontrent que les fluides émis le long de l’arc volcanique de Tonga ont un impact considérable sur les concentrations en fer dans la couche éclairée. Cet enrichissement stimule l’activité biologique, ce qui entraîne la formation d’une vaste oasis de vie riche en chlorophylle, dominée par le diazotrophe Trichodesmium. En comparaison avec les eaux adjacentes non fertilisées en fer, l’activité des diazotrophes y est 2 à 8 fois plus élevée et les flux de séquestration de carbone dans l’océan profond 2 à 3 fois. Ces résultats révèlent un mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l’océan par les sources hydrothermales, qui alimente des puits régionaux de CO2 atmosphérique.

Les diazotrophes planctoniques sont des organismes microscopiques omniprésents dans l’océan. Ils jouent un rôle crucial puisqu’ils agissent comme des engrais naturels en fournissant de l’azote nouvellement disponible à la biosphère de l’océan de surface, un nutriment essentiel mais rare dans la plupart de nos océans. Le Pacifique Sud subtropical occidental est un haut lieu de l’activité des diazotrophes, avec une contribution estimée à 21% de l’azote mondial apporté par ce processus.

On sait que l’apport de fer par le biais des dépôts atmosphériques contrôle la biogéographie des diazotrophes à grande échelle, mais ces apports éoliens sont extrêmement faibles dans cette région éloignée. Cela suggère la présence d’autres processus de fertilisation en fer, tel que celui mis en évidence ici pour la première fois. L’identification de ces processus est de la plus haute importance car les diazotrophes ont récemment été identifiés comme des moteurs clés de la future fixation de CO2 par l’océan en réponse au changement climatique.

 

Référence
Sophie Bonnet, Cécile Guieu, Vincent Taillandier, Cédric Boulart, Pascale Bouruet-Aubertot, Frédéric Gazeau, Carla Scalabrin, Matthieu Bressac, Angela N. Knapp, Yannis Cuypers, David González-Santana, Heather J. Forrer, Jean-Michel Grisoni, Olivier Grosso, Jérémie Habasque, Mercedes Jardin-Camps, Nathalie Leblond, Frédéric Le Moigne, Anne Lebourges-Dhaussy, Caroline Lory, Sandra Nunige, Elvira Pulido-Villena, Andrea L. Rizzo, Géraldine Sarthou, Chloé Tilliette.
Institut méditerranéen d’océanologie (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Université de Toulon), Laboratoire d’océanographie de Villefranche (CNRS/Sorbonne Université), Laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (CNRS/SU), Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (CNRS/IRD/MNHN/SU), Laboratoire Geo-ocean (CNRS/Ifremer/UBO), Laboratoire des sciences de l’environnement marin (CNRS/IRD/Ifremer/UBO), Institut de la Mer de Villefranche (CNRS/SU).
Natural iron fertilization by shallow hydrothermal sources fuels diazotroph blooms in the Ocean, Science, 25 mai 2023. DOI: 10.1126/science.abq4654.

Déclaration de Lanzarote, les scientifiques alertent l’ONU sur la pollution plastique

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La conférence internationale MICRO  2022 organisée à Lanzarote s’est tenue en distanciel  du 14 au 18 novembre 2022 sous le patronage de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Elle a réuni plus de 2500 chercheurs qui ont partagé 500 présentations orales et affiches. Cette conférence a eu lieu dans un contexte de science ouverte, afin de partager les résultats de la recherche sur la pollution plastique, des macro aux nanoplastiques, avec un accent particulier sur les microplastiques. Les communications ont concerné :

  • la présence et le devenir des plastiques dans les environnements aériens, terrestres, aquatiques et surtout marins ;
  • les impacts de ces plastiques sur le vivant ;
  • Les solutions et alternatives pour endiguer la contamination plastique environnementale que cela soit en termes d’innovations, d’approche comportementale, de sciences humaines et sociales…

Lors de la dernière demie-journée, le comité d’organisation, avec l’aide d’orateurs entendus durant la semaine, a synthétisé les résultats majeurs puis exposé les perspectives en termes de priorités de recherche ainsi qu’en termes opérationnels sur des solutions liées à la problématiques des plastiques déchets dans l’environnement. Cette session finale a conduit à la rédaction et la communication d’une déclaration intitulée “Lanzarote Declaration, MICRO 2022 for the UN Treaty on Plastic Pollution” qui se veut suffisamment argumentée, et basée sur des preuves scientifiques, pour alimenter l’émergence du Traité mondial des Nations Unies sur la pollution plastique qui est une occasion inestimable de s’attaquer à la pollution plastique.

Deux scientifiques du Lemar, Ika PAUL-PONT et Arnaud HUVET sont impliqués dans le conseil scientifique et donc co-signataires de cette déclaration.